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23/09/2020 | FRANCE | N°19PA01582

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 23 septembre 2020, 19PA01582


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre des années 2011, 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1715628/2-1 du 12 mars 2019, le Tribunal administratif de Paris, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer à hauteur des dégrèvements prononcés en cour

s d'instance, a réduit la base imposable à la taxe sur la valeur ajoutée de l'année 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre des années 2011, 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1715628/2-1 du 12 mars 2019, le Tribunal administratif de Paris, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer à hauteur des dégrèvements prononcés en cours d'instance, a réduit la base imposable à la taxe sur la valeur ajoutée de l'année 2012 d'une somme de 9 280 euros, déchargé M. E... de l'imposition résultant de cette réduction de base et rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 10 mai, 11 octobre 2019 et 18 mai 2020, M. E..., représenté par Me B... A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 12 mars 2019 en ce qu'il a partiellement rejeté ses demandes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'administration n'a pas justifié, dans le cadre des propositions de rectification, des dates auxquelles le droit de communication a été exercé ;

- elle n'a pas justifié de la compétence de l'agent ayant exercé ce droit ;

- les imprimés n° 2333EF du 28 août 2013 et n° 2333R du 27 septembre 2013 ne lui ayant pas été communiqués malgré sa demande, les droits de la défense ont été méconnus ;

- l'administration a fait usage de son droit de communication auprès des établissements bancaires avant l'expiration du délai de soixante jours dont il disposait pour communiquer ses relevés et avant l'engagement de la vérification de comptabilité ;

- il n'est pas établi que les demandes de comptes professionnels des 28 août 2013 et

2 juillet 2014 aient été signées par leur auteur apparent, contrairement aux dispositions de l'article 4 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000, dès lors que la signature est photocopiée ;

- ce montage n'est pas conforme aux dispositions du code civil et est constitutif de faux au sens du code pénal ;

- le rappel de taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre de l'année 2013 est insuffisamment motivé, la proposition de rectification n'explicitant pas les motifs du rehaussement d'une taxe déjà déclarée par le contribuable ;

- il en est de même s'agissant des motifs pour lesquels la taxe déductible retenue par le service au titre de l'année 2013 a été limitée à 964 euros ;

- il en est de même s'agissant des motifs pour lesquels les charges déductibles au titre de l'année 2013 ont été fixées à 12 008 euros ;

- la rectification de l'impôt sur le revenu n'a pas été notifiée au foyer fiscal ;

- l'administration n'a pas reporté sur l'année 2012 le crédit de taxe sur la valeur ajoutée accepté au titre de l'année 2011 ;

- au titre de l'année 2012, la somme de 26 893 euros correspond à des virements de compte à compte et ne saurait être prise en compte pour le calcul de la taxe sur la valeur ajoutée collectée ;

- il incombe à l'administration de produire les copies des relevés bancaires utilisés ;

- il justifie d'une taxe sur la valeur ajoutée déductible supplémentaire de 1 082 euros à laquelle il convient d'ajouter le crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 9 680 euros dégagé au titre de l'année 2011 ;

- les encaissements en provenance de la SCI Nanouk doivent être retirés des encaissements taxables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux pour un montant hors taxe de 10 284 euros au titre de l'année 2012 ;

- au titre de l'année 2013, la somme de 11 600 euros correspond à des virements de compte à compte pour 11 500 euros et à un remboursement SFR pour 100 euros et ne saurait être prise en compte pour le calcul de la taxe sur la valeur ajoutée collectée ;

- le détail de la taxe sur la valeur ajoutée déductible retenu pour l'année 2013 n'est pas produit ;

- il justifie d'une taxe sur la valeur ajoutée déductible supplémentaire de 1 456 euros au titre de l'année 2013 ;

- il justifie, au titre de l'année 2013, de 29 593 euros de charges déductibles dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ;

- il convient d'obtenir la copie de la décision de dégrèvement du 17 avril 2018 ;

- les conclusions relatives aux prélèvements sociaux sont recevables ;

- l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle a dépassé la durée d'un an ;

- la preuve des délais nécessaires pour obtenir les relevés de compte n'est pas apportée ;

- l'administration ne pouvait, le 15 juillet 2014, notifier le rehaussement des bénéfices industriels et commerciaux au titre des exercices clos en 2011 et 2012 sans méconnaitre les dispositions de l'article L. 50 du livre des procédures fiscales, après avoir notifié le 12 juillet 2014 une proposition de rectification mettant fin à l'examen de situation fiscale personnelle ne prenant pas en compte ces rehaussements ;

- les rehaussements afférents à l'année 2011 sont contradictoires avec les affirmations du vérificateur relatives à leur abandon ;

- les pénalités pour un montant de 4 446 euros établies sur le fondement de l'article 1758 A du code général des impôts se cumulent de manière irrégulière avec des pénalités de même montant établies sur le fondement de l'article 1727-1 du même code, et les premières dispositions n'autorisent pas l'application de la majoration qu'elles instituent à des impositions initiales ;

- il présente ses excuses au sujet des passages considérés comme regrettables et demande à la Cour de comprendre ses motifs.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 février 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête et à la suppression de passages figurant dans les mémoires de M. E....

Il soutient que :

- compte tenu des dégrèvements accordés, l'étendue du litige ne peut excéder le montant de 92 842 euros au titre de l'impôt sur le revenu, 891 euros s'agissant des contributions sociales et 35 865 euros en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée;

- en l'absence de moyens, les conclusions d'appel tendant à l'obtention de la décharge des cotisations sociales ne sont pas recevables ;

- les passages injurieux des écritures du requérant doivent être supprimés ;

- les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 7 mai 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au

22 mai 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... E..., artisan commerçant, qui exploite depuis 1978 une entreprise individuelle de rénovation dans le secteur du bâtiment et de travaux publics, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant porté sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013. A l'issue de ce contrôle, il a été assujetti, par deux propositions de rectification du 10 juillet 2014 et du 28 janvier 2015, d'une part, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des années 2011, 2012 et 2013, et, d'autre part, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 2012 et 2013. Par la présente requête, M. E... relève appel du jugement du 12 mars 2019 en tant que le Tribunal administratif de Paris a partiellement rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires résultant de ce contrôle.

Sur la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales : " Dans les conditions prévues au présent livre, l'administration des impôts peut procéder à l'examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu, qu'elles aient ou non leur domicile fiscal en France, lorsqu'elles y ont des obligations au titre de cet impôt./ A l'occasion de cet examen, l'administration peut contrôler la cohérence entre, d'une part les revenus déclarés et, d'autre part, la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie des membres du foyer fiscal. /Sous peine de nullité de l'imposition, un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle ne peut s'étendre sur une période supérieure à un an à compter de la réception de l'avis de vérification. (...)/ Cette période est prorogée du délai accordé, le cas échéant, au contribuable et, à la demande de celui-ci, pour répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications pour la partie qui excède les deux mois prévus à l'article L. 16 A. / Elle est également prorogée des trente jours prévus à l'article L. 16 A et des délais nécessaires à l'administration pour obtenir les relevés de compte lorsque le contribuable n'a pas usé de sa faculté de les produire dans un délai de soixante jours à compter de la demande de l'administration ou pour recevoir les renseignements demandés aux autorités étrangères, lorsque le contribuable a pu disposer de revenus à l'étranger ou en provenance directe de l'étranger ".

3. Il résulte d'une part de l'instruction que l'administration a adressé à M. E..., le

1er juillet 2013, un avis d'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, portant sur les revenus perçus en 2010, 2011 et 2012, courrier revenu avec la mention " pli avisé et non réclamé ", avant d'exercer son droit de communication auprès de l'établissement bancaire gérant les comptes de l'intéressé. La circonstance que le droit de communication ait été en partie exercé avant l'expiration du délai de soixante jours prévu par les dispositions précitées de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales n'a en tout état de cause privé le contribuable d'aucune garantie susceptible d'exercer une influence sur la décision d'imposition, dès lors qu'il est constant que l'avis d'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle n'a pas été reçu et qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'intéressé aurait communiqué ses relevés bancaires dans le délai de soixante jours qui lui avait été accordé pour ce faire par cet avis. L'exercice dans ces conditions du droit de communication a par suite, et contrairement à ce qui est soutenu, prolongé le délai d'un an prévu pour l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle des délais nécessaires à l'administration pour obtenir les relevés de compte.

4. Il résulte d'autre part de l'instruction, et notamment de la demande de relevés de comptes figurant au dossier de premier instance, et remplie par son destinataire, la banque BRED, que cette dernière n'a répondu que le 23 septembre 2013 à la demande de l'administration du 28 août 2013. Ce délai nécessité pour l'obtention des documents en cause, à supposer même qu'il ne soit calculé qu'à compter de l'expiration du délai de soixante jours accordé au contribuable pour produire ses relevés, lequel délai expirait le 2 septembre 2013, était suffisant pour autoriser la prolongation, dans les conditions prévues à l'article L. 12 du livre des procédures fiscales, jusqu'au 11 juillet 2014, date de la proposition de rectification, de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle initié par l'avis du 1er juillet 2013 et dont

M. E... a fait l'objet au titre des années 2011 et 2012. Il suit de là, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la communication de documents complémentaires, que les dispositions de l'article

L. 12 du livre des procédures fiscales ne peuvent être regardées comme ayant été méconnues.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 47-B du même livre : " Au cours d'une procédure d'examen de situation fiscale personnelle, l'administration peut examiner les opérations figurant sur des comptes financiers utilisés à la fois à titre privé et professionnel et demander au contribuable tous éclaircissements ou justifications sur ces opérations sans que cet examen et ces demandes constituent le début d'une procédure de vérification de comptabilité. Au cours d'une procédure de vérification de comptabilité, l'administration peut procéder aux mêmes examen et demandes, sans que ceux-ci constituent le début d'une procédure d'examen de situation fiscale personnelle. L'administration peut tenir compte, dans chacune de ces procédures, des constatations résultant de l'examen des comptes ou des réponses aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, et faites dans le cadre de l'autre procédure conformément aux seules règles applicables à cette dernière ".

6. L'administration tenait des dispositions précitées de l'article L. 47-B du livre des procédures fiscales la possibilité, dans le cadre d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle, d'examiner les comptes financiers utilisés à la fois à titre privé et professionnel sans engager une procédure de vérification de comptabilité. Elle a ainsi pu demander, le 28 août 2013 à l'établissement bancaire dans lequel M. E... détenait un compte, la communication des relevés bancaires correspondants. Si M. E... fait valoir qu'il s'agissait d'un compte professionnel, il ne l'établit pas. En tout état de cause, il n'est pas contesté que ce compte était ouvert au seul nom du contribuable, sans référence à son activité professionnelle, et il n'est pas établi que l'administration avait connaissance de la nature exclusivement professionnelle de ce compte lors de sa demande. Le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que le droit de communication aurait été exercé prématurément au regard de l'envoi de l'avis de vérification de comptabilité dont il a fait l'objet le 22 mai 2014. Le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de vérification de comptabilité doit donc être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 81 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : " Le droit de communication permet aux agents de l'administration, pour l'établissement de l'assiette et le contrôle des impôts, d'avoir connaissance des documents et des renseignements mentionnés aux articles du présent chapitre dans les conditions qui y sont précisées (...) ". Aux termes de l'article R. 81-1 du même livre, dans sa rédaction applicable :

" I.- Le droit de communication défini à l'article L. 81 est exercé par les fonctionnaires titulaires ou stagiaires appartenant à des corps de catégorie A ou B ou par des fonctionnaires titulaires appartenant à des corps de catégorie C agissant soit dans l'ensemble de la région où est situé le service auquel ils sont affectés, soit, lorsqu'il est plus étendu, dans le ressort territorial de ce service (...) ". Aux termes de l'article 1316-4 du code civil alors applicable : " La signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte. Quand elle est apposée par un officier public, elle confère l'authenticité à l'acte. / (...) ". Aux termes de l'article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, alors applicable : " Dans ses relations avec l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er, toute personne a le droit de connaître le prénom, le nom, la qualité et l'adresse administratives de l'agent chargé d'instruire sa demande ou de traiter l'affaire qui la concerne ; ces éléments figurent sur les correspondances qui lui sont adressées. Si des motifs intéressant la sécurité publique ou la sécurité des personnes le justifient, l'anonymat de l'agent est respecté. / Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ".

8. Il résulte de l'instruction, et notamment des demandes de communication de pièces, produites au dossier par l'administration, que le droit de communication a été mis en oeuvre auprès de l'établissement bancaire gérant les comptes de M. E... par un contrôleur principal des impôts, agent de catégorie B, qui est dûment identifié. Par suite, le moyen tiré de ce que le droit de communication aurait été exercé en méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 81 et R. 81-1 du livre des procédures fiscales doit être écarté, sans que M. E... puisse utilement soutenir que les bordereaux de demandes de pièces comporteraient des signatures identiques et photocopiées, qui ne confèreraient pas à la demande l'authenticité au sens de l'article 1316-4 du code civil, ou constitueraient des faux au sens de l'article 441-1 du code pénal. Il ne saurait enfin se prévaloir des dispositions précitées de l'article 4 de la loi

n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, les demandes de communication formulées par l'administration ne constituant pas, en tout état de cause, des décisions au sens des dispositions de l'article 4 de la loi du

12 avril 2000 mentionné précédemment.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Cette obligation ne s'impose à l'administration que pour les renseignements et documents obtenus de tiers effectivement utilisés pour fonder les rectifications. Si le requérant soutient que les copies des formulaires 2333 EF et 2333 R établis dans le cadre des demandes de relevés de comptes bancaires et pour le retour de ces documents ne lui ont pas été communiqués malgré sa demande, ces documents, qui ne sont pas des documents obtenus de tiers effectivement utilisés pour fonder les rectifications, ne sont pas visés par l'obligation de communication prévue à l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales. Ce moyen ne peut par suite qu'être écarté.

10. En cinquième lieu, il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire que l'administration soit tenue d'indiquer, dans les propositions de rectification qu'elle envoie, les dates auxquelles le droit de communication a été exercé. Le moyen tiré de l'absence d'une telle mention est par suite inopérant.

11. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions (...) ". Les impositions litigieuses ont été établies selon des procédures d'office. La proposition de rectification adressée à M. E... au titre de l'année 2013 à la suite de la vérification de comptabilité dont il a fait l'objet indique les bases de calcul des impositions ainsi que les modalités de leur détermination, s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée collectée, à partir des encaissements constatés, et s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée déductible et des charges déduites du bénéfice industriel et commercial, à partir des factures présentées. Les dispositions précitées de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales n'ont par suite pas été méconnues, alors même que le détail des factures prises en compte n'a pas été mentionné. La circonstance que les motifs de la non-prise en compte des bases déclarées par le contribuable n'aient pas été indiqués est sans influence sur la régularité de cette proposition de rectification.

12. En septième lieu, aux termes de l'article L. 54 du livre des procédures fiscales :

" Les procédures de fixation des bases d'imposition ou de rectification des déclarations relatives aux revenus provenant d'une activité dont les produits relèvent de la catégorie des bénéfices agricoles, des bénéfices industriels et commerciaux et des bénéfices non commerciaux, ou des revenus visés à l'article 62 du code général des impôts, sont suivies entre l'administration des impôts et celui des époux titulaire des revenus. Ces procédures produisent directement effet pour la détermination du revenu global ". Une proposition de rectification a été adressée à

M. E... le 28 janvier 2015 au titre de l'année 2013 à la suite de la vérification de comptabilité de son activité professionnelle. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 54 du livre des procédures fiscales que l'administration pouvait directement tirer les conséquences des rehaussements notifiés au niveau du revenu global du contribuable dans le cadre de cette proposition de rectification, alors même qu'elle n'a pas été établie à l'adresse du foyer fiscal. Le moyen tiré de ce que la rectification de l'impôt sur le revenu n'a pas été notifiée au foyer fiscal ne peut qu'être écarté.

13. Enfin, il résulte de l'instruction que la proposition de rectification relative au revenu catégoriel de M. E... a été établie le 10 juillet 2014 et, ayant été réceptionnée le 15 juillet, a été envoyée au plus tard le 11 juillet 2014 à l'adresse professionnelle du requérant, compte tenu de la fermeture des services fiscaux les samedi 12 juillet, dimanche 13 juillet et lundi 14 juillet 2014. La proposition de rectification relative au revenu global du foyer fiscal de M. E... a été établie le 11 juillet 2014, et indiquait qu'elle prenait en compte la rectification des revenus catégoriels figurant dans la proposition de rectification établie la veille. Dans ces conditions,

M. E... ne saurait sérieusement faire valoir que la circonstance que la proposition de rectification du 11 juillet 2014, revenue non réclamée au service, doive être regardée comme notifiée le 12 juillet 2014, date de sa présentation à l'adresse personnelle du requérant, aurait pour conséquence que la proposition de rectification du 10 juillet 2014, qui lui est effectivement parvenue le 15 juillet 2014 méconnaitrait les dispositions de l'articles L. 50 du livre des procédures fiscales aux termes duquel " Lorsqu'elle a procédé à un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'un contribuable au regard de l'impôt sur le revenu, l'administration des impôts ne peut plus procéder à des rectifications pour la même période et pour le même impôt (...) ".

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'année 2011 :

14. En se bornant à faire valoir que le vérificateur a affirmé abandonner les rehaussements de bénéfices industriels et commerciaux au titre de l'année 2011, M. E... ne conteste pas valablement le bien-fondé des rehaussements qui subsisteraient et afférents à la remise en cause de l'abattement de 25 % sur les résultats déclarés pour adhésion à une association de gestion agréée. Notamment, une telle affirmation ne saurait en tout état de cause, eu égard à sa date, être invoquée sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne l'année 2012 :

15. Aux termes l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. " Les impositions litigieuses ayant été établies d'office, M. E... supporte, en application des dispositions précitées, la charge de la preuve de leur exagération.

16. En premier lieu, M. E... fait valoir que la somme de 12 300 euros perçue au cours de l'année 2012 correspondrait à des virements de compte à compte en provenance d'une SCI dont il serait associé, et ne saurait être prise en compte pour le calcul de la taxe sur la valeur ajoutée collectée et pour la détermination des produits taxables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux. Il fait valoir également que la somme de 11 500 euros perçue au cours de l'année 2013 correspondrait à des virements de compte à compte et ne saurait être retenue pour le calcul de la taxe sur la valeur ajoutée collectée. Il se borne toutefois à produire l'extrait de comptabilité d'une société civile immobilière mentionnant des écritures de débit d'un compte courant d'associé, dans deux versions, dont l'une porte de manière manuscrite la mention " E... ". Un tel document, qui n'est étayé ni de documents bancaires permettant d'établir la réalité du mouvement financier en cause, ni des pièces permettant d'identifier le titulaire du compte courant et de vérifier que son solde permettait effectivement le virement allégué, ne saurait suffire à justifier du bien-fondé de ce moyen. Le moyen tiré de ce que le compte professionnel de M. E... avait besoin d'être renfloué ne saurait être utilement invoqué pour établir l'origine et la nature des versements en litige. De même, ni les mentions manuscrites sur un document établi par le vérificateur, ni le relevé bancaire indiquant les trois lettres SFR ne sauraient justifier de ce que la somme de 100 euros perçue en 2013, à supposer même qu'elle puisse être regardée comme versée par la société SFR, correspondrait à un remboursement.

M. E... qui a, ainsi qu'il a été dit, la charge de la preuve de l'exagération des impositions qu'il conteste, ne saurait valablement, pour critiquer de manière plus générale le montant des sommes prises en compte comme base de calcul de la taxe collectée, faire valoir que ses propres relevés bancaires, que l'administration a obtenus par l'usage de son droit de communication, doivent être produits devant le juge de l'impôt.

17. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que l'avis de mise en recouvrement établi au titre de la taxe sur la valeur ajoutée en litige est relatif à la période couverte par les années 2012 et 2013. L'existence d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au 31 décembre 2011 est sans influence sur le bien-fondé des droits rappelés au cours de la période suivante. A supposer que M. E... ait entendu se prévaloir à cet égard du droit à compensation prévu par les dispositions de l'article L. 205 du livre des procédures fiscales, la compensation en matière de taxes sur le chiffre d'affaires doit s'effectuer entre impositions dues et payées au cours de la période d'imposition couverte par l'avis de mise en recouvrement en litige. Dès lors, le requérant ne saurait valablement, sur le fondement de ces dispositions, demander à l'appui de sa contestation des rappels notifiés au titre de la période courant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, la prise en compte du crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont il était titulaire au

31 décembre 2011.

18. En troisième lieu, aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. (...). Aux termes de l'article 269 du même code : " 2. La taxe est exigible : c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits (...) ". Aux termes du 1 de l'article 223 de l'annexe II pris en application du 1 de l'article 273 du même code : " La taxe dont les entreprises peuvent opérer la déduction est, selon les cas : celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs fournisseurs (...) ". Enfin, aux termes de l'article 242 nonies A de l'annexe II au même code : " Les mentions obligatoires qui doivent figurer sur les factures en application du II de l'article 289 du code général des impôts sont les suivantes : / 1° Le nom complet et l'adresse de l'assujetti et de son client ; (...) / 11° Le montant de la taxe à payer et, par taux d'imposition, le total hors taxe et la taxe correspondante mentionnés distinctement ; (...) ".

19. A l'appui de sa demande de prise en compte, pour le calcul de la taxe sur la valeur ajoutée déductible, de sommes supplémentaires au titre de la période courant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, M. E... produit notamment des factures ne mentionnant pas le montant de la taxe sur la valeur ajoutée, des facturettes de carte bancaire n'ayant pas la caractéristique de factures mentionnant la taxe sur la valeur ajoutée, des tickets de caisse et des billets de transport ne mentionnant pas le nom du client, des factures de prestations de service non accompagnées de la preuve du paiement et ne permettant par suite pas de constater que la taxe facturée était devenue exigible, des factures ne mentionnant pas de manière lisible le montant de la taxe collectée, ou mentionnant un montant négatif, un document ayant un caractère de devis et ne constituant par suite pas une facture, des photocopies de factures partiellement occultées par d'autres documents et ne permettant pas d'identifier l'identité de l'assujetti ou la nature du produit vendu, et des factures de domiciliation, de nuits d'hôtel, de locations de voiture, d'achat de café, ou d'acquisition de fil de fer, qui en raison de leur nature ou de leur lieu d'établissement ne peuvent, en l'absence de précisions supplémentaires, être reliées à l'activité professionnelle de l'intéressé. Les autres factures, établies au domicile personnel de

M. E..., ou n'étant pas accompagnées des documents permettant d'identifier le chantier pour lesquels les charges correspondantes auraient été exposées, ne sauraient être regardées, en l'absence de précisions supplémentaires, comme reliées à l'activité professionnelle de l'intéressé. Il suit de là que M. E..., qui ne saurait, eu égard à la charge de la preuve qui lui incombe, valablement se prévaloir de ce que l'administration n'aurait pas détaillé les factures qu'elle a prises en compte pour déterminer la taxe sur la valeur ajoutée déductible au titre de l'année 2013, n'établit en tout état de cause pas la taxe déductible supplémentaire dont il se prévaut.

20. Enfin, il résulte de l'examen de la proposition de rectification relative à l'année 2013 que l'administration fiscale a admis 12 008 euros de charges déductibles des bénéfices industriels et commerciaux sur présentation des factures et 38 416 euros en surplus pour tenir compte des modalités économiques de l'activité. En produisant des pièces susceptibles de justifier de 29 593 euros de charges déductibles, M. E... n'établit en tout état de cause pas que le service aurait procédé à une estimation insuffisante de ses charges.

Sur les pénalités :

21. M. E... fait valoir que des pénalités, pour un montant de 4 446 euros, établies sur le fondement de l'article 1758 A du code général des impôts se cumulent de manière irrégulière avec des pénalités de même montant établies sur le fondement de l'article 1727-1 du même code, et que les premières dispositions n'autorisent pas l'application de la majoration qu'elles instituent à des impositions initiales. Il résulte toutefois de l'instruction que n'ont été mises en recouvrement sur le fondement des dispositions de l'article 1758 A et 1728-1 du code général des impôts que des majorations d'un montant de 528 euros et non de 4 446 euros. En outre, le cumul critiqué a été abandonné par l'administration fiscal dans sa décision du

28 mars 2018 d'admission partielle de la réclamation contentieuse. Le moyen soulevé est par suite dépourvu d'objet.

22. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de demander la communication de documents complémentaires et notamment de la décision de dégrèvement du 17 avril 2018, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions de la requête, que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des impositions restant en litige. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que le requérant demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 741-2 du code de justice administrative :

23. Les passages des mémoires de M. E... identifiés par le ministre de l'action et des comptes publics n'excèdent pas les limites de la controverse entre parties dans le cadre d'une procédure contentieuse. Dès lors, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du ministre présentées sur le fondement des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative, qui permettent aux tribunaux, dans les causes dont ils sont saisis, de prononcer la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions reconventionnelles du ministre de l'action et des comptes publics sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 9 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Soyez, président assesseur,

- M. C..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 23 septembre 2020.

Le rapporteur,

F. C...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

2

N° 19PA01582


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01582
Date de la décision : 23/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : CABINET ANDRÉ HOIN et PARTENAIRES

Origine de la décision
Date de l'import : 03/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-09-23;19pa01582 ?
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