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31/07/2020 | FRANCE | N°19PA02282

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 31 juillet 2020, 19PA02282


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Shivaree France a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010 et 2011, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été mis à sa charge pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1705824 du 5 juin 2019, le Tribunal a

dministratif de Paris a prononcé la réduction des bases d'imposition à l'impôt sur les soc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Shivaree France a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010 et 2011, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été mis à sa charge pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1705824 du 5 juin 2019, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la réduction des bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés de la société Shivaree France d'une somme de 19 040 euros au titre de l'exercice clos en 2010 et d'une somme de 9 513 euros au titre de l'exercice clos en 2011, et la décharge de la différence entre les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2010 et 2011 et celles résultant de la réduction ainsi prononcée, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 15 juillet 2019, 19 février 2020, 27 avril et 12 mai 2020, la société Shivaree France, représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1705824 du 5 juin 2019 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il lui est défavorable ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés restant en litige auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010 et 2011, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été mis à sa charge pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, et des pénalités correspondantes ;

3°) de faire droit à sa demande de compensation au titre de l'exercice clos en 2010 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a été privée d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur sur les factures qu'il a saisies, n'ayant été informée de l'existence de ces factures qu'à la lecture de la proposition de rectification, et que l'origine des informations ayant fondé les rectifications n'a été donnée qu'au stade de la réponse du service à ses observations ;

- la proposition de rectification du 26 avril 2013 est insuffisamment motivée en méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

- la procédure d'imposition méconnaît les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- le service a retenu à tort des factures sans entête, qui ne mentionnent pas toujours le numéro de TVA et dont l'origine, en l'absence de numéro de saisie, est inconnue ;

- la procédure de visite et de saisie et la procédure d'imposition sont irrégulières ; l'administration ne pouvait lui opposer des documents saisis chez des tiers sans avoir recoupé les éléments obtenus notamment auprès des douanes, et de la compagnie de transport, et alors qu'il n'y a eu aucune exportation comme le montrent les factures saisies chez les sociétés qui sont des factures " pro-formats ", la preuve négative étant en effet impossible à apporter s'agissant de la réalité des exportations, et donc de l'absence de livraison, et alors que le service n'a trouvé aucun bordereau de transport ou de dédouanement ; les factures Arc En Ciel d'un montant de 13 156 euros toutes taxes comprises en 2010, Azurex d'un montant de 7 500 euros toutes taxes comprises en 2011, et A La Bonne Lessive d'un montant de 1 794 euros toutes taxes comprises en 2011 ont été annulées ;

- la discordance s'élevant à 63 456 euros entre le chiffre d'affaires déclaré en matière de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2010 et d'impôt sur les sociétés provient de la prise en compte du chiffre d'affaires réalisé par la société de droit anglais Shivaree Ltd, qui possède un établissement en France, et qu'elle a comptabilisé et déclaré à tort en 2010 pour un montant total de 87 400 euros hors taxe ; elle a sollicité la compensation sur les rappels notifiés du trop déclaré au titre de l'impôt sur les sociétés de l'exercice 2010 à hauteur de cette somme et du trop déclaré relatif à la taxe sur la valeur ajoutée de 8 585 euros en application des dispositions des articles L. 203, L. 204 et L. 205 du livre des procédures fiscales ;

- elle conteste l'existence même de revenus distribués au profit de M. A... ;

- les pénalités pour manquement délibéré de 40 % prévues par l'article 1729 du code général des impôts sont insuffisamment motivées au regard des exigences posées par l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales.

Par un mémoire en défense et des mémoires enregistrés les 16 septembre 2019,

6 avril 2020, et 7 et 25 mai 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Shivaree France ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue de la vérification de comptabilité portant sur les exercices 2010 et 2011 faisant suite à une procédure de visite et de saisie fondée sur l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dont la société Shivaree France, qui exerce une activité d'achat et de vente de machines destinées aux professionnels de la blanchisserie, a fait l'objet, le service a rejeté la comptabilité de la société Shivaree France, et réintégré au résultat de ces exercices le montant total hors taxe des factures de vente non comptabilisées saisies dans le cadre de la procédure de visite et de saisie. Il lui a, en conséquence, notifié, selon la procédure de rectification contradictoire, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2010 et 2011, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée sur le chiffre d'affaires au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, assortis des intérêts de retard et de pénalités pour manquement délibéré sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts, La société Shivaree France relève appel du jugement du 5 juin 2019 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge de ces impositions et rappels, ainsi que des pénalités correspondantes.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables (...) ". Dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable dans lesquels sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat.

3. La société requérante soutient avoir été privée de la possibilité d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur sur les factures non comptabilisées, dès lors que c'est seulement dans la réponse du service à ses observations qu'il est apparu que ces factures, transmises en annexe à cette réponse, avaient été saisies dans le cadre de la procédure de visite et de saisie mise en oeuvre sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, auprès de sociétés clientes. Il résulte cependant de l'instruction, en particulier de la proposition de rectification du 26 avril 2013, que la société Shivaree France a demandé que la vérification se déroule au cabinet de son expertcomptable, à qui elle avait donné pouvoir de la représenter au cours des interventions sur place, et qu'elle a, lors de deux réunions qui se sont tenues les 8 avril et 17 avril 2013, pu discuter des rectifications résultant de ces factures, en faisant notamment valoir que ces factures étaient des factures établies " pro-format " émises à la demande de ses clients, afin de leur permettre d'obtenir les documents nécessaires à l'importation de marchandises, et qu'elle ne les avait pas comptabilisées en l'absence de confirmation des commandes correspondantes. La société ne peut, par suite, soutenir qu'elle a été privée de la possibilité d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur sur les factures non comptabilisées.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.

5. La proposition de rectification du 26 avril 2013 adressée à la société Shivaree indique les années ou périodes d'imposition et les impositions concernées, la nature, les motifs de fait et de droit ainsi que le montant des rectifications envisagées. Elle mentionne que les factures émises par la société Shivaree France et utilisées pour fonder les rectifications ont été saisies le

14 septembre 2011 par la brigade d'intervention interrégionale de Paris Sud dans le cadre d'une procédure de visite et de mise en oeuvre sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales. Elle dresse, en outre, la liste des factures saisies et précise pour chacune d'elle, le nom et l'adresse du client concerné, le numéro et la date de la facture, de même que son montant. La proposition de rectification comporte ainsi l'ensemble des éléments de fait et de droit permettant à la contribuable de formuler utilement ses observations, ce qu'elle a d'ailleurs fait le 24 juin 2013, alors que l'exigence de motivation n'imposait pas au service de joindre spontanément les factures sur lesquelles il a fondé les rectifications en litige. Par ailleurs, la contestation de la détention d'un compte bancaire au Luxembourg reste sans effet sur la régularité de la motivation de la proposition de rectification. Le moyen tiré de ce que la proposition de rectification ne serait pas suffisamment motivée en méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ne peut, dès lors, qu'être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Toutefois, la méconnaissance de ces dispositions par l'administration demeure sans conséquence sur le bienfondé de l'imposition s'il est établi qu'eu égard à la teneur du renseignement, nécessairement connu du contribuable, celui-ci n'a pas été privé, du seul fait de l'absence d'information sur l'origine du renseignement, de cette garantie. Lorsque le contribuable en fait la demande à l'administration, celle-ci est tenue de lui communiquer les documents ou copies de documents contenant les renseignements obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés.

7. La société Shivaree France soutient que la procédure d'imposition méconnaît les dispositions de l'article L. 76. B du livre des procédures fiscales, dès lors que le service n'a pas précisé l'origine des renseignements utilisés dans la proposition de rectification du 26 avril 2013, que la liste des factures non comptabilisées ne mentionne pas l'adresse de ses " supposés " clients, et que ces factures n'étaient pas jointes à la proposition de rectification. Ainsi qu'il est rappelé ci-dessus au point 5, la proposition de rectification adressée à la société Shivaree indique que les factures émises par celle-ci et utilisées pour fonder les rectifications ont été saisies par la brigade d'intervention interrégionale de Paris Sud au cours d'une opération de visite diligentée le 14 septembre 2011 sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales. Elle dresse la liste de l'ensemble des factures saisies et précise de façon détaillée, pour chaque facture effectivement utilisée par le vérificateur, le nom et l'adresse du client concerné, le numéro et la date de la facture, ainsi que son montant. La société Shivaree France, qui doit ainsi être regardée comme ayant été informée de l'origine et de la teneur de ces pièces, avec une précision suffisante pour lui permettre de demander qu'elles soient mises à sa disposition, a d'ailleurs, sollicité la communication de ces documents dans ses observations sur la proposition de rectification du 26 avril 2013, dont elle a reçu une copie dans la réponse du service du 23 août 2013, y compris la facture Lineo Service n° 11106/683, attribuée par erreur à la société La Blanchisserie Maritime, le service précisant alors que la procédure de visite et de saisie avait été mise en oeuvre à l'encontre des sociétés Shivaree Limited, SARL RG, RG Limited, RG Commerce et Trading Limited, SA Mondia Legend, SA Asma, SA R.H.M, clientes de la contribuable. La société Shivaree France n'est, par suite, pas fondée à soutenir que l'administration aurait méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.

Sur la procédure de visite domiciliaire :

8. L'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la vérification de comptabilité de la société Shivaree France dispose : " I. Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l'administration des impôts, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des finances publiques, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie, quel qu'en soit le support. (...) IV. Un procès-verbal relatant les modalités et le déroulement de l'opération et consignant les constatations effectuées est dressé sur-le-champ par les agents de l'administration des impôts. Un inventaire des pièces et documents saisis lui est annexé s'il y a lieu. Le procès-verbal et l'inventaire sont signés par les agents de l'administration des impôts et par l'officier de police judiciaire ainsi que par les personnes mentionnées au premier alinéa du III ; en cas de refus de signer, mention en est faite au procès-verbal. (...) ".

9. Le contribuable intéressé peut utilement se prévaloir devant le juge de l'impôt, à l'appui d'une demande en décharge d'impositions établies sur le fondement de pièces illégalement appréhendées, de l'annulation de la visite ou de la saisie par le premier président de cour d'appel, pour contester la régularité de la procédure d'imposition s'il est le contribuable visé par les opérations de visite, ou le bien-fondé de l'imposition s'il est un tiers. D'autre part, lorsque le premier président de la cour d'appel ne s'est pas prononcé mais que le contribuable justifie l'avoir régulièrement saisi dans le délai légal, ou avoir accompli toutes les diligences nécessaires à cette fin, il appartient au juge de l'impôt, si les impositions en litige sont effectivement fondées sur des éléments recueillis au cours des opérations de visite, et qu'aucun autre moyen ne soit de nature à entraîner la décharge, de surseoir à statuer jusqu'à ce que le premier président de la cour d'appel se prononce sur la régularité de ces opérations.

10. L'inopposabilité des pièces et documents appréhendés ne peut résulter que de l'annulation de leur saisie ou de l'ordonnance autorisant la visite, prononcée par le premier président de la cour d'appel, ou de l'inaccomplissement des conditions prévues au paragraphe VI de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales qui, sous le contrôle du juge de l'impôt, subordonne l'opposabilité des informations recueillies à la restitution des pièces et documents saisis et à la mise en oeuvre des procédures de contrôle mentionnées aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, sans préjudice des autres garanties prévues par ce livre. Ainsi, à défaut d'annulation des opérations de visite et de saisie, l'ensemble des pièces appréhendées sont régulièrement détenues par l'administration qui peut les opposer à tout contribuable, dans le respect des dispositions précitées, même à ceux qui n'ont pas été visés par les opérations de visite.

11. Si la société soutient que les factures saisies auprès de tiers dans le cadre d'opérations de visite et de saisie domiciliaires auxquelles elle est étrangère, ne lui sont pas opposables, la requérante ne peut justifier de l'existence d'un recours formé à l'encontre de ces opérations auprès du premier président de la cour d'appel, ni même de l'accomplissement des diligences préalables à un tel recours. Par ailleurs, en soutenant que la procédure de saisie est entachée d'irrégularité en l'absence d'inventaire des pièces et documents saisis, la société requérante soulève un moyen qui n'est pas détachable d'une contestation de la régularité des opérations de visite et de saisie qui ressortit à la seule compétence du premier président de la cour d'appel de Paris.

Sur le bien-fondé des impositions litigieuses :

12. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité présente de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge ".

13. Les impositions contestées, établies dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire, ont été fixées conformément à l'avis émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires lors de sa séance du 21 janvier 2015. En application des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales précité, la société requérante supporte la charge de la preuve de l'exagération des impositions contestées.

14. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'administration a procédé à la saisie au cours des opérations de visite et de saisie diligentées le 14 septembre 2011 sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, des factures émises au nom de clients de la société Shivaree France, d'un montant total de 138 837,24 euros et de 63 671,20 euros au titre respectivement des exercices clos en 2010 et 2011. La société requérante conteste la réintégration du montant de ces factures aux résultats imposables de ces deux exercices au motif que son nom ne figure pas à l'en-tête de certaines factures saisies, dont plusieurs ne mentionnent pas de numéro de saisie. Ces factures comportaient toutefois le nom et l'adresse de chaque client, la désignation des marchandises cédées, le prix, la date, et généralement un numéro d'ordre, ainsi que des mentions permettant d'identifier sans ambiguïté la société requérante comme étant l'émettrice de ces factures, notamment, comme le fait valoir le ministre, son numéro de taxe sur la valeur ajoutée, identique à celui qui est mentionné sur les factures à en-tête comptabilisées par la société, et les références de son compte bancaire à Paris, le cas échéant complétés de la précision que le virement serait effectué au profit de Mondia Legend, nom commercial similaire à celui qui est indiqué sur les factures à en-tête de la société requérante comptabilisées par la société Mondia.

15. La société Shivaree France soutient que la nature de factures établies " pro-format " démontre l'absence d'exportations et que les marchandises n'ont jamais été livrées. Toutefois, les factures saisies par l'administration et sur lesquelles elle s'est fondée, ne comportent aucune mention permettant de les regarder comme des factures " pro-format ", et la société Shivaree France ne produit aucun élément de nature à justifier que les factures en litige ne correspondraient pas à des livraisons effectives, en se bornant à invoquer la circonstance que l'indication sur certaines factures, du poids et du nombre de colis facturés est insuffisante à attester de la réalité d'une opération d'exportation.

16. La société requérante fait également valoir que les factures libellées au nom de la société Arc En Ciel pour un montant de 13 156 euros toutes taxes comprises émises en 2010, de la société Azurex d'un montant de 7 500 euros toutes taxes comprises émises en 2011, et de la société A La Bonne Lessive d'un montant de 1 794 euros toutes taxes comprises en 2011 n'auraient pas dû être réintégrées aux résultats de ces deux exercices. Elle n'en justifie toutefois pas par la seule production de deux attestations établies en 2015 par les deux premières sociétés, et la seule mention manuscrite de refus du client des marchandises livrées portée sur la facture de la société A La Bonne Lessive.

17. En deuxième lieu, aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises (...) / ... / 2 bis. Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services (...) ".

18. Le service, après avoir comparé le chiffre d'affaires déclaré par la société Shivaree France au titre de l'impôt sur les sociétés de l'exercice clos le 31 décembre 2010, et le montant total des opérations déclarées pour la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2010, a constaté que le montant déclaré de taxe sur la valeur ajoutée était supérieur de 63 456 euros au chiffre d'affaire déclaré. Il a estimé qu'en l'absence d'élément de nature à justifier cet écart, le montant correspondant devait, sur le fondement des dispositions de l'article 38 du code général des impôts, être réintégré au résultat imposable à l'impôt sur les sociétés de l'exercice clos en 2010.

19. La société Shivaree France fait valoir que l'écart relevé par le service proviendrait notamment de la prise en compte sur ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée, du chiffre d'affaires réalisé par la société de droit anglais Shivaree Ltd, qu'elle a comptabilisé et déclaré à tort au titre l'exercice 2010 pour un montant total de 87 400 euros hors taxe. Toutefois, les factures ainsi que la copie des comptes 707000 de ventes et 707900 de ventes export versées au dossier ne sont pas suffisantes pour établir que le montant de ces factures aurait été retenu par la société dans les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a souscrites au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2010, ainsi qu'elle le soutient.

20. Dès lors que la société requérante ne justifie pas, par les factures et les copies des comptes de la classe 7 produites, que cette somme de 87 400 euros a été prise en compte dans ses déclarations de chiffre d'affaires imposable à la taxe sur la valeur ajoutée, et celles relatives au résultat à l'impôt sur les sociétés de l'exercice clos en 2010, sa demande de compensation avec les rappels notifiés d'impôts sur les sociétés au titre de cet exercice, et le montant de la taxe sur la valeur ajoutée trop déclarée de 8 585 euros ne peut qu'être écartée.

21. En troisième lieu, la société Shivaree France ne peut utilement contester les revenus distribués résultant de l'imposition entre les mains de son bénéficiaire du montant total des factures non comptabilisées, regardé comme des rémunérations occultes imposables à l'impôt sur le revenu sur le fondement des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts, dès lors que les impositions en litige ne résultent pas de la taxation de distributions.

Sur les pénalités pour manquement délibéré :

22. Aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations ".

23. Il résulte de ces dispositions que l'administration a l'obligation, au moins trente jours avant la mise en recouvrement des pénalités visées par le second alinéa de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, d'adresser au contribuable un document comportant la motivation des pénalités qu'elle envisage de lui infliger et indiquant qu'il dispose d'un délai de trente jours pour présenter ses observations. Elle est tenue de renouveler cette formalité si, pour quelque motif que ce soit, elle modifie, avant leur mise en recouvrement, la base légale, la qualification ou les motifs des pénalités qu'elle se propose d'appliquer au contribuable.

24. La proposition de rectification du 26 avril 2013 adressée à la société Shivaree France vise, dans un paragraphe relatif aux pénalités, l'article 1729, a) du code général des impôts et indique le taux et le montant des pénalités que l'administration envisage de lui infliger. Elle expose de façon précise et détaillée la nature des manquements qui sont reprochés à la contribuable ainsi que les circonstances de fait sur lesquelles le service s'est fondé pour caractériser son intention de minorer l'impôt dont elle était redevable. Elle expose en particulier que la société requérante a émis des factures sans enregistrer les opérations correspondantes dans ses livres comptables, une telle omission ne pouvant constituer une erreur ou une omission involontaire. Par ailleurs, le service a également rappelé le délai de 30 jours dont disposait la société Shivaree France pour présenter ses observations. Dans ces conditions, les majorations en litige sont, contrairement à ce que soutient la requérante, suffisamment motivées au regard des dispositions précitées de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales.

25. Il résulte de tout ce qui précède que la société Shivaree France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Shivaree France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Shivaree France et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au directeur général des finances publiques, direction du contrôle fiscal d'Île-de-France.

Délibéré après l'audience du 9 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président,

- Mme B..., premier conseiller,

- M. Doré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 juillet 2020.

Le rapporteur,

C. B...Le président,

S.-L. FORMERY

Le greffier,

F. DUBUY

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

9

N° 19PA02282


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02282
Date de la décision : 31/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal.

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Questions communes - Compétence juridictionnelle.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUPINEAU
Rapporteur ?: Mme Christine LESCAUT
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : LUCIANI

Origine de la décision
Date de l'import : 11/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-07-31;19pa02282 ?
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