Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris, à titre principal, d'annuler la décision du 22 décembre 2015 par laquelle le directeur du centre hospitalier Sainte-Anne lui a infligé une sanction de rétrogradation et, à titre subsidiaire, d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le directeur du centre hospitalier Sainte-Anne sur sa demande de réintégration anticipée en date du 21 novembre 2016.
Par un jugement n° 1700017 du 12 novembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 22 décembre 2015.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 11 janvier 2019, sous le n° 19PA00163, le Groupe hospitalier universitaire Paris - Psychiatrie et Neurosciences, venant aux droits du centre hospitalier Sainte-Anne, représenté par Me Falala, demande à la Cour d'annuler ce jugement du 12 novembre 2018 et de rejeter la demande présentée par Mme D... devant le Tribunal administratif de Paris.
Le Groupe hospitalier universitaire Paris - Psychiatrie et Neurosciences soutient que :
- les conclusions de première instance tendant à l'annulation de la décision du 22 décembre 2015 étaient irrecevables ;
- les conclusions de la demande de première instance dirigées contre la décision implicite de rejet de sa demande de réintégration étaient irrecevables en application de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, le tribunal n'ayant été saisi d'aucun moyen dans le délai de recours contentieux ;
- le moyen de légalité externe tiré d'une insuffisance de motivation est irrecevable ;
- la décision de rejet de sa demande de réintégration anticipée à la suite d'une mise en disponibilité pour convenances personnelles n'avait pas à être motivée ;
- Mme D... n'a pas demandé la communication des motifs en application de l'article L. 232-4 du code des relations entre la public et l'administration ;
- elle ne peut pas exciper de l'illégalité de la décision du 22 décembre 2015 qui est devenue définitive.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 février 2019 et régularisé le 10 janvier 2020, Mme D..., représentée par Me Mekarbech, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge du Groupe hospitalier universitaire Paris - Psychiatrie et Neurosciences une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme D... fait valoir que :
- l'ensemble des conclusions de sa demande de première instance étaient recevables ;
- la décision du 22 décembre 2015 et la décision implicite de rejet de sa demande de réintégration sont illégales.
Mme E... D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 31 juillet 2019.
II. Par une ordonnance en date du 9 septembre 2019, enregistrée sous le n° 19PA02960, le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application de l'article R. 921-6 du code de justice administrative, ouvert une procédure juridictionnelle en vue de prescrire, si nécessaire, les mesures propres à assurer l'entière exécution du jugement n° 1700017 en date du 12 novembre 2018 rendu par le Tribunal administratif de Paris.
Mme E... D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 25 juin 2020.
III. Par une requête, enregistrée le 20 septembre 2019, sous le n° 19PA03012, le Groupe hospitalier universitaire Paris - Psychiatrie et Neurosciences, représenté par Me Falala, demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 1700017 du 12 novembre 2018.
Il soutient qu'en application des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, les moyens invoqués dans la requête d'appel sont sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 janvier 2020, Mme D..., représentée par Me Mekarbech, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge du Groupe hospitalier universitaire Paris - Psychiatrie et Neurosciences une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme D... fait valoir que le moyen soulevé par le Groupe hospitalier universitaire Paris - Psychiatrie et Neurosciences n'est pas sérieux.
Mme E... D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 4 décembre 2019.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986,
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,
- le décret n°89-822 du 7 novembre 1989,
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991,
- le décret n°2007-1188 du 3 août 2007,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Doré ;
- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public,
- et les observations de Me Gorse, pour le Groupe hospitalier universitaire
Paris - Psychiatrie et Neurosciences.
Considérant ce qui suit :
1. Par les requêtes enregistrées sous les nos 19PA00163 et 19PA03012, le Groupe hospitalier universitaire Paris - Psychiatrie et Neurosciences, venant aux droits et obligations du centre hospitalier Sainte-Anne, demande l'annulation et le sursis à exécution du même jugement. Par une ordonnance, enregistrée sous le n° 19PA02960, le président de la Cour administrative d'appel de Paris a ouvert une procédure juridictionnelle en vue de prescrire, si nécessaire, les mesures propres à assurer l'entière exécution du même jugement. Il y a lieu de joindre ces requêtes pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.
2. Mme D... a été recrutée par le centre hospitalier Sainte-Anne le 1er octobre 2002 en qualité d'aide-soignante, puis titularisée le 1er mai 2004. Promue au grade d'aide-soignante de classe supérieure le 1er janvier 2013, elle a exercé, en dernier lieu, les fonctions d'auxiliaire de puériculture au sein de la crèche accueillant les enfants du personnel. Par une décision du directeur du centre hospitalier Sainte-Anne en date du 22 décembre 2015, elle a fait l'objet d'une rétrogradation disciplinaire au grade d'agent des services hospitaliers qualifié de classe supérieure à compter du 26 décembre 2015. Sur sa demande, Mme D... a ensuite été placée en disponibilité pour convenances personnelles du 11 janvier 2016 au 10 janvier 2018.
Mme D... a sollicité sa réintégration anticipée en qualité d'aide-soignante par un courrier du 21 novembre 2016 qui a fait naître, à l'issue d'un silence de deux mois gardé par l'administration sur sa demande, une décision implicite de rejet. Mme D... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant, à titre principal, à l'annulation de la sanction prononcée à son encontre le 22 décembre 2015, et, à titre subsidiaire, à l'annulation de la décision implicite par laquelle le directeur du centre hospitalier Sainte-Anne a refusé de la réintégrer au poste d'aide-soignante. Par le jugement du 12 novembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 22 décembre 2015.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ".
4. Il ressort des pièces du dossier et notamment de l'avis de réception postal produit en appel par le Groupe hospitalier universitaire Paris - Psychiatrie et Neurosciences, lequel est, contrairement à ce que soutient Mme D..., lisible, que le pli contenant la décision du 22 décembre 2015 a été présenté à Mme D... le 26 décembre 2015. Il en ressort également que cette décision mentionnait les voies et délais de recours. Par suite, le Groupe hospitalier universitaire Paris - Psychiatrie et Neurosciences est fondé à soutenir que les conclusions dirigées contre la décision de rétrogradation du 22 décembre 2015 ont été présentées tardivement devant le tribunal administratif de Paris et devaient être rejetées comme irrecevables. Le Groupe hospitalier universitaire Paris - Psychiatrie et Neurosciences est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande principale de Mme D....
5. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les conclusions subsidiaires présentées par Mme D... devant le Tribunal administratif de Paris et dirigées contre la décision implicite de rejet de sa demande de réintégration anticipée en qualité d'aide-soignante.
Sur la décision implicite de rejet de la demande de réintégration :
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; (...) ". Aux termes de l'article L. 232-4 du même code : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. (...) ".
7. Si Mme D... soutient que la décision implicite de rejet de sa demande de réintégration anticipée en qualité d'aide-soignante n'est pas motivée, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait adressé au centre hospitalier Sainte-Anne, dans le délai du recours contentieux, une demande de communication des motifs de cette décision. Il suit de là que le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision ne peut qu'être écarté.
8. En second lieu, l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. S'agissant d'un acte réglementaire, une telle exception peut être formée à toute époque, même après l'expiration du délai du recours contentieux contre cet acte. S'agissant d'un acte non réglementaire, l'exception n'est, en revanche, recevable que si l'acte n'est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée, sauf dans le cas où l'acte et la décision ultérieure constituant les éléments d'une même opération complexe, l'illégalité dont l'acte serait entaché peut être invoquée en dépit du caractère définitif de cet acte.
9. Ainsi qu'il vient d'être dit, la décision de rétrogradation du 22 décembre 2015 était devenue définitive à la date à laquelle Mme D... a saisi le Tribunal administratif de Paris et demandé, à titre subsidiaire, l'annulation de la décision implicite par laquelle le directeur du centre hospitalier Sainte-Anne a rejeté sa demande de réintégration. Il en résulte que Mme D... n'est pas recevable à exciper de l'illégalité de la décision du 22 décembre 2015.
10. Il résulte de ce qui précède que le Groupe hospitalier universitaire Paris - Psychiatrie et Neurosciences, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir qu'il oppose aux demandes de première instance, est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 22 décembre 2015 et a fait droit aux conclusions de la demande de première instance.
Sur la demande de sursis à exécution du jugement en litige:
11. Le présent arrêt statuant au fond, il n'y a plus lieu de se prononcer sur les conclusions du Groupe hospitalier universitaire Paris - Psychiatrie et Neurosciences tendant au sursis à exécution du jugement attaqué présentées dans la requête n° 19PA03012.
Sur la demande d'exécution du jugement en litige :
12. Le présent arrêt annulant le jugement en date du 12 novembre 2018 du Tribunal administratif de Paris, les conclusions de Mme D... tendant à ce que la Cour prescrive les mesures d'exécution de ce jugement sont devenues sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur les conclusions présentées par Mme D... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du
10 juillet 1991 :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du Groupe hospitalier universitaire Paris - Psychiatrie et Neurosciences le versement de la somme que Mme D... demande au titre des frais liés à l'instance.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 12 novembre 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le Tribunal administratif de Paris par Mme D... et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 19PA03012 du Groupe hospitalier universitaire Paris - Psychiatrie et Neurosciences.
Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme D... tendant, sous le n° 19PA02960, à l'exécution du jugement en date du 31 mai 2017 du Tribunal administratif de Paris.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au Groupe hospitalier universitaire Paris - Psychiatrie et Neurosciences et à Mme E... D....
Délibéré après l'audience du 9 juillet 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Lescaut, premier conseiller,
- M. Doré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 juillet 2020.
Le rapporteur,
F. DoréLe président,
S.-L. FORMERY
Le greffier,
F. DUBUY
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 19PA00163, 19PA02960, 19PA03012