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16/07/2020 | FRANCE | N°19PA04199

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 16 juillet 2020, 19PA04199


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2018 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination.

Par un jugement n° 1823631 du 1er octobre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 décembre 2019, et un mémoire enr

egistré le 25 juin 2020, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2018 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination.

Par un jugement n° 1823631 du 1er octobre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 décembre 2019, et un mémoire enregistré le 25 juin 2020, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1823631 du Tribunal administratif de Paris en date du 1er octobre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police en date du 4 décembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou de procéder à un nouvel examen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son épouse est de nationalité française et qu'il justifie d'une communauté de vie avec celle-ci ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnait le 7° de 1'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a été pris en méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention sur les droits de l'enfant dès lors qu'il va avoir pour effet de le séparer de ses enfants alors qu'il est le seul à détenir l'autorité parentale et à contribuer à leur entretien et à leur éducation et qu'ils sont scolarisés depuis trois ans en France où ils ont vécu la majeure partie de leur vie ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire enregistré le 24 juin 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 octobre 2019 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience :

- le rapport de Mme D...,

- et les observations de Me B... pour M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., de nationalité marocaine, a sollicité, à la suite de son mariage le 5 décembre 2015 avec une ressortissante française, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en qualité de conjoint d'un ressortissant français. Par un arrêté du 4 décembre 2018, le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination. M. C... relève appel du jugement en date du 1er octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public,

la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage,

que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ".

Aux termes de l'article L. 211-2-1 de ce code : " (...) Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de Français qui remplit les conditions prévues au présent article. (...) Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour ". Aux termes de l'article L. 313-2 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23 et L. 313-24 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1 ".

3. Pour rejeter la demande de titre de séjour que M. C... a présentée en qualité de conjoint d'un ressortissant français sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de police s'est fondé sur la circonstance, qu'alors que la délivrance du titre de séjour sollicité était subordonnée à la détention par le demandeur du visa de long séjour prévu par les 1° ou 2° de l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. C... était entré en France muni d'un visa pour une durée de séjour inférieure à trois mois et que ne justifiant pas, compte tenu des nombreux séjours qu'il avait effectués au Maroc depuis son mariage, d'une résidence effective en France avec son épouse depuis au moins 6 mois, il ne pouvait présenter une demande de visa de long séjour à l'appui de sa demande de titre de séjour, comme le permettent les dispositions de l'article

L. 211-2-1 du même code.

4. M. C... soutient qu'il réside en France avec son épouse depuis le mois de janvier 2014 et que les différents déplacements qu'il a effectués au Maroc, pour lesquels il était le plus souvent accompagné par son épouse, revêtaient un caractère professionnel. Il a produit à l'appui de ses allégations des quittances de loyers au titre des années 2014 à 2018 établies à leurs deux noms, des avis de taxe d'habitation se rapportant au domicile familial, des avis d'imposition relatif aux revenus qu'ils ont conjointement déclarés notamment au cours de l'année 2018, comportant la même adresse que celle figurant sur les quittances de loyers et mentionnant des revenus perçus par M. C..., des relevés bancaires du compte joint ouvert au nom des intéressés faisant apparaître de nombreuses opérations dont il n'est pas établi qu'elles seraient imputables uniquement à Mme C..., des bulletins de salaire délivrés par deux entreprises situées dans la région parisienne au titre respectivement des mois de janvier à avril 2018, et de juin à septembre 2018, ainsi que le certificat de travail correspondant à la seconde période d'embauche. Ces différents justificatifs, dont l'authenticité n'est pas remise en cause par le préfet de police, établissent que M. et Mme C... disposaient depuis le mois de janvier 2014 d'une adresse commune en France et laissent présumer, en l'absence d'éléments contraires apportés par le préfet de police, que M. C... résidait effectivement avec son épouse à l'adresse mentionnée sur ces documents durant les 6 mois qui ont précédé l'arrêté en litige du 4 décembre 2018. A cet égard, si le préfet de police fait valoir que M. C... a effectué de nombreux séjours, parfois de plusieurs mois, au Maroc entre la date du dépôt de sa demande de titre de séjour en 2016 et jusqu'au début de l'année 2018, ces voyages, que le requérant justifie par des contraintes professionnelles, sont, en tout état de cause, antérieurs à la période de six mois fixée par les dispositions précitées de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, c'est à tort que le préfet de police a, pour rejeter la demande de titre de séjour qui lui était soumise, considéré que M. C... ne séjournait pas effectivement avec son épouse en France depuis au moins 6 mois et qu'il ne pouvait, dès lors, solliciter, à l'appui de cette demande, le visa de long séjour prévu par les dispositions de l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'ensuit que le requérant est fondé à demander l'annulation de la décision en date du 4 décembre 2018 par laquelle le préfet de police a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour, et, par voie de conséquence, des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. L'exécution du présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint au préfet de police de de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour présentée par M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B..., avocat de M. C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B... de la somme de 1 200 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1823631 en date du 1er octobre 2019 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté en date du 4 décembre 2018 par lequel le préfet de police a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. C... et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour présentée par M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me B..., avocat de C..., une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme D..., président,

- Mme Lescaut, premier conseiller,

- M. Doré, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 16 juillet 2020.

L'assesseur le plus ancien,

C. LESCAUTLe président,

V. D...

Le greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA04199


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA04199
Date de la décision : 16/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUPINEAU
Rapporteur ?: Mme Valérie POUPINEAU
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : RIVIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-07-16;19pa04199 ?
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