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16/07/2020 | FRANCE | N°19PA03605

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 16 juillet 2020, 19PA03605


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté en date du 28 mars 2019 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de sa reconduite.

Par un jugement n° 1903484 du 29 mai 2019 le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 novembre 2

019, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 19034...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté en date du 28 mars 2019 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de sa reconduite.

Par un jugement n° 1903484 du 29 mai 2019 le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 novembre 2019, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1903484 du 29 mai 2019 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté en date du 28 mars 2019 du préfet

du Val-de-Marne ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail ;

4°) à titre subsidiaire d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail jusqu'à ce qu'il ait pris une nouvelle décision ;

5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, Me A... renonçant à percevoir la somme allouée au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un défaut d'examen sérieux et particulier de sa situation ;

- il méconnaît son droit à être entendue tel qu'il est garanti par les stipulations de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- il a méconnu l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990.

La requête de Mme B... a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 1er octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante sénégalaise, est entrée en France, selon ses déclarations, au mois de février 2015. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) par une décision du 31 juillet 2017, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 17 janvier 2019. Par un arrêté en date du 28 mars 2019, le préfet

du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 29 mai 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, l'arrêté contesté vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et le 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable à la situation de Mme B.... Il précise que sa demande d'asile ayant été rejetée par l'OFPRA puis par la CNDA, l'intéressée ne peut prétendre ni au renouvellement du récépissé prévu par l'article R. 742-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni à la délivrance d'une carte de résident au titre du 8° de l'article L. 314-11 de ce code, ou d'une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-13 du même code. Cet arrêté, qui indique la nationalité de la requérante, mentionne également que, compte tenu des circonstances de l'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale et qu'elle n'établit pas être exposée à des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. L'arrêté contesté comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent son fondement. Le moyen tiré de son insuffisante motivation doit, par suite, être écarté.

3. En deuxième lieu, il ressort de la motivation de l'arrêté en litige et des pièces du dossier que le préfet du Val-de-Marne a procédé à un examen suffisant de la situation personnelle de Mme B....

4. En troisième lieu, la requérante soutient que l'arrêté contesté porte atteinte à son droit d'être entendue garanti par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'elle a été mise à même, dans le cadre de l'instruction de sa demande d'asile, de porter à la connaissance de l'administration et des instances chargées de l'asile l'ensemble des informations relatives à sa situation personnelle dont elle souhaitait se prévaloir. En outre, il n'est pas établi qu'elle aurait été empêchée de communiquer aux services de la préfecture des informations utiles avant que soit prise à son encontre la décision d'obligation de quitter le territoire français contestée. En conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.

5. En quatrième lieu, l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé (...) soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. L'attestation délivrée en application de l'article

L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. ". Aux termes du III de l'article R. 723-19 du même code : " La date de notification de la décision de l'office et, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire. ".

6. Il ressort des mentions de l'extrait du fichier " TelemOFPRA " produit par le préfet du Val-de-Marne devant les premiers juges, que la décision de la CNDA du 17 janvier 2019 a été notifiée à Mme B... le 23 janvier 2019. Et ainsi que l'a jugé le tribunal, conformément aux dispositions du III de l'article R. 723-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les mentions du fichier Telemofpra font foi jusqu'à preuve du contraire. Mme B... n'apportant pas cette preuve, elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a pas reçu notification de la décision de la CNDA à la date de l'arrêté en litige.

7. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Mme B... soutient qu'elle réside en France depuis 2015, où elle vit avec son époux et qu'elle a donné naissance à une petite fille en 2016. Toutefois, elle ne démontre pas être dans l'impossibilité de poursuivre sa vie familiale dans son pays d'origine avec son enfant, dont le père, lui-même ressortissant sénégalais, est en situation irrégulière en France. Par ailleurs, Mme B... n'allègue pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine. Dans ces conditions, l'arrêté du préfet du Val-de-Marne n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour ces mêmes motifs, cet arrêté n'est pas entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme B....

9. En sixième lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

10. Mme B... soutient qu'elle risque de subir une excision et qu'elle veut éviter ce risque de mutilation pour sa fille. Alors que l'OFPRA a considéré que les déclarations présentées par Mme B... pour sa fille ne permettaient pas de retenir pour établis les faits allégués ni de regarder comme fondées les craintes de persécution exprimées en cas de retour au Sénégal, la requérante n'en justifie pas davantage en n'apportant aucun élément circonstancié permettant d'établir la réalité du risque d'excision auquel sa fille serait personnellement exposée. Dans ces conditions, la seule circonstance que la décision de l'OFPRA donne lieu à un recours auprès de la Cour nationale du droit d'asile ne suffit pas à regarder la décision du préfet du Val-de-Marne comme ayant méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant de Mme B.... Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peut qu'être écarté.

11. En septième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à des traitements inhumains ou dégradants ".

12. Mme B... fait valoir qu'elle risque d'être exposée à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, en particulier à un risque d'excision pour elle et sa fille. Alors que la demande d'asile de la requérante a été rejetée par l'OFPRA par une décision du 31 juillet 2017, confirmée par la CNDA le 17 janvier 2019, et que la demande de protection internationale de sa fille a également été rejetée par l'OFPRA, la circonstance que sa fille aînée a été victime de cette pratique ne suffit pas à établir l'existence d'un risque pour sa plus jeune fille, la requérante n'apportant au soutien de son moyen aucun élément nouveau de nature à établir le risque d'excision évoqué. Le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, par conséquent, être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Poupineau, président,

- Mme C..., premier conseiller,

- M. Doré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 juillet 2020.

Le rapporteur,

C. C... Le président,

V. POUPINEAU

Le greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA03605


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA03605
Date de la décision : 16/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUPINEAU
Rapporteur ?: Mme Christine LESCAUT
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : MORIN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-07-16;19pa03605 ?
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