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16/07/2020 | FRANCE | N°19PA03152

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 16 juillet 2020, 19PA03152


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler les arrêtés du 29 mars 2019 par lesquels le préfet de Seine-et-Marne a décidé son transfert aux autorités espagnoles en vue de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1903567 du 6 mai 2019, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 octobre 2019, M. B..., re

présenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1903567 du 6 mai 2019 du m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler les arrêtés du 29 mars 2019 par lesquels le préfet de Seine-et-Marne a décidé son transfert aux autorités espagnoles en vue de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1903567 du 6 mai 2019, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 octobre 2019, M. B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1903567 du 6 mai 2019 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet de Seine-et-Marne du 29 mars 2019 pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne d'enregistrer sa demande d'asile sous astreinte de 155 euros par jour de retard.

Il soutient que l'arrêté contesté :

- l'arrêté contesté méconnaît l'article 3.2 du règlement UE 604/2013, dès lors qu'il existe en Espagne des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs ;

- il méconnaît également les articles 16 et 17 de ce règlement compte tenu de ses attaches familiales en France ;

- il méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête de M. B... a été communiquée au préfet de Seine-et-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Par un courrier du 3 juin 2020, les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré d'un non-lieu à statuer sur les conclusions de M. B... dirigées contre l'arrêté de transfert du 29 mars 2019 dans la mesure où cet arrêté n'est plus susceptible d'exécution (Conseil d'Etat, n° 420708 du 24 septembre 2018).

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 29 août 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil du

26 juin 2013 établissant les critères et les mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant ivoirien, est entré irrégulièrement en France où il a sollicité le bénéfice de l'asile le 25 février 2019 au guichet unique de la préfecture de police. La consultation du fichier " Eurodac " ayant permis d'établir que ses empreintes digitales avaient été relevées par les autorités espagnoles, le préfet de Seine-et-Marne a saisi les autorités espagnoles, le 27 février 2019, d'une demande de reprise en charge à laquelle elles ont répondu favorablement le 18 mars 2019.

Par des arrêtés du 29 mars 2019, le préfet de Seine-et-Marne a ordonné le transfert de M. B... aux autorités espagnoles pour l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence. M. B... fait appel du jugement du 6 mai 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. ".

3. Si l'Espagne est un État membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il appartient néanmoins à l'administration d'apprécier, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles une demande d'asile est traitée par les autorités de ce pays répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. L'allégation selon laquelle, dans ce pays, les demandes d'asile ne seraient pas traitées actuellement dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, n'est assortie d'aucun élément personnel et concret, le requérant se fondant uniquement sur des considérations d'ordre général sans se prévaloir de considérations particulières permettant d'établir que son dossier serait traité par les autorités espagnoles d'une manière qui ne répondrait pas à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ou qui l'exposerait à subir des traitements inhumains et dégradants en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le préfet de Seine-et-Marne n'a pas méconnu l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 16 du règlement UE n° 604/2013 : " lorsque, du fait d'une grossesse, d'un enfant nouveau-né, d'une maladie grave, d'un handicap grave ou de la vieillesse, le demandeur est dépendant de l'assistance de son enfant, de ses frères ou soeurs, ou de son père ou de sa mère résidant légalement dans un des États membres, ou lorsque son enfant, son frère ou sa soeur, ou son père ou sa mère, qui réside légalement dans un État membre est dépendant de l'assistance du demandeur, les États membres laissent généralement ensemble ou rapprochent le demandeur et cet enfant, ce frère ou cette soeur, ou ce père ou cette mère, à condition que les liens familiaux aient existé dans le pays d'origine, que l'enfant, le frère ou la soeur, ou le père ou la mère ou le demandeur soit capable de prendre soin de la personne à charge et que les personnes concernées en aient exprimé le souhait par écrit ".

5. M. B..., qui fait valoir que sa tante, de nationalité belge, l'héberge et le prend en charge financièrement, n'entre pas dans le champ des dispositions précitées de l'article 16 du règlement (UE) n° 604/2013. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ".

7. En se bornant à faire valoir qu'il est hébergé par sa tante qui réside régulièrement en France et qu'il souffre des séquelles d'une agression qu'il a subie dans son pays d'origine, le requérant, entré récemment en France à la date de la décision contestée et qui n'établit pas la réalité des risques qu'il invoque dans son pays d'origine, ne justifie pas de circonstances particulières qui commanderaient que la France examine sa demande d'asile. Dès lors, le préfet de Seine-et-Marne n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire de compétence prévue à l'article 17 précité du règlement (UE) n° 604/2013.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

9. M. B... soutient que la décision de transfert aux autorités espagnoles l'expose, en cas de retour en Côte d'Ivoire, à un risque de traitements inhumains ou dégradants au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, l'arrêté contesté a seulement pour objet de renvoyer l'intéressé en Espagne et non dans son pays d'origine. L'Espagne, État membre de l'Union européenne, est partie à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Même si cette présomption n'est pas irréfragable, l'Espagne est présumée se conformer aux stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à la directive 2011-95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d'une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection.

En outre, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les autorités espagnoles n'évalueront pas, lors de l'examen de la demande d'asile de M. B... et avant de procéder à un éventuel éloignement de celui-ci, les risques auxquels il serait exposé en cas de retour en Côte d'Ivoire. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Poupineau, président,

- Mme Lescaut, premier conseiller,

- M. A..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 16 juillet 2020.

Le rapporteur,

F. A...Le président,

V. POUPINEAU

Le greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA03152


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA03152
Date de la décision : 16/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUPINEAU
Rapporteur ?: M. François DORE
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : PLEGAT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-07-16;19pa03152 ?
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