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16/07/2020 | FRANCE | N°19PA03148

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 16 juillet 2020, 19PA03148


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... B... alias F... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision en date du 10 septembre 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de l'admettre sur le territoire français au titre de l'asile.

Par un jugement n° 1920228 en date du 21 septembre 2019, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé la décision en date du 10 septembre 2019 du ministre de l'intérieur et mis à la charge de l'État la somme de 1 000 euros au titr

e des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Proc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... B... alias F... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision en date du 10 septembre 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de l'admettre sur le territoire français au titre de l'asile.

Par un jugement n° 1920228 en date du 21 septembre 2019, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé la décision en date du 10 septembre 2019 du ministre de l'intérieur et mis à la charge de l'État la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 octobre 2019, le ministre de l'intérieur, représenté par Me C..., demande à la Cour :

- d'annuler le jugement n° 1920228 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris en date du 21 septembre 2019 ;

- de rejeter la demande présentée par M. G... B... devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé ;

- il est entaché d'irrégularité dès lors que le magistrat désigné s'est fondé sur les déclarations formulées le jour de l'audience par le requérant, dont il n'a pas eu connaissance ;

- c'est à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté au motif que la demande de M. B... n'était pas manifestement infondée en s'appuyant sur des éléments postérieurs à sa décision ;

- les autres moyens soulevés par l'intéressé devant le tribunal administratif de Paris ne sont pas fondés.

La requête du ministre de l'intérieur a été communiquée à M. G... B..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique.

- le rapport de Mme E...,

- les observations de Me A... D..., pour le ministre de l'intérieur ;

- et les observations de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Le 5 septembre 2019, M. B..., ressortissant ivoirien, a sollicité son admission sur le territoire français au titre de l'asile. Par une décision du 10 septembre 2019, le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande comme étant manifestement infondée. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement en date du 21 septembre 2019, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris, faisant droit à la demande de M. B..., a annulé sa décision et mis à la charge de l'État la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur le moyen d'annulation retenu par le magistrat désigné :

2. Aux termes de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de refuser l'entrée en France à un étranger qui se présente à la frontière et demande à bénéficier du droit d'asile ne peut être prise par le ministre chargé de l'immigration que si : / (...) 3° (...) la demande d'asile est manifestement infondée. / Constitue une demande d'asile manifestement infondée une demande qui, au regard des déclarations faites par l'étranger et des documents le cas échéant produits, est manifestement dénuée de pertinence au regard des conditions d'octroi de l'asile ou manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves. (...) ".

3. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 223-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le ministre de l'intérieur peut rejeter la demande d'asile présentée par un étranger se présentant aux frontières du territoire national lorsque ses déclarations et les documents qu'il produit à leur appui, du fait notamment de leur caractère incohérent, inconsistant ou trop général, sont manifestement dépourvus de crédibilité et font apparaître comme manifestement dénuées de fondement les menaces de persécutions alléguées par l'intéressé au titre de l'article 1er A. (2) de la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés.

4. Pour annuler la décision en litige du ministre de l'intérieur, le tribunal administratif de Paris s'est fondé sur les déclarations de M. B... consignées dans le compte-rendu d'entretien avec le représentant de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et complétées à l'audience, par lesquelles il a fait valoir qu'ancien militaire, il a, après avoir combattu au sein des forces nouvelles, intégré en 2011 les Forces spéciales, qu'en 2017 le président de la Côte d'Ivoire a dépêché les Forces spéciales afin de mettre fin aux mutineries qui s'étaient formées dans les rangs de l'armée dans plusieurs villes du pays, qu'il a reçu des menaces de mort de personnes qu'il identifie comme étant d'anciens mutins de Bouake, qui le considèrent comme un traitre pour avoir rejoint les Forces spéciales, qu'il est regardé comme un partisan d'Ibrahim Coulibaly et que son nom est associé au Commando Invisible lorsque l'on effectue une recherche sur internet, que son épouse a été brutalisée par des individus cagoulés à sa recherche et qu'il a dû quitter son pays sans passeport. Toutefois, le récit de M. B... est vague et peu circonstancié. Les lacunes qui l'entachent ne permettent pas de déterminer s'il a participé aux mutineries, et a été accusé de collusion avec les mutins par sa hiérarchie, ou s'il est resté fidèle aux forces régulières, laissant ainsi subsister un doute sur l'origine et la réalité des menaces dont il aurait fait l'objet. Il présente également des incohérences en ce qui concerne certains éléments de son parcours militaire. En particulier, si M. B... a indiqué avoir été identifié et recherché par des mutins présents à Bouaké, il a néanmoins déclaré à plusieurs reprises au représentant de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides qui l'a interrogé, être intervenu avec les Forces spéciales à Adiké et non à Bouaké. Dans ces conditions, c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la demande de M. B... n'était pas manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves en Côte d'Ivoire et qu'ils ont, pour ce motif, annulé la décision en date du 10 septembre 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, rejeté cette demande comme étant manifestement infondée.

5. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris.

6. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

7. Si M. B... fait valoir qu'il craint pour sa vie en cas de retour dans son pays d'origine, il n'apporte au soutien de ses allégations aucun élément probant permettant d'établir la réalité des risques auxquels il serait personnellement exposé et qui seraient susceptibles de faire obstacle à sa reconduite à destination de ce pays. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

8. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision en date du 10 septembre 2019.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1920228 en date du 21 septembre 2019 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. G... B... alias F....

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme E..., président,

- Mme Lescaut, premier conseiller,

- M. Doré, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 16 juillet 2020.

L'assesseur le plus ancien,

C. LESCAUTLe président,

V. E...

Le greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA03148 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA03148
Date de la décision : 16/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUPINEAU
Rapporteur ?: Mme Valérie POUPINEAU
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : SCP SAIDJI et MOREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 26/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-07-16;19pa03148 ?
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