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16/07/2020 | FRANCE | N°19PA01552

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 16 juillet 2020, 19PA01552


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 5 novembre 2018 par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités allemandes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1820249 du 29 janvier 2019, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 mai 2019, M. A..., représenté par Me D..., demande à la Co

ur :

1°) d'annuler le jugement n° 1820249 du 29 janvier 2019 de la magistrate désignée par le pré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 5 novembre 2018 par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités allemandes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1820249 du 29 janvier 2019, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 mai 2019, M. A..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1820249 du 29 janvier 2019 de la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 5 novembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de l'admettre au séjour au titre de l'asile, dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant la durée de l'examen de sa demande d'asile ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pour la durée de cet examen une autorisation provisoire de séjour, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage du pouvoir discrétionnaire qu'il tient de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, dès lors qu'en cas de transfert vers l'Allemagne, les autorités de ce pays, qui ont rejeté sa demande d'asile, le renverront nécessairement en Afghanistan où il risque de subir des traitements inhumains et dégradants ;

- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 26 mars 2019.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision de la Cour était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de l'existence d'un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert du 5 novembre 2018 dans la mesure où il n'est plus susceptible d'exécution.

Par un mémoire enregistré le 17 mars 2020 présenté en réponse à la communication du moyen relevé d'office, M. A... fait valoir que ses conclusions à fin d'annulation de la décision de transfert en date du 5 novembre 2018 ont conservé leur objet dès lors qu'un nouveau délai de transfert porté à dix-huit mois en application des dispositions de l'article 29.2 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 a commencé à courir à compter de la notification du jugement, soit le 29 janvier 2019.

Par un mémoire enregistré le 15 avril 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête en indiquant que le délai de six mois durant lequel l'arrêté de transfert doit être exécuté a été porté à dix-huit mois en raison de l'état de fuite de l'intéressé au sens des dispositions de l'article 29.2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., ressortissant afghan né le 20 mars 1996, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 17 août 2018 et a présenté une demande d'asile au guichet unique des demandeurs d'asile de Paris le 31 août 2018. La consultation du fichier Eurodac a permis d'établir que ses empreintes digitales avaient été relevées par les autorités allemandes les 8 février 2016 et 27 juillet 2018. Le préfet de police a saisi les autorités allemandes d'une demande de reprise en charge le 11 septembre 2018. Elles ont fait connaître leur accord le 17 septembre 2018. Le préfet de police a alors décidé, par l'arrêté attaqué du 5 novembre 2018, de remettre M. A... aux autorités allemandes, responsables de l'examen de sa demande d'asile. L'intéressé relève appel du jugement du 29 janvier 2019 par lequel la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre État membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

3. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre État membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

4. L'arrêté prononçant le transfert de M. A... aux autorités allemandes vise notamment le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable d'une demande d'asile, le règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003, et le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales. Il relève le caractère irrégulier de l'entrée en France de M. A..., rappelle le déroulement de la procédure suivie lorsque l'intéressé s'est présenté devant les services de la préfecture de police et précise que la consultation du système Eurodac a montré que M. A... avait sollicité l'asile auprès des autorités allemandes les 8 février 2016 et 27 juillet 2018. Il mentionne en outre que les autorités allemandes ont été saisies le 11 septembre 2018 sur le fondement du paragraphe 1, b), de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, et ont explicitement accepté de le reprendre en charge le 17 septembre 2018 sur le fondement du paragraphe 1, d), du même article. Il en résulte que cet arrêté est suffisamment motivé en droit et en fait, sans qu'il fût besoin pour le préfet de police de faire état de la situation personnelle complète de l'intéressé.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier et de ce qui a été dit au point 4 que le préfet de police a procédé à un examen suffisant de la situation personnelle de M. A....

6. En dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée (...) même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés par le présent règlement (...) ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

7. M. A... soutient qu'il a été définitivement débouté de sa demande d'asile en Allemagne et qu'en cas de renvoi il serait exposé à un retour en Afghanistan où il risque de subir des traitements inhumains et dégradants. Toutefois, la décision de transfert vers l'Allemagne n'ayant ni pour objet ni pour effet d'éloigner M. A... vers l'Afghanistan, le moyen tiré de ce qu'il encourt des risques de subir des traitements inhumains ou dégradants au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté comme inopérant. En outre, l'Allemagne, qui a accepté la reprise en charge de M. A..., est un État membre de l'Union européenne, qui est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Or, M. A... ne produit aucun élément de nature à établir qu'il existerait des raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques en Allemagne dans la procédure d'asile et que les autorités allemandes ne traiteraient pas sa demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par suite, le préfet de police n'a ni commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage du pouvoir discrétionnaire qu'il tient de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ni méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le préfet de police n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de M. A....

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 novembre 2018 par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités allemandes. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme E..., présidente,

- Mme B..., premier conseiller,

- M. Doré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 juillet 2020.

Le rapporteur,

C. B...La présidente,

V. E...

Le greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA01552


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01552
Date de la décision : 16/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUPINEAU
Rapporteur ?: Mme Christine LESCAUT
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : MESUROLLE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-07-16;19pa01552 ?
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