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10/07/2020 | FRANCE | N°20PA00356

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 10 juillet 2020, 20PA00356


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2019 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités autrichiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1916488/8 du 5 novembre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 30 janvier 2020, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) de lui acco

rder l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement n° 1916488/8 du 5 novembre 2019 d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2019 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités autrichiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1916488/8 du 5 novembre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 30 janvier 2020, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) de lui accorder l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement n° 1916488/8 du 5 novembre 2019 du tribunal administratif de Paris ;

3°) d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2019 du préfet de police ;

4°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocat au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté du 16 juillet 2019 est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen suffisant de sa situation ;

- l'article 18 (1) (d) du règlement Dublin III n'est pas applicable à sa situation ;

- l'arrêté contesté méconnaît l'article 18 (2) du même règlement et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que, la demande de M. C... ayant été rejetée par les autorités autrichiennes, il ne sera procédé à aucun réexamen de sa situation ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de faire application des clauses discrétionnaires prévues par l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 ;

- le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation des conditions d'accueil en Autriche.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 juin 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il indique que le délai de transfert de M. C... vers l'Autriche a été prolongé du fait du refus de celui-ci d'embarquer et soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une décision du 30 janvier 2020, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris a admis M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant afghan né en 1987, s'est présenté le 29 avril 2019 au guichet unique de la préfecture de police en charge des demandeurs d'asile, aux fins d'enregistrement d'une demande de protection internationale. La consultation du fichier Eurodac ayant révélé que l'intéressé avait sollicité l'asile auprès des autorités autrichiennes le 30 novembre 2015, le préfet de police leur a adressé une demande de reprise en charge en application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui a donné lieu à un accord le 2 mai 2019. Par un arrêté du 16 juillet 2019, le préfet de police a décidé de remettre M. C... aux autorités autrichiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Par un jugement du 5 novembre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation de cet arrêté. M. C... fait appel de ce jugement.

Sur les conclusions tendant à l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Par une décision du 30 janvier 2020, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris a admis M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Dès lors, ses conclusions tendant à être admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet.

Sur la légalité de l'arrêté du 16 juillet 2019 :

3. En premier lieu, l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration dispose : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) constituent une mesure de police (...) ". L'article L. 211-5 du même code dispose : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". L'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative (...) ".

4. L'arrêté contesté vise le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et indique que l'examen des empreintes digitales de M. C... a révélé qu'il avait déjà déposé une demande de protection internationale en Autriche le 30 novembre 2015 et que les autorités autrichiennes, sollicitées pour sa reprise en charge sur le fondement de l'article 18 (1) d) du règlement européen 604/2013, ont donné leur accord le 2 mai 2019. Cet arrêté énonce ainsi les considérations de droit et de fait qui fondent l'arrêté de transfert contesté et est suffisamment motivé. En outre, il ne ressort ni des termes de cet arrêté ni des pièces du dossier que le préfet ne se serait pas livré à un examen complet de la situation personnelle de l'intéressé.

5. En deuxième lieu, il ressort du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement 604/2013 du 26 juin 2013 que la demande d'asile présentée par le ressortissant d'un pays tiers est examinée par un seul Etat membre, l'Etat membre responsable selon les critères prévus aux articles 8 à 17 du même texte. Le paragraphe 2 de l'article 7 du même règlement dispose que la détermination de l'Etat membre responsable se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d'un Etat membre. Aux termes du paragraphe de l'article 18 du même règlement : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre. 2. (...) Dans les cas relevant du champ d'application du paragraphe 1, point d), lorsque la demande a été rejetée en première instance uniquement, l'État membre responsable veille à ce que la personne concernée ait la possibilité ou ait eu la possibilité de disposer d'un recours effectif (...) ".

6. L'Autriche, dont il n'est pas contesté qu'elle est le premier Etat de l'Union dans lequel M. C... a demandé l'asile, s'est reconnue responsable de l'examen de cette demande qu'elle a enregistré le 30 novembre 2015 et a accepté, à la demande de la France, la reprise en charge de l'intéressé. Si M. C... fait valoir que les trois demandes d'asile qu'il a déposées ont été définitivement rejetées en Autriche et qu'il ne pourra donc y obtenir un nouvel examen de sa situation, cette circonstance ne fait pas obstacle à son renvoi vers ce pays, qui est le pays européen responsable de sa demande d'asile au sens du règlement. Le moyen tiré de l'inapplicabilité ou de la méconnaissance des dispositions des paragraphes 1 et 2 de l'article 18 du règlement 604/2013 ne peut qu'être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. M. C... fait valoir qu'au regard des douloureuses épreuves qu'il a traversées, il tente de s'établir en France de manière stable et ne représente aucune menace pour l'ordre public. Toutefois il est constant qu'à la date de la décision litigieuse, il ne résidait en France, ou il ne fait état d'aucune attache, depuis moins de trois mois. Alors même qu'il n'aurait pas plus de liens en Autriche et ne pourrait retourner en Afghanistan du fait de la situation de violence aveugle y prévalant, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police aurait, en décidant son transfert vers l'Autriche, porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

9. En quatrième lieu, M. C... reprend en appel les moyens, déjà invoqués en première instance, tirés des risques encourus en cas de renvoi en Autriche et de l'erreur manifeste commise par le préfet de police en ne l'admettant pas à déposer sa demande d'asile en France en application des dispositions des articles 3 et 17 du règlement, alors qu'il existe des défaillances systémiques dans l'examen des demandes d'asile en Autriche et qu'il a lieu de craindre des traitements contraires à l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans ce pays. Il y a lieu d'écarter ces moyens, à l'appui desquels M. C... ne fait valoir aucun élément ni argumentation nouveaux, par adoption des motifs retenus par le premier juge aux points 15 à 17 de son jugement.

10. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête d'appel ne peut qu'être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et, dès lors que l'Etat n'est pas partie perdante, celles tendant à ce que soit mise à sa charge, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme représentative des frais que M. C... aurait exposés s'il n'avait bénéficié de l'aide juridictionnelle totale.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. C... tendant à être admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme D..., présidente de chambre,

- M. Diémert, président assesseur,

- M. Platillero, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2020.

La présidente de la première chambre

S. D...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA00356


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00356
Date de la décision : 10/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: Mme Sylvie PELLISSIER
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : RAJI

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-07-10;20pa00356 ?
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