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10/07/2020 | FRANCE | N°19PA03079

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 10 juillet 2020, 19PA03079


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1904162/1-2 du 24 septembre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 30 septembre 2019 et complétée par un dépôt de pièces le 26 juin 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annule

r le jugement n° 1904162/1-2 du 24 septembre 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1904162/1-2 du 24 septembre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 30 septembre 2019 et complétée par un dépôt de pièces le 26 juin 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1904162/1-2 du 24 septembre 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le préfet de police n'ayant pas fait droit à sa demande de communication des motifs de la décision implicite de rejet de sa demande en méconnaissance de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, la décision contestée est entachée d'un défaut de motivation ;

-elle est entachée d'un vice de procédure en ce que la commission du titre de séjour n'a pas été saisie par le préfet de police alors qu'il justifiait d'une présence effective en France de plus de dix ans ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 (7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 juin 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête de M. B....

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés et qu'il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus pas les premiers juges.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant égyptien né en septembre 1987, est entré en France en 2006 selon ses déclarations. Il soutient avoir demandé, en se présentant à la préfecture de police le 2 février 2018, la régularisation de sa situation au regard du séjour en France. Par courrier reçu le 3 octobre 2018, son avocat a demandé les motifs de la décision implicite de rejet née selon lui sur cette demande, et la convocation de son client afin que soit examinée sa demande de titre de séjour formulée sur le fondement des dispositions des articles L. 313-11 (7°) et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. B... fait appel du jugement du 24 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris, saisi le 28 février 2019, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour.

2. En premier lieu, l'article R. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Le silence gardé par l'administration sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet ". Aux termes de l'article R. 311-12-1 du même code : " La décision implicite mentionnée à l'article R. 311-12 naît au terme d'un délai de quatre mois ". En outre, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) " et aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Enfin, aux termes de l'article L. 232-4 de ce code : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande ".

3. La décision refusant la délivrance d'une carte de séjour à un étranger constitue une mesure de police qui est au nombre de celles qui doivent être motivées en application des dispositions précitées de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, en application des dispositions de l'article L. 232-4 du même code, il est loisible à l'étranger auquel est opposé tacitement, après quatre mois, un rejet de sa demande de titre de séjour de demander, dans le délai du recours contentieux, les motifs de cette décision implicite de rejet. En l'absence de communication de ces motifs dans le délai d'un mois, la décision implicite se trouve entachée d'illégalité.

4. M. B... soutient qu'il a déposé son entier dossier de demande de titre de séjour au guichet de la préfecture de police le 2 février 2018. Toutefois cette affirmation est contestée en appel par le préfet de police et non démontrée par les pièces du dossier, M. B... se bornant à produire une " fiche de salle " très partiellement remplie mentionnant cette date, accompagnée d'un ticket témoignant d'un passage en préfecture le 4 septembre 2018. Ni l'une ni l'autre de ces pièces ne sont de nature à démontrer que l'intéressé a bien déposé une demande de titre de séjour le 2 février 2018, ni même le 4 septembre 2018 ou à une autre date avant la demande écrite de l'avocat reçue le 3 octobre 2018, qui n'a fait naitre de décision implicite de rejet qu'après quatre mois, soit le 3 février 2019. A la date du 3 octobre 2018 à laquelle l'avocat de M. B... a demandé les motifs d'une décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour, cette décision n'était pas encore née. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... aurait adressé une nouvelle demande de communication des motifs de la décision implicite après la naissance de cette dernière. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté.

5. En deuxième lieu, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ".

6. D'une part, M. B... soutient qu'à la date de la décision contestée, il résidait en France de façon habituelle depuis plus de dix ans. Toutefois, l'intéressé ne produit pas d'éléments probants pour établir de façon certaine sa résidence habituelle en France au second semestre 2015 et en 2016. Pour l'année 2015, M. B... ne produit que trois relevés bancaires indiquant très peu d'opérations, la première page de la déclaration des revenus de l'année 2015 déposée en novembre 2017 et quatre factures EDF de février, avril, juin et une facture de résiliation au 3 août 2015. Pour l'année 2016, il ne produit qu'un seul relevé bancaire n'indiquant aucune opération, un courrier de sa banque, une ordonnance médicale délivrée le 29 septembre 2016 et l'avis d'imposition sur les revenus de 2016, établi le 7 décembre 2017. Dans ces conditions, les justificatifs produits, alors que M. B... n'apporte pas de précision sur ses conditions de vie durant la période concernée, sont insuffisamment nombreux et probants pour établir la résidence habituelle de l'intéressé en France depuis plus de dix ans à la date de la décision attaquée. Le préfet de police n'était ainsi pas tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de statuer sur sa demande. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.

7. D'autre part, en faisant état de la durée de sa résidence en France, et de la circonstance qu'il travaille, M. B... ne justifie pas de circonstances humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors qu'il est célibataire et sans charge de famille en France. Dès lors, le préfet de police a pu sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation refuser de régulariser sa situation en application de ces dispositions.

8. En troisième lieu, l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. M. B... fait valoir qu'il justifie d'une résidence habituelle en France depuis plus de dix ans, y dispose d'un logement, y travaille et déclare ses revenus. Toutefois, ainsi qu'il a précédemment été dit, le requérant est en France célibataire et sans charge de famille et n'y établit pas la durée de son séjour ni son insertion sociale et professionnelle, alors qu'il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où résident ses parents ainsi que ses soeurs et où il a lui-même vécu au moins jusqu'à l'âge de 20 ans. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le refus de lui délivrer un titre de séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête d'appel, y compris ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'étant pas partie perdante, ne peut qu'être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme D..., présidente de chambre,

- M. Diémert, président assesseur,

- M. Platillero, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2020.

La présidente de la première chambre

S. D...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA03079 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19PA03079
Date de la décision : 10/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: Mme Sylvie PELLISSIER
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : BOUDJELLAL

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-07-10;19pa03079 ?
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