Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision en date du 8 juin 2018 par laquelle la ministre du travail a autorisé la société Sinéquanone à procéder à son licenciement.
Par un jugement n° 1814566/3-1 du 31 mai 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 26 juillet 2019, Mme E..., représentée par
Me A... F..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1814566/3-1 du 31 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 juin 2018 par laquelle la ministre du travail a autorisé la société Sinéquanone à procéder à son licenciement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 8 juin 2018 précitée de la ministre du travail ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Sinéquanone, pris solidairement, le versement de la somme de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure contradictoire n'a pas été respectée dès lors que la ministre du travail ne lui a pas laissé suffisamment de temps pour présenter sa défense ;
- la décision litigieuse est insuffisamment motivée ;
- la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société Sinéquanone indiquait à tort qu'elle était membre suppléante du comité d'entreprise alors qu'elle était devenue membre titulaire de ce comité ;
- l'existence d'un motif économique justifiant son licenciement n'est pas établie à la date d'édiction de la décision contestée ;
- l'impossibilité de procéder à son reclassement n'a pas été établie du fait de l'absence de production du registre unique du personnel à la date de la décision litigieuse ;
- des motifs d'intérêt général justifiaient qu'elle puisse continuer à exercer ses fonctions au sein de la société.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2020, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 18 juin 2020, la SELAFA MJA, prise en la personne de Me H..., mandataire judiciaire liquidateur de la société Sinéquanone, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 3 000 euros soit mis à la charge de Mme E... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de commerce ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,
- et les observations de Me A... F..., avocat de Mme E..., et de Me G..., substituant Me D..., avocat de la SELAFA MJA.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... a été recrutée par la société Sinéquanone le 13 avril 2006 en qualité de responsable logistique import. Elle a été élue membre du comité d'entreprise le 21 octobre 2014 et désignée comme représentante de la section syndicale le 1er juin 2016. La société Sinéquanone a été placée en redressement judiciaire par un jugement du 5 janvier 2016. Mme E..., à compter du 18 janvier 2016, a exercé les fonctions de représentante des salariés dans le cadre de la procédure judiciaire. Par un courrier du 15 juin 2016, l'administrateur judiciaire de la société a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier Mme E... pour motif économique. Par une décision du 6 juillet 2016, l'inspecteur du travail a autorisé ce licenciement. Par une décision expresse du 10 février 2017, la ministre du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 6 juillet 2016 pour vice de procédure et autorisé le licenciement de Mme E.... Par un jugement n° 1706243 du 16 février 2018, le tribunal administratif de Paris, sur la requête de Mme E..., a annulé cette décision au motif qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que la ministre du travail aurait rectifié le vice de procédure tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire dans le cadre de la procédure de demande d'autorisation formée par la société Sinéquanone devant l'inspecteur du travail, avant de faire droit à la demande de la société Sinéquanone. Après que Mme E... a été réintégrée dans la société en exécution de ce jugement du 16 février 2018, la ministre du travail, de nouveau saisie de la demande d'autorisation de licenciement formée par la société Sinéquanone, a autorisé le licenciement de l'intéressée par une décision du 8 juin 2018. Mme E... a demandé l'annulation de cette décision. Par le jugement du 31 mai 2019 dont Mme E... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, en vertu des dispositions des articles R. 2421-4 et R. 2421-11 du code du travail, l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé doit, quel que soit le motif de la demande, procéder à une enquête contradictoire. En revanche, aucune règle ni aucun principe ne fait obligation au ministre chargé du travail, saisi d'un recours hiérarchique sur le fondement des dispositions de l'article R. 2422-1 du même code, de procéder lui-même à cette enquête contradictoire. Il en va toutefois autrement si l'inspecteur du travail n'a pas lui-même respecté les obligations de l'enquête contradictoire et que, par suite, le ministre annule sa décision et statue lui-même sur la demande d'autorisation.
3. Par ailleurs, aux termes des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, aujourd'hui codifiées aux articles L. 121-1, L. 122-1 et L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative compétente pour adopter une décision individuelle entrant dans leur champ de mettre elle-même la personne intéressée en mesure de présenter des observations. Il en va de même, à l'égard du bénéficiaire d'une décision, lorsque l'administration est saisie par un tiers d'un recours gracieux ou hiérarchique contre cette décision. Ainsi, le ministre chargé du travail, saisi sur le fondement des dispositions de l'article R. 2422-1 du code du travail, d'un recours contre une décision autorisant ou refusant d'autoriser le licenciement d'un salarié protégé, doit mettre le tiers au profit duquel la décision contestée a créé des droits - à savoir, respectivement, l'employeur ou le salarié protégé - à même de présenter ses observations, notamment par la communication de l'ensemble des éléments sur lesquels le ministre entend fonder sa décision, dans des conditions et des délais lui permettant de faire valoir utilement ses droits.
4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier qu'en exécution du jugement du tribunal administratif de Paris du 16 février 2018, la ministre du travail a communiqué à Mme E..., par courrier du 9 mars 2018 reçu par l'intéressée le 13 mars 2018, une copie de la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société Sinéquanone le 15 juin 2016 ainsi que des pièces jointes à cette demande (Mme E... a signé le 20 mars 2018 une attestation selon laquelle elle avait bien reçu ces documents). En outre, la ministre du travail a adressé à Mme E..., dans le cadre de la procédure contradictoire, un courrier en date du 9 mai 2018 comportant le contenu du dossier de licenciement, un courrier en date du 16 mai 2018, reçu le 19 mai, relatif aux efforts de recherche de reclassement effectués par l'employeur et la concernant et un courrier en date du 24 mai 2018, reçu le 29 mai 2018, comportant le registre unique du personnel. Les circonstances que, d'une part, les courriers qui lui ont été adressés par la ministre du travail mentionnaient des dates limites de réponse et que, d'autre part, le registre unique du personnel reçu le 29 mai 2018 comportait plus de quarante pages ne sauraient être regardées comme ayant empêché Mme E... de disposer d'un laps de temps suffisant pour faire valoir ses observations sur les diverses pièces qui lui ont été communiquées dès lors que la décision litigieuse de la ministre du travail n'est intervenue que le 8 juin 2018, soit dix jours après la réception par l'intéressée du dernier de ces courriers. Il s'en suit que le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure contradictoire doit être écarté, comme l'ont à bon droit estimé les premiers juges.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droit ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
6. Il ressort des termes mêmes de la décision litigieuse qu'elle vise les dispositions législatives et réglementaires applicables et énonce les éléments de fait qui en constituent le fondement, et notamment la réalité de la cause économique du licenciement de Mme E... résultant notamment de l'ordonnance du 22 février 2016 du juge-commissaire ayant autorisé la suppression de soixante-dix postes dont celui de la requérante, l'appréciation des efforts de recherche de reclassement de la société Sinéquanone au regard des postes disponibles et l'appréciation de l'existence d'un lien entre la demande de licenciement et les mandats exercés par Mme E.... La seule circonstance que la décision ministérielle contestée ne fait pas état de l'absence de motif d'intérêt général justifiant la nécessité de maintenir le contrat de travail de Mme E..., bien que celle-ci l'ait soutenu dans son recours hiérarchique, ne suffit pas à établir ni que la ministre du travail n'aurait pas apprécié, comme il le lui incombait, l'existence ou l'absence d'un tel motif, ni que la décision litigieuse, de ce seul silence, serait insuffisamment motivée en fait au sens des dispositions susmentionnées de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision querellée.
7. En troisième lieu, pour opérer les contrôles auxquels elle est tenue de procéder lorsqu'elle statue sur une demande d'autorisation de licenciement, l'autorité administrative doit prendre en compte chacune des fonctions représentatives du salarié. Lorsque l'administration a eu connaissance de chacun des mandats détenus par l'intéressé, la circonstance que la demande d'autorisation de licenciement ou la décision autorisant le licenciement ne fasse pas mention de l'un de ces mandats ne suffit pas, à elle seule, à établir que l'administration n'a pas, comme elle le doit, exercé son contrôle en tenant compte de chacun des mandats détenus par le salarié protégé.
8. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la demande d'autorisation de licenciement de Mme E... en date du 15 juin 2016 adressée à l'inspecteur du travail par la société Sinequanone indiquait qu'elle détenait un " mandat de membre élue du comité d'entreprise suppléante " et que la décision en date du 6 juillet 2016 de l'inspectrice du travail visait son " mandat de membre du comité d'entreprise en qualité de suppléante ", alors qu'elle était devenue membre titulaire du comité d'entreprise. Toutefois, dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation de licenciement de la requérante, la ministre du travail a reçu communication, par la société Sinéquanone, de la note d'information du comité d'entreprise du 13 juin 2016 sur le projet de licenciement de Mme E... ainsi que du procès-verbal de cette réunion faisant état du mandat de membre titulaire du comité d'entreprise de l'intéressée. Par suite, la ministre du travail, qui s'est bornée à viser, dans sa décision contestée du 8 juin 2018 autorisant le licenciement de Mme E..., le mandat de membre du comité d'entreprise de cette dernière, sans plus de précision, a été mise à même, malgré l'erreur commise dans la demande d'autorisation de licenciement, de procéder aux contrôles qu'elle était tenue d'exercer en tenant compte notamment des exigences propres au mandat de membre du comité d'entreprise titulaire de l'intéressée. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de l'erreur qui aurait été commise sur le mandat détenu par Mme E....
9. En quatrième lieu, d'une part, l'article L. 631-17 du code de commerce, relatif à la possibilité de procéder à des licenciements économiques lorsqu'une entreprise est placée en période d'observation dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire, dispose que : " Lorsque des licenciements pour motif économique présentent un caractère urgent, inévitable et indispensable pendant la période d'observation, l'administrateur peut être autorisé par le juge-commissaire à procéder à ces licenciements (...) ". En vertu de ces dispositions, lorsqu'une entreprise est placée en période d'observation dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire, l'administrateur judiciaire ne peut procéder à des licenciements pour motif économique que s'ils présentent un caractère urgent, inévitable et indispensable et après autorisation, non nominative, du juge-commissaire désigné par le tribunal de commerce. Il découle des termes mêmes de l'article L. 631-17 du code de commerce que l'autorisation délivrée par le juge-commissaire de procéder à des licenciements qui présentent un caractère urgent, inévitable et indispensable pendant la période d'observation ne peut être prise que durant cette période. Dans ces conditions, l'administration ne peut légalement autoriser le licenciement d'un salarié protégé demandé sur le fondement d'une autorisation délivrée par le juge-commissaire si la période d'observation a expiré à la date à laquelle il est saisi de cette demande.
10. D'autre part, si le salarié dont le licenciement est envisagé bénéficie du statut protecteur, l'administrateur doit, au surplus, obtenir préalablement l'autorisation nominative de l'inspecteur du travail qui vérifie, outre le respect des exigences procédurales légales et des garanties conventionnelles, que ce licenciement n'est pas en lien avec le mandat du salarié, que la suppression du poste en cause est réelle et a été autorisée par le juge-commissaire, que l'employeur s'est acquitté de son obligation de reclassement et, enfin, qu'aucun motif d'intérêt général ne s'oppose à ce que l'autorisation soit accordée. En revanche, il résulte des dispositions du code de commerce citées ci-dessus que le législateur a entendu que, pendant la période d'observation, la réalité des difficultés économiques de l'entreprise et la nécessité des suppressions de postes soient examinées par le juge de la procédure collective dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire. Dès lors qu'un licenciement a été autorisé par une ordonnance du juge-commissaire, ces éléments du motif de licenciement ne peuvent être contestés qu'en exerçant les voies de recours ouvertes contre cette ordonnance et ne peuvent être discutés devant l'administration.
11. Il ressort des pièces du dossier que, par un jugement du 5 janvier 2016, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Sinéquanone et a fixé la période d'observation à six mois. Le juge-commissaire qui a été nommé a, par une ordonnance du 17 février 2016, autorisé l'administrateur judiciaire à procéder au licenciement pour cause économique de soixante-dix salariés, au nombre desquels figuraient le poste relevant de la catégorie professionnelle de responsable logistique import, occupé par Mme E.... La demande d'autorisation de licenciement pour motif économique de Mme E... du 15 juin 2016, présentée par la société Sinéquanone, a été reçue par l'inspection du travail le 20 juin 2016, soit pendant la période d'observation susmentionnée. Par suite, la réalité du motif économique justifiant le licenciement de Mme E... ne pouvait être discutée devant l'administration et la ministre du travail ne pouvait, comme elle l'a fait à bon droit dans sa décision litigieuse du 8 juin 2018, que constater que la cause économique était établie, ainsi que la réalité de la suppression de l'emploi occupé par Mme E.... Il s'en suit que Mme E... ne peut utilement soutenir qu'à la date de la décision contestée du 8 juin 2018, les circonstances qui avaient justifié la demande d'autorisation de licenciement pour motif économique avaient changé, la société Sinequanone n'étant alors plus en redressement judiciaire, le tribunal de commerce ayant, par un jugement du 7 juillet 2017, arrêté un plan de redressement de la société en cause.
12. En cinquième lieu, pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié, au sein de l'entreprise puis dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, ce dernier étant entendu comme comportant les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel. L'employeur doit s'efforcer de proposer au salarié des offres de reclassement écrites, précises et personnalisées, portant, si possible, sur un emploi équivalent.
13. Lorsque le motif de licenciement invoqué par l'employeur fait obligation à l'administration d'apprécier le sérieux des recherches préalables de reclassement effectuées par celui-ci, l'inspecteur du travail doit apprécier les possibilités de reclassement du salarié à compter du moment où le licenciement est envisagé et jusqu'à la date à laquelle il statue sur la demande de l'employeur. En vertu de la règle rappelée au point précédent, le ministre saisi d'un recours hiérarchique doit, lorsqu'il statue sur la légalité de la décision de l'inspecteur du travail, apprécier le sérieux des recherches de reclassement jusqu'à la date de cette décision. Si le ministre annule la décision de l'inspecteur du travail et se prononce de nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement, il doit alors, en principe, apprécier le sérieux des recherches de reclassement jusqu'à la date à laquelle il statue.
14. Il ressort des pièces du dossier que dix-neuf propositions de reclassement ont été adressées à Mme E... par deux courriers de la société Sinéquanone du 13 février et du 31 mai 2016 pour des postes en boutique de vendeuse, responsable adjoint de magasin, responsable de boutique ou " responsable corner ", qui toutes ont été refusées par la requérante. En outre, depuis la demande de réintégration dans la société, présentée par Mme E... dans un courrier en date du 21 mars 2018, reçu le 27 mars, la société Sinéquanone lui a proposé, par un courrier du 16 mai 2018 auquel étaient jointes les fiches de postes, deux offres de reclassement sur des postes de " responsable corner ", l'un aux galeries Lafayette d'Avignon et l'autre au Printemps de Metz. Elle a également proposé à l'intéressée un poste de gestionnaire production et achat basé sur le site logistique de Compans, de niveau inférieur à son précédent poste mais comportant la même rémunération. Mme E... n'a pas donné suite à ces propositions, ni répondu à la demande de la société Sinéquanone de lui confirmer si elle était intéressée par des postes de vendeuse ou responsable de boutique ou de " corner ". Par ailleurs, si la société Sinéquanone, depuis la demande de réintégration dans la société présentée par Mme E..., a procédé à des recrutements sur cinq postes de vendeuses, ces contrats de travail à durée déterminée visaient à pourvoir à des remplacements de salariés absents et ne pouvaient dès lors être regardées comme des offres de reclassement sérieuses, et au surplus ne correspondaient ni à la qualification ni à la rémunération de Mme E... qui avait refusé avec constance les postes de même type qui lui avaient été proposés préalablement à son premier licenciement et qui a réitéré son refus par un courrier électronique du 10 avril 2018 adressé à son employeur, et sur deux postes de " responsables corner ", l'un en contrat à durée indéterminée, l'autre en contrat à durée déterminée, soit ceux-là même, en Avignon et à Metz, qui avaient été proposés à Mme E.... Par suite, il découle du caractère réel et sérieux des propositions de reclassement faites à Mme E... par la société Sinéquanone que celle-ci a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement de l'intéressée, tant avant qu'après son premier licenciement. Enfin, il n'est pas établi, ni même allégué par la requérante, que des emplois qui auraient pu lui correspondre auraient été vacants au sein de l'entreprise ou du groupe, la ministre du travail ayant, dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation de licenciement et afin de vérifier la réalité des efforts de reclassement interne, fait produire en mai 2018 le registre unique du personnel de la société Sinéquanone, à jour des derniers départs de salariés, qui a été communiqué à la requérante par courrier en date du 24 mai 2018, reçu par elle le 29 mai 2018 ; la seule circonstance que ce même registre n'a pas été produit à la date même de la décision contestée autorisant le licenciement de Mme E..., le 8 juin 2018, ne saurait, en l'absence de tout élément laissant supposer que la société Sinéquanone aurait procédé à des embauches dans les jours précédant cette décision, être regardée comme un manquement de l'employeur à ses obligations en matière de recherche de reclassement.
15. En dernier lieu, Mme E... soutient qu'un motif d'intérêt général s'oppose à son licenciement dès lors qu'elle serait la seule représentante de l'encadrement au sein du comité d'entreprise, qu'elle est trésorière de cette instance, qu'elle est représentante des salariés dans le cadre de la procédure collective et qu'elle est responsable de la section syndicale de la CGT et chargée, à ce titre, d'organiser l'implantation du syndicat dans l'entreprise. Toutefois, dès lors qu'elle n'a apporté, ni en première instance, ni en appel aucun élément de preuve à l'appui de ses allégations, et dès lors notamment qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision litigieuse le personnel de la société Sinéquanone n'était pas dépourvu de toute représentation, il ne ressort pas des pièces du dossier que la ministre du travail aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'aucun motif d'intérêt général ne s'opposait au licenciement de Mme E..., comme l'ont à bon droit estimé les premiers juges.
16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 31 mai 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
17. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais liés à l'instance ; dès lors, les conclusions présentées à ce titre par Mme E... doivent être rejetées.
18. Dans les circonstances de l'espèce, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la SELAFA MJA les frais liés à l'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la SELAFA MJA, tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E..., à la SELAFA MJA, prise en la personne de Me H..., mandataire judiciaire liquidateur de la société Sinéquanone, et à la ministre du travail.
Délibéré après l'audience du 22 juin 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président,
- M. B..., président assesseur,
- Mme Larsonnier, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juillet 2020.
Le président de la 8ème chambre,
J. LAPOUZADE
La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 19PA02467