Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2018, par lequel le préfet de police lui a refusé un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1814739/2-3 du 6 décembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 juillet 2018 du préfet de police.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 26 juin 2019 et la production de pièces complémentaires le 17 février 2020, M. A..., représenté par Me B..., a demandé à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1814739/2-3 du 6 décembre 2018 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision portant refus de titre de séjour ainsi que celle portant obligation de quitter le territoire français contenues dans l'arrêté du 26 juillet 2018 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
4°) d'enjoindre au préfet de police, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
- le Tribunal administratif de Paris a estimé à tort que son comportement constituait une menace grave à l'ordre public et n'a pas pris en considération son état de santé ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre ;
- cette décision méconnaît dispositions de l'article L. 511-4 10°du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 janvier 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête et soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 30 avril 2019.
Par une ordonnance du 20 décembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 janvier 2020, puis reportée au 17 février 2020 à 12h.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Mme C... a présenté son rapport au cours de l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... A..., né le 17 janvier 1977 selon ses déclarations en République de Guinée dont il revendique la nationalité, est entré en France le 23 décembre 2012, également selon ses déclarations. Il a sollicité son admission au séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 26 juillet 2018, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination pour son éloignement. M. A... relève appel du jugement du 6 décembre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable au litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre ".
3. Si M. A... soutient qu'il remplit les conditions pour bénéficier d'une carte de séjour en qualité de malade sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de police a considéré que la présence de l'intéressé constituait une menace pour l'ordre public faisant obstacle à la délivrance du titre de séjour sollicité.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., arrivé en décembre 2012, a été condamné à quatre reprises entre le 31 octobre 2013 et le 6 mai 2017 pour des faits de détention, usage, transport, offre ou cession non autorisée de produits stupéfiants. Les peines prononcées représentent une durée totale de 9 mois d'emprisonnement et de six mois d'emprisonnement avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve pendant deux ans. Eu égard à la gravité de ces faits commis en état de récidive sur une période de moins de quatre ans, le préfet de police a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, considérer que la présence de M. A... représente une menace pour l'ordre public de nature à faire obstacle à l'admission au séjour pour soins, en dépit de la circonstance que l'intéressé bénéficie d'un accompagnement social depuis novembre 2017 afin de favoriser sa réinsertion.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. Aux termes du 10°de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ".
6. Il est constant que la pathologie dont souffre M. A... nécessite une prise en charge dont l'interruption serait susceptible d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité. M. A... produit deux certificats médicaux certifiant qu'il n'existe en Guinée qu'un centre de dialyse surchargé à environ 300 km du lieu où il résiderait en cas de retour dans son pays. Ces certificats confirment ainsi l'avis du médecin-chef du service médical de la préfecture de police émis le 9 avril 2015 en ce qu'il relève qu'il n'existe pas de traitement approprié pour la prise en charge médicale de M. A... dans son pays d'origine. Enfin, le préfet de police déclare en appel s'en remettre à l'appréciation de la Cour s'agissant des conséquences d'une exceptionnelle gravité susceptibles de résulter du défaut de prise en charge médicale de l'intéressé en Guinée. Dans ces conditions, M. A... doit être regardé comme ne pouvant bénéficier de manière effective d'un traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine. Il suit de là que M. A... est fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions précitées de l'article L. 511-4 du code de justice administrative. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés à son encontre par M. A..., cette décision doit être annulée.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas (...) ". Le présent arrêt, par lequel la Cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français présentées par M. A..., implique nécessairement que le préfet de police statue à nouveau sur le droit au séjour de l'intéressé et, dans l'attente, lui délivre une autorisation provisoire de séjour en application des dispositions précitées. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de police de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
9. M. A... a été admis au bénéficie de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B..., avocate de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cet avocat de la somme de 1 500 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1814739/2-3 du 6 décembre 2018 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision du 26 juillet 2018 portant à son encontre obligation de quitter le territoire français, ainsi que cette décision, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me B..., avocate de M. A..., la somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, sous réserve pour cet avocat de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., au préfet de police, au ministre de l'intérieur et à Me B....
Délibéré après l'audience du 30 juin 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Hamon, président,
- Mme C..., premier conseiller,
- Mme Oriol, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 juillet 2020.
Le rapporteur,
A. C...Le président,
P. HAMON
Le greffier,
C. MONGISLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19PA02050 2