La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/07/2020 | FRANCE | N°19PA00065

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 10 juillet 2020, 19PA00065


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 9 mai 2018 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 1807890/1-2 du 3 juillet 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour

:

Par une requête enregistrée le 7 janvier 2019, M. A..., représenté par Me B..., demande ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 9 mai 2018 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 1807890/1-2 du 3 juillet 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 7 janvier 2019, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1807890/1-2 du 3 juillet 2018 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 mai 2018 du préfet des Hauts-de-Seine portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans l'attente de ce réexamen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision contestée est insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne mentionne pas en particulier son état de santé ;

- la décision contestée méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que, contrairement à ce que le premier juge a retenu, il justifiait d'une résidence habituelle en France ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle, son état de santé qui nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité étant incompatible avec un éloignement du territoire français ;

S'agissant de la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

- la décision contestée est insuffisamment motivée dès lors qu'elle se limite à faire état du caractère irrégulier de sa situation ;

- la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est disproportionnée au regard du but poursuivi dès lors qu'il n'a fait l'objet d'aucune précédente mesure d'éloignement et que le risque de fuite ne saurait être établi, eu égard à son état de santé nécessitant un suivi médical régulier ;

S'agissant de la décision prononçant une interdiction de retour du territoire français :

- la décision prononçant l'interdiction de retour sur le territoire français doit être annulée par voie d'exception de l'illégalité de la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifiait de circonstances humanitaires eu égard à son état de santé.

Par un mémoire en défense présenté le 17 décembre 2019, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une décision du 6 novembre 2018, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

M. D... a présenté son rapport au cours de l'audience.

Considérant ce qui suit :

Sur les moyens communs aux décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

1. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée (...) ".

2. La décision contestée vise les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment les articles L. 511-4 et L. 511-1 II de ce code. Elle indique également, en particulier, que M. A... est entré irrégulièrement en France en mai 2014 selon ses déclarations et qu'il n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour. De même, elle mentionne que compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale et qu'il ressort de l'examen d'ensemble de sa situation qu'il n'existe pas d'obstacle à ce que le requérant soit obligé de quitter le territoire français. Par ailleurs, le préfet n'est pas tenu de reprendre l'ensemble des éléments de la situation personnelle de M. A.... En outre, s'agissant spécifiquement de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire, le préfet des Hauts-de-Seine a précisé qu'il existait un risque que M. A... se soustrait à l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre dès lors qu'il ne pouvait justifier être entré régulièrement en France et qu'il n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Si M. A... soutient qu'alors qu'il a informé l'autorité administrative, lors de son interpellation, que son état de santé s'opposait à sa reconduite, l'arrêté attaqué n'est pas motivé sur ce point. Toutefois, il n'établit pas avoir porté cette information à la connaissance des services de la préfecture avant que n'intervienne l'arrêté attaqué, en particulier, si M. A... se prévaut d'un certificat médical en date du 12 juin 2018, celui-ci est, en tout état de cause, postérieur à l'arrêté attaqué. L'arrêté comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui fondent la décision portant obligation de quitter le territoire français et celle refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire, et doit être regardé comme suffisamment motivé. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation desdites décisions doit être écarté comme manquant en fait.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".

4. M. A... fait valoir que le premier juge a retenu à tort le défaut de résidence habituelle en France pour écarter la violation de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Sans qu'il soit besoin d'examiner si la situation de M. A... répondait à cette condition, et si la convocation médicale à une élastographie ultrasonore produit par l'intéressé tend à caractériser que M. A... souffre bien d'une hépatite B, il ne ressort toutefois pas des éléments du dossier que le requérant ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié et effectif dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sera écarté.

5. Pour les motifs exposés au point 4, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle sera écarté.

S'agissant de la décision refusant d'octroyer un délai de départ volontaire :

6. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) ".

7. En l'espèce, si M. A... soutient que le risque de soustraction à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ne saurait être caractérisé dès lors qu'il n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et que son état de santé nécessite un suivi hospitalier régulier, il ressort des pièces du dossier que M. A... ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et qu'il n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire méconnaît les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni qu'elle est disproportionnée au regard du but poursuivi.

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

8. Aux termes de l'article III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'aile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".

9. En premier lieu, pour les motifs exposés ci-dessus, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus d'octroi d'un délai de départ volontaire n'étant entachées d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de ces décisions, invoqué au soutien des conclusions en annulation dirigées contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français doit être écarté.

10. En deuxième lieu, la décision qui fixe à un an la durée de l'interdiction de retour prise à l'encontre de M. A... vise les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort également des termes de cette décision que le préfet des Hauts-de-Seine a pris en compte, au vu de la situation de M. A..., l'ensemble des critères prévus au huitième alinéa du III de l'article L. 511-1 précité en considérant que M. A... ne pouvait être regardé comme se prévalant de liens personnels et familiaux en France suffisamment anciens, intenses et stables dès lors qu'il a vécu jusqu'à 39 ans dans son pays d'origine et que sa décision ne portait pas une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de l'intéressé, l'épouse de M. A... résidant en Côte d'Ivoire. Le préfet des Hauts-de-Seine a ainsi rappelé les dispositions applicables à la situation de M. A... et exposé les circonstances de fait qu'il a retenues pour prononcer son interdiction de retour. Par ailleurs, le préfet n'est pas tenu d'indiquer les raisons pour lesquelles aucune circonstance humanitaire ne ressortait de la situation de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

11. En troisième lieu, et à supposer établie la circonstance que M. A... souffre d'une pathologie nécessitant une prise en charge médicale dont le défaut aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il ne ressort pas des pièces du dossier, comme énoncé au point 4 du présent arrêt, que M. A... ne pourrait pas bénéficier d'un traitement effectif et approprié dans son pays d'origine. Dans ces conditions, les éléments invoqués par M. A... ne sont pas de nature à constituer des circonstances humanitaires au sens des dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

12. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande et ses conclusion aux fins d'annulation, ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine .

Délibéré après l'audience du 8 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- M. D..., président-rapporteur,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme Larsonnier, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2020.

Le président de la formation de jugement,

J. D...

La République mande et ordonne ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 19PA00065


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00065
Date de la décision : 10/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jacques LAPOUZADE
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : BREVAN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-07-10;19pa00065 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award