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10/07/2020 | FRANCE | N°17PA03124

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 10 juillet 2020, 17PA03124


Vu la procédure suivante :

Procédure devant la Cour :

Par un arrêt avant-dire-droit du 14 février 2019, la Cour a, avant de statuer sur la requête de l'association FMC Radio, estimé qu'il convenait d'ordonner un supplément d'instruction aux fins pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), dans un délai de trois mois à compter de la notification de cet arrêt, de produire tous éléments, autres que la fiche de synthèse du 13 février 2017 établie de manière théorique à partir de simulations informatiques de propagation des ondes électromagnétiques déjà ve

rsée au dossier, établissant que l'émission du service radio Evasion Oise depuis l...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la Cour :

Par un arrêt avant-dire-droit du 14 février 2019, la Cour a, avant de statuer sur la requête de l'association FMC Radio, estimé qu'il convenait d'ordonner un supplément d'instruction aux fins pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), dans un délai de trois mois à compter de la notification de cet arrêt, de produire tous éléments, autres que la fiche de synthèse du 13 février 2017 établie de manière théorique à partir de simulations informatiques de propagation des ondes électromagnétiques déjà versée au dossier, établissant que l'émission du service radio Evasion Oise depuis le site de Villers-Saint-Paul (Oise) créerait un brouillage de la réception du service de radio Mangembo FM émis depuis le site de Melun situé à une centaine de kilomètres.

Par un mémoire, enregistré le 15 mai 2019, A... maintient ses conclusions tendant au rejet de la requête de l'association FMC Radio.

Il soutient que :

- les mesures effectuées sur le terrain par les techniciens du CSA dans le cadre de la mesure d'instruction sollicitée par la Cour ont confirmé l'étude théorique initiale ; sur les dix points contrôlés, les mesures des points situés à Pouilly-le-Fort et Aubigny démontrent le brouillage du service de radio Mangembo FM provenant du service Evasion Oise à partir de l'émetteur situé à Villers-Saint-Paul (Oise) ;

- en se fondant sur les données techniques de l'autorisation de la radio Evasion Oise et de celles du site de Villers-Saint-Paul (Oise), la simulation théorique de la baisse de la puissance apparente rayonnée de la radio Evasion Oise permettrait de supprimer le brouillage mais conduirait à une diminution notable de la population couverte par l'émetteur situé à Villers-Saint-Paul.

Par un mémoire, enregistré le 11 juillet 2019, l'association FMC Radio, représentée par Me B..., persiste dans ses conclusions et demande en outre à la Cour, à titre subsidiaire, de l'autoriser à émettre son programme radiophonique Evasion Oise sur le site de Villers-Saint-Paul (Oise) avec une modification de sa puissance apparente rayonnée dans le secteur 160°/190°.

Elle soutient, en outre, que :

- le résultat des mesures communiqué par A... n'est pas fiable pour justifier du brouillage en cause dès lors que le service de radio Mangembo FM est diffusé à partir d'un matériel vétuste et défectueux, et que deux points de mesure ont été rajoutés par A... en méconnaissance du protocole du 14 mars 2019 et sans qu'elle en soit préalablement informée ; ces deux points sont les seuls à révéler un brouillage du signal de la radio Mangembo FM ; deux autres radios émettent sur une fréquence identique à celle qui est en cause et sont également à même de brouiller le service de radio Mangembo FM ;

- l'existence d'un seul résultat négatif n'est pas suffisante pour caractériser une situation généralisée de brouillage ; cette position du CSA n'est pas celle énoncée par la recommandation de l'Union internationale des télécommunications RBS.412-9 ;

- eu égard à la présence de deux autres radios susceptibles de brouiller le signal de la radio Mangembo FM, A... aurait dû procéder à de nouvelles vérifications sur la base des méthodes d'évaluation spécifiques prescrites par la norme fixée par la recommandation de l'Union internationale des télécommunications RBS.412-9 ;

- A... n'a pas transmis à la Cour l'ensemble des résultats des mesures réalisées ; compte tenu du caractère non contradictoire des mesures réalisées aux deux points supplémentaires, les résultats obtenus ne lui sont pas opposables et A... ne saurait s'en prévaloir dans la présente instance ;

- si la situation de brouillage est retenue par la Cour, il appartient au CSA de prendre des mesures alternatives à la suppression de la diffusion du service de radio Evasion Oise qui ne conduisent pas à une diminution notable de son audience, conformément à la recommandation de l'Union internationale des télécommunications RBS.412-9.

Par un mémoire, enregistré le 9 octobre 2019, A... maintient ses conclusions tendant au rejet de la requête de l'association FMC Radio.

Il soutient en outre que :

- la modification du protocole répondait aux nécessités du terrain afin d'éviter toute fragilité dans les calculs et l'ajout de deux points de mesures supplémentaires répondait à la nécessité de pallier l'incertitude émanant des résultats obtenus avec les points de mesure 1 et 2 ;

- la puissance des signaux en provenance des services R2M La Radio Plus et Oxygène la radio de la Seine-et-Marne était atténuée par l'antenne directive et, en tout état de cause, le brouillage causé par ces radios est, en l'espèce, sans incidence au regard des caractéristiques des signaux émis fixées par leurs autorisations ;

- la recommandation de l'Union internationale des télécommunications RBS.412-9 prévoit que si le rapport de protection évalué à 45 décibels est méconnu dans un point donné de la zone de couverture d'un service, le brouillage est alors caractérisé ; en l'espèce, il est caractérisé en deux points de la zone de couverture de la radio Mangembo FM ;

- il appartient à la requérante, si elle l'estime utile, de le saisir d'une nouvelle demande de changement de site.

Par des mémoires, enregistrés les 11 octobre 2019 et 6 février 2020, l'association FMC Radio maintient ses conclusions et ses moyens.

Elle soutient en outre que A... admet que le protocole a dû être adapté aux conditions d'émission hors autorisation du service de radio Magembo FM.

Par un mémoire, enregistré le 18 octobre 2019, A... persiste dans ses conclusions et ses moyens.

Il soutient en outre que :

- si les points n° 10 et n° 11 ont été choisi en lieu et place des points n° 1 et n° 2 qui n'appartenaient pas à la zone de desserte " réelle " de la radio Magembo FM, ils se trouvaient également dans la zone de desserte théorique ;

- tant les études théoriques que les études de terrain attestent de l'existence d'un brouillage du service Evasion Oise sur le service Magembo FM.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- et les observations de Me D... substituant Me B... pour l'association FMC Radio.

Considérant ce qui suit :

1. L'association FMC Radio, qui dispose d'une autorisation pour l'exploitation d'un service de radio par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence dénommé Evasion Oise depuis une décision du 24 juillet 2007 reconduite par des décisions du 8 février 2012 et 18 janvier 2017, a sollicité du comité territorial de l'audiovisuel de Paris l'autorisation de changer de site d'émission dans la zone de Creil. Sa demande a été rejetée par une décision du 29 mars 2017. Par une décision du 12 juillet 2017, notifiée par un courrier en date du 25 juillet 2017, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a rejeté le recours administratif préalable obligatoire qu'elle a formé le 22 mai 2017 contre cette décision. Par la présente requête, l'association FMC Radio doit être regardée comme demandant l'annulation, pour excès de pouvoir, de la décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) du 12 juillet 2017.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du CSA du 12 juillet 2017 :

2. L'article 22 de la loi du 30 septembre 1986 dispose que : " Le Conseil supérieur de l'audiovisuel autorise, dans le respect des traités et accords internationaux signés par la France, l'usage des bandes de fréquences ou des fréquences attribuées ou assignées à des usages de radiodiffusion. Il contrôle leur utilisation. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel et l'Agence nationale des fréquences prennent les mesures nécessaires pour assurer une bonne réception des signaux et concluent entre eux à cet effet les conventions nécessaires. ". Aux termes de l'article 25 de la même loi : " L'usage de la ressource radioélectrique pour la diffusion de services de communication audiovisuelle par voie hertzienne terrestre est subordonné au respect des conditions techniques définies par le Conseil supérieur de l'audiovisuel et concernant notamment : 1° Les caractéristiques des signaux émis et des équipements de transmission et de diffusion utilisés ; 1° bis Les conditions techniques du multiplexage et les caractéristiques des équipements utilisés ; 2° Le lieu d'émission ; 3° La limite supérieure et, le cas échéant, inférieure de puissance apparente rayonnée. En zone de montagne, il est tenu compte des contraintes géographiques pour appréhender la limite supérieure de la puissance apparente rayonnée ; 4° La protection contre les interférences possibles avec l'usage des autres techniques de télécommunications. (...) Le conseil peut soumettre l'utilisateur d'un site d'émission à des obligations particulières, en fonction notamment de la rareté des sites d'émission dans une région. (...) ".

3. Il résulte des dispositions précitées que A... définit les conditions techniques, en particulier celles tenant au lieu d'émission, à la limite supérieure de la puissance apparente rayonnée et à la protection contre les interférences possibles avec l'usage des autres techniques de télécommunications, dans lesquelles le service de radio Evasion Oise peut être diffusé.

4. Il ressort des pièces du dossier que A... a rejeté la demande de changement de site d'émission dans la zone de Creil (Oise) de l'association FMC Radio au motif que l'émission de son programme radiophonique Evasion Oise depuis le site de Villers-Saint-Paul, situé à quelques kilomètres plus au nord de l'ancien site d'émission de Saint-Maximin, entraînait des perturbations dans la réception du service de radio Mangembo FM situé à Melun (Seine-et-Marne). Dans le cadre de la mesure d'instruction diligentée par la Cour, A... a adressé à l'association FMC Radio un protocole de mesures qui fixait neuf points de mesures de réception des services de radio Mangembo FM et Evasion Oise dans neuf communes situées au nord de Melun. Il est constant qu'avant de procéder à ces mesures, les agents du CSA ont constaté sur le site d'émission de la radio Mangembo FM situé à Melun que les éléments constitutifs de son antenne émettrice ainsi que son orientation n'étaient pas conformes aux caractéristiques techniques de l'autorisation d'émettre accordée par A... mais qu'il n'était matériellement pas possible de corriger ces éléments. Prenant en considération les conditions réelles d'émission du service de radio Mangembo FM et afin d'obtenir " des niveaux de champ du signal utile de Mangembo FM supérieurs à 60 dBµV/m ", A... a décidé de substituer aux points de mesures n°s 1 et 2 du protocole de mesures qui n'appartenaient pas à la zone de desserte réelle de la radio Magembo FM deux nouveaux points de mesures n°s 10 et 11. Il ressort des résultats de l'étude technique que ces points de mesures n°s 10 et 11 révèlent un brouillage du service de radio Mangembo FM par l'émission du service Evasion Oise. Toutefois, si ces deux points de mesure sont situés dans la zone de couverture réelle du service Mangembo FM, A... n'établit pas, par la production d'un tableau comportant des résultats de mesures théoriques et " perturbateurs " et alors que ses écritures sont contradictoires sur ce point, qu'ils seraient également situés dans la zone de couverture théorique d'émission de la radio Mangembo FM telle que définie par son autorisation d'émettre et que, dès lors, le brouillage ainsi relevé ne résulterait pas des conditions techniques d'émission du service Mangembo FM non conformes à son autorisation. Dans ces conditions, et alors au demeurant qu'aucune plainte relative à une interférence entre les deux services de radios n'a été déposée, l'association requérante est fondée à soutenir que A... a commis une erreur d'appréciation en estimant que la diffusion de son service radiophonique Evasion Oise à partir de l'émetteur situé au camping de la Garenne à Villers-Saint-Paul provoquait des perturbations dans la réception du service de radio Mangembo FM.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que l'association FMC Radio est fondée à demander l'annulation de la décision du CSA du 12 juillet 2017.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Le présent arrêt implique nécessairement, eu égard à ses motifs, le réexamen de la demande de l'association FMC Radio sollicitant l'autorisation d'émettre le service de radio Evasion Oise depuis le site situé à Villers-Saint-Paul (Oise). Il y a lieu pour la Cour d'enjoindre au CSA de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge du CSA sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative le versement à l'association FMC Radio d'une somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel du 12 juillet 2017 est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au Conseil supérieur de l'audiovisuel de procéder au réexamen de la demande de l'association FMC Radio dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le Conseil supérieur de l'audiovisuel versera à l'association FMC Radio une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association FMC Radio et au Conseil supérieur de l'audiovisuel.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Luben, président,

- Mme Collet, premier conseiller,

- Mme C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2020.

Le président de la formation de jugement,

I. LUBEN

La République mande et ordonne au ministre de la culture en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 17PA03124 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA03124
Date de la décision : 10/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

56-04-01-02 Radio et télévision. Services privés de radio et de télévision. Services de radio. Conditions de programmation et de diffusion.


Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : ASSOCIATION TOISON et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-07-10;17pa03124 ?
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