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10/07/2020 | FRANCE | N°15PA01710,15PA02443

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 10 juillet 2020, 15PA01710,15PA02443


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... F... et M. D... B... ont demandé au tribunal administratif de Melun de condamner conjointement l'Assistance publique - hôpitaux de Paris et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser une somme de 857 516,58 euros à Mme F... et une somme de 275 324,00 euros à M. B..., en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis des suites de la greffe rein-pancréas de Mme F... au centre hospitalier universitaire d

u Kremlin-Bicêtre.

Par un jugement n° 1303411/1 du 5 mars 2015, le trib...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... F... et M. D... B... ont demandé au tribunal administratif de Melun de condamner conjointement l'Assistance publique - hôpitaux de Paris et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser une somme de 857 516,58 euros à Mme F... et une somme de 275 324,00 euros à M. B..., en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis des suites de la greffe rein-pancréas de Mme F... au centre hospitalier universitaire du Kremlin-Bicêtre.

Par un jugement n° 1303411/1 du 5 mars 2015, le tribunal administratif de Melun a condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à verser, d'une part, à Mme F... la somme de 774 231,08 euros, d'autre part, à M. B... la somme de 10 000 euros, a mis à la charge définitive de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 2 000 euros, et a rejeté les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados et le surplus des conclusions des requérants.

Procédure devant la Cour :

I°/ Par une requête, enregistrée le 27 avril 2015 sous le n° 15PA01710, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1303411/1 du 5 mars 2015 du tribunal administratif de Melun ;

2°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise contradictoire (la première ne l'ayant pas été) qui pourrait porter sur les points suivants : préciser le mécanisme de la dysfonction pancréatique ; déterminer les causes du syndrome inflammatoire non résolutif en post opératoire ; déterminer l'état de santé présenté par Mme F... avant la greffe et particulièrement l'incidence de sa neuropathie diabétique (végétative, digestive ou autre), et quelles étaient les lésions d'artérite oblitérante des membres inférieurs ; préciser quelle aurait été l'évolution de son état de santé en l'absence de greffe ; préciser quelles sont les complications prévisibles de la double greffe et leur taux de survenue ; préciser la probabilité de survenance du dommage dans le cas particulier de Mme F... ;

3°) à titre subsidiaire, si la Cour retenait la survenue d'une infection nosocomiale, compte tenu, d'une part, de la circonstance que le jugement attaqué a précisé " qu'il appartiendra à l'ONIAM, s'il le juge nécessaire, de rechercher la responsabilité de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris dans le cadre de son action récursoire prévue au deuxième alinéa de l'article L. 1142-21 du code de la santé publique, dès lors qu'une indemnité aura été mise à sa charge par la présente instance " et, d'autre part, du fait que le rapport d'expertise ne donne de précision ni sur la surveillance du taux d'antibiotique qui a pu être la cause de l'atteinte auditive diagnostiquée le 28 mai 2010 chez Mme F..., ni sur la prise en charge des complications survenues au regard du diabète dont celle-ci était atteinte dans la genèse d'un certain nombre de complications post-opératoires qui sont survenues, il serait opportun d'ordonner une expertise portant en particulier sur les mesures d'antibiothérapie mises en place et la prise en charge des complications survenues au regard du diabète dont Mme F... était atteinte, afin de déterminer si les soins prodigués ont été consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science ;

4°) à titre subsidiaire, c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que les dispositions de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique ne faisaient pas obstacle à ce que les victimes indirectes soient également indemnisées au titre de la solidarité nationale et a indemnisé les préjudices subis par M. B....

Par un arrêt avant-dire-droit du 7 novembre 2016, la Cour, d'une part, a décidé qu'il sera procédé, avant de statuer sur les conclusions présentées par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, par Mme F... et par M. B..., à une expertise médicale en vue d'éclairer la Cour sur les différentes étapes du processus biologique, depuis l'intervention de transplantation, ayant conduit à la perte du greffon pancréatique, la mission de l'expert étant définie, d'autre part, a rejeté les conclusions de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales tendant, d'une part, à ce que la Cour dise que l'Office bénéficie d'un recours récursoire à l'encontre de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, et, d'autre part, à ce que la Cour ordonne une expertise portant en particulier sur les mesures d'antibiothérapie mises en place et la prise en charge des complications survenues au regard du diabète dont Mme F... était atteinte, a réservé jusqu'en fin d'instance tous droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'était pas statué par cet arrêt, et enfin a mis en demeure les ayants droit de Mme F... d'indiquer à la Cour s'ils entendaient reprendre l'instance.

Par un mémoire, enregistré le 23 décembre 2016, M. B..., représenté par Me C..., indique qu'il a contracté mariage avec Mme F... le 27 juin 2015, qu'un notaire a reçu le 23 juillet 2015 l'acte de donation entre époux aux termes duquel il est le seul héritier de Mme F..., laquelle est décédée le 19 octobre 2016, et qu'il reprend à son propre compte, en sa qualité de seul ayant droit de Mme F..., l'intégralité des conclusions et moyens qui avaient été précédemment développés devant la Cour.

Par un mémoire de production, enregistré le 3 février 2017, M. B..., représenté par Me C..., a produit l'acte de notoriété établi le 18 janvier 2017 après le décès de Mme F..., l'acte de décès de celle-ci ainsi que son acte de mariage, l'acte de donation entre époux et la consultation du fichier central de dispositions de dernières volontés.

Le rapport de l'expertise diligentée par l'arrêt avant-dire-droit du 7 novembre 2016 a été enregistré le 16 avril 2020.

Par deux mémoires, enregistrés le 26 mai 2020 et le 3 juin 2020, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me A..., conclut aux mêmes fins que sa requête.

Par un mémoire, enregistré le 27 mai 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour de rectifier pour erreur matérielle l'arrêt avant-dire-droit du 7 novembre 2016 en ce que, d'une part, l'Assistance publique - hôpitaux de Paris et la caisse primaire d'assurance maladie n'ont pas été mentionnées sur la page de garde de cet arrêt et, d'autre part, il convient de faire mention de la caisse primaire d'assurance maladie de la Manche, et non de celle du Calvados.

Par un mémoire en appel incident, enregistré le 27 mai 2020, et un nouveau mémoire, enregistré le 3 juin 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1303411/1 du 5 mars 2015 du tribunal administratif de Melun en tant que ce jugement n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions indemnitaires ;

2°) de condamner solidairement le centre hospitalier universitaire de Bicêtre, relevant de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, ou subsidiairement, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ou l'Assistance publique - hôpitaux de Paris au paiement des indemnités suivantes :

* Au titre des préjudices subis par Mme F... :

- Frais médicaux restés à charge 161,95 euros

- DFT pour la période du 25 mai 2010 au 22 février 2011 6 210,00 euros

- DFT pour la période du 23 février 2011 au 10 septembre 2011 2 990,00 euros

- IPP : 32% sur la base de 3500 € du point 115 500 euros

- Frais d'aménagement de la maison d'habitation 14 059,69 euros

- Appareillage acoustique 2 800 euros

- Chaussons 385,10 euros

- Perte de revenus de Mme F... 52 722,33 euros

- Frais de déplacements 7 316 euros

- Préjudice de souffrance : 5/7 18 000 euros

- Préjudice esthétique (temporaire et permanent) 15 000 euros

- Préjudice d'agrément 40 000 euros

- Préjudice moral 100 000 euros

- Préjudice sexuel 40 000 euros

* Au titre des préjudices subis par M. B... :

- Préjudice moral 100 000 euros

- Préjudice sexuel 40 000 euros

- Perte de revenus sur la base de 7 000 euros / an 35 000 euros

3°) de mettre à la charge solidaire de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, ou l'un d'eux, le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de condamner solidairement l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et l'Assistance publique - hôpitaux de Paris ou l'un d'eux au paiement des entiers dépens, dont les frais d'expertise.

II°/ Par une requête, enregistrée le 4 mai 2015 sous le n° 15PA02443, Mme E... F... et M. D... B..., représentés par Me C..., demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1303411/1 du 5 mars 2015 du tribunal administratif de Melun en tant que ce jugement n'a pas fait droit à l'intégralité de leurs conclusions indemnitaires ;

2°) de condamner solidairement le centre hospitalier universitaire de Bicêtre et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à leur verser la somme totale de 1 071 611,56 euros au titre des préjudices qu'ils ont subis ;

3°) de mettre à la charge solidaire du centre hospitalier universitaire de Bicêtre et de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales le paiement des frais d'expertise judiciaire ;

4°) de mettre à la charge solidaire du centre hospitalier universitaire de Bicêtre et de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales le versement de la somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un arrêt avant-dire-droit du 7 novembre 2016, la Cour, d'une part, a décidé qu'il sera procédé, avant de statuer sur les conclusions présentées par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, par Mme F... et par M. B..., à une expertise médicale en vue d'éclairer la Cour sur les différentes étapes du processus biologique, depuis l'intervention de transplantation, ayant conduit à la perte du greffon pancréatique, la mission de l'expert étant définie, d'autre part, a rejeté les conclusions de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales tendant, d'une part, à ce que la Cour dise que l'Office bénéficie d'un recours récursoire à l'encontre de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, et, d'autre part, à ce que la Cour ordonne une expertise portant en particulier sur les mesures d'antibiothérapie mises en place et la prise en charge des complications survenues au regard du diabète dont Mme F... était atteinte, a réservé jusqu'en fin d'instance tous droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'était pas statué par cet arrêt, et enfin a mis en demeure les ayants droit de Mme F... d'indiquer à la Cour s'ils entendaient reprendre l'instance.

Par un mémoire, enregistré le 23 décembre 2016, M. B..., représenté par Me C..., indique qu'il a contracté mariage avec Mme F... le 27 juin 2015, qu'un notaire a reçu le 23 juillet 2015 l'acte de donation entre époux aux termes duquel il est le seul héritier de Mme F..., laquelle est décédée le 19 octobre 2016, et qu'il reprend à son propre compte, en sa qualité de seul ayant droit de Mme F..., l'intégralité des conclusions et moyens qui avaient été précédemment développés devant la Cour.

Le rapport de l'expertise diligentée par l'arrêt avant-dire-droit du 7 novembre 2016 a été enregistré le 16 avril 2020.

Par un mémoire, enregistré le 26 mai 2020, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me A..., conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens.

Par un mémoire, enregistré le 27 mai 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour de rectifier pour erreur matérielle l'arrêt avant-dire-droit du 7 novembre 2016 en ce que, d'une part, l'Assistance publique - hôpitaux de Paris et la caisse primaire d'assurance maladie n'ont pas été mentionnées sur la page de garde de cet arrêt et, d'autre part, il convient de faire mention de la caisse primaire d'assurance maladie de la Manche, et non de celle du Calvados.

Par un mémoire, enregistré le 27 mai 2020, et un nouveau mémoire, enregistré le 3 juin 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1303411/1 du 5 mars 2015 du tribunal administratif de Melun en tant que ce jugement n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions indemnitaires ;

2°) de condamner solidairement le centre hospitalier universitaire de Bicêtre, relevant de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, ou subsidiairement l'Assistance publique - hôpitaux de Paris au paiement des indemnités suivantes :

* Au titre des préjudices subis par Mme F... :

- Frais médicaux restés à charge 161,95 euros

- DFT pour la période du 25 mai 2010 au 22 février 2011 6 210,00 euros

- DFT pour la période du 23 février 2011 au 10 septembre 2011 2 990,00 euros

- IPP : 32% sur la base de 3500 € du point 115 500 euros

- Frais d'aménagement de la maison d'habitation 14 059,69 euros

- Appareillage acoustique 2 800 euros

- Chaussons 385,10 euros

- Perte de revenus de Mme F... 52 722,33 euros

- Frais de déplacements 7 316 euros

- Préjudice de souffrance : 5/7 18 000 euros

- Préjudice esthétique (temporaire et permanent) 15 000 euros

- Préjudice d'agrément 40 000 euros

- Préjudice moral 100 000 euros

- Préjudice sexuel 40 000 euros

* Au titre des préjudices subis par M. B... :

- Préjudice moral 100 000 euros

- Préjudice sexuel 40 000 euros

- Perte de revenus sur la base de 7 000 euros / an 35 000 euros.

3°) de mettre à la charge solidaire de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, ou l'un d'eux, le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de condamner solidairement l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et l'Assistance publique - hôpitaux de Paris ou l'un d'eux au paiement des entiers dépens, dont les frais d'expertise.

Par un mémoire, enregistré le 3 juin 2020, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me A..., soutient que Mme F... étant décédée le 19 octobre 2016, l'ayant droit de la victime est seulement fondé à réclamer l'indemnisation du préjudice subi par celle-ci pour la période écoulée jusqu'à son décès. Ainsi, les postes de préjudices patrimoniaux post consolidation (perte de gains professionnels futurs ou l'assistance par tierce personne) ne pourront être indemnisés sur une base viagère dès lors que la victime est d'ores et déjà décédée au moment où le juge statue ; de même en est-il s'agissant des postes de préjudice extrapatrimoniaux (déficit fonctionnel permanent, préjudice esthétique, d'agrément) dont l'évaluation doit être appréciée en fonction du temps écoulé entre la date de l'accident et celle de son décès. Les demandes indemnitaires seront nécessairement réduites en ce sens et en fonction du temps écoulé entre la date de consolidation le 10 septembre 2011 et le 19 octobre 2016.

Par une ordonnance du 4 juin 2020, le président de la Cour a taxé et liquidés les frais d'expertise à la somme de 2 500 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Luben, rapporteur,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., avocat de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et de Mme F... et M. B..., respectivement enregistrées sous les numéros 15PA01710 et 15PA02443, sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; il y a ainsi lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions aux fins de rectification d'une erreur matérielle :

2. Aux termes de l'article R. 833-1 du code de justice administrative : " Lorsqu'une décision d'une cour administrative d'appel ou du Conseil d'Etat est entachée d'une erreur matérielle susceptible d'avoir exercé une influence sur le jugement de l'affaire, la partie intéressée peut introduire devant la juridiction qui a rendu la décision un recours en rectification. / Ce recours doit être présenté dans les mêmes formes que celles dans lesquelles devait être introduite la requête initiale. Il doit être introduit dans un délai de deux mois qui court du jour de la notification ou de la signification de la décision dont la rectification est demandée. (...) ".

3. Les conclusions susvisées en rectification d'erreur matérielle ont été présentés pour M. B... par un mémoire enregistré le 27 mai 2020, soit postérieurement au délai de deux mois qui courrait à compter de la notification de l'arrêt avant-dire-droit du 7 novembre 2016. Par suite, ces conclusions ne sont pas recevables.

4. Au surplus, d'une part, la circonstance que l'en-tête de la page de garde de cet arrêt avant-dire-droit du 7 novembre 2016 ne fasse pas mention de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris et de la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados est sans incidence sur leur qualité de parties à cette instance. D'autre part, la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados, par un mémoire de première instance enregistré le 21 janvier 2015, a conclu au remboursement de ses débours, dont elle a produit en pièce jointe un relevé, daté du 14 janvier, qui fait état des hospitalisations de Mme F... à l'hôpital Bicêtre dans le Val-de-Marne, à l'hôpital Marie Lannelongue dans les Hauts-de-Seine, au centre hospitalier du Mémorial à Saint-Lô, dans la Manche, et au centre hospitalier de la Côte de Nacre à Caen, dans le Calvados ; par suite, la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados était partie à l'instance et sa mention ne relève pas d'une erreur matérielle.

Sur la requête n° 15PA01710 :

5. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. / II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. " ; aux termes de l'article L. 1142-1-1 du même code : " Sans préjudice des dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : / 1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales ; (...) " ; aux termes de l'article D. 1142-1 du même code : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. / Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %. (...) " ; aux termes de l'article L. 1142-21 du même code : " I. - Lorsque la juridiction compétente, saisie d'une demande d'indemnisation des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins dans un établissement de santé, estime que les dommages subis sont indemnisables au titre du II de l'article L. 1142-1 ou au titre de l'article L. 1142-1-1, l'office est appelé en la cause s'il ne l'avait pas été initialement. Il devient défendeur en la procédure. (...) ".

6. Il résulte de l'instruction, et notamment des deux rapports d'expertise médicale et des autres pièces médicales du dossier, que Mme F..., née le 29 novembre 1979, souffrait d'un diabète insulinodépendant (Mody type 5), diagnostiqué en 1999, avec des complications rénale, neurologique, vasculaire et ophtalmologique. Elle avait une vessie neurologique avec sténose de l'urètre, associée à des infections urinaires à répétition. Elle présentait également une atteinte cardiovasculaire (des épisodes d'extrasystolie ventriculaire) avec une hypertension artérielle difficile à équilibrer, compliquée d'encéphalopathies hypertensives. La néphropathie diabétique dont elle était atteinte a conduit à une insuffisance rénale terminale nécessitant qu'elle soit dialysée depuis septembre 2008 (hémodialyse étendue de septembre 2008 à mars 2009, puis, en raison de grosses difficultés d'abord vasculaire, dialyse péritonéale de mars 2009 à avril 2010), qui justifiait ainsi l'indication de double transplantation combinée rein-pancréas qui lui a été proposée, la double greffe du rein et du pancréas étant de nature à augmenter significativement la survie à dix ans des patients diabétiques par rapport à une greffe du seul rein. Le 25 avril 2010, Mme F... a été opérée pour une transplantation rein-pancréas au centre hospitalier universitaire de Bicêtre. L'évolution postopératoire, si elle a été est favorable en ce qui concerne le pancréas, avec une reprise de fonction précoce dès le per-opératoire, n'a toutefois pas vu le rein reprendre sa fonction, Mme F... étant anurique, ce qui nécessité la reprise de la dialyse. Le 3 mai, un syndrome infectieux est survenu, avec des hémocultures positives au staphylocoque doré méti-sensible. Malgré l'instauration d'une antibiothérapie adaptée, ce syndrome inflammatoire en rapport avec un foyer septique en regard du greffon pancréatique a persisté, de sorte qu'eu égard à l'existence de collections au contact du pancréas et du duodénum et à l'état septique de Mme F..., il a été nécessaire de procéder à la détransplantation pancréatique lors d'une réintervention chirurgicale le 11 mai. La persistance du syndrome septique a conduit à la réalisation d'un nouveau scanner le 19 mai, qui a montré des collections situées en regard du greffon rénal ; il a alors été procédé, le 20 mai, à une deuxième réintervention chirurgicale, au cours de laquelle il a été observé un rein ischémique avec abcès périrénal ; eu égard à ces constatations et au fait que le greffon rénal ne fonctionnait pas, sa détransplantation a alors été réalisée. Le 26 mai 2010, à la suite de la réalisation d'un scanner qui a mis en évidence de multiples collections intra, rétropéritonéales et pariétales, Mme F... a été à nouveau opérée pour un drainage et la pose d'un pansement de Mickulicz. A la fin de son hospitalisation dans le service de réanimation chirurgicale, Mme F... a présenté une hypoacousie. Mme F... a été à nouveau hospitalisée dans le service de néphrologie du 9 juin au 16 juillet 2010 où une opération chirurgicale a été réalisée le 16 juillet 2010 pour une hémostase à la suite d'un saignement avec une instabilité hémodynamique ; elle a été ensuite hospitalisée en réanimation chirurgicale, puis, du 17 au 19 juillet 2010, au centre hospitalier Marie Lannelongue où elle a été à nouveau opérée pour une ligature de l'artère iliaque gauche. Du 19 juillet au 17 août 2010, Mme F... a été hospitalisée en réanimation chirurgicale au centre hospitalier universitaire de Bicêtre. Du 17 août 2010 au 22 février 2011, elle a été hospitalisée au centre hospitalier de Saint-Lô pour permettre un rapprochement familial, en premier lieu en réanimation, puis dans le service de chirurgie viscérale jusqu'au 4 octobre, puis dans le service d'endocrinologie, puis dans le service de néphrologie, puis dans celui d'infectiologie. A la suite de son retour autorisé à son domicile le 22 février 2011, Mme F... a été victime d'un syndrome dépressif réactionnel à sa perte d'autonomie. Elle a été ensuite hospitalisée dans le service de néphrologie du 25 au 26 avril 2011, puis du 18 au 27 mai 2011 à la suite d'un coma hypoglycémique, puis du 9 au 10 septembre 2011. Mme F... est décédée le 19 octobre 2016.

7. Mme F... a subi un déficit fonctionnel permanent évalué à 32 % par les deux experts médicaux dans leur rapport d'expertise rédigé le 22 janvier 2013 et est décédée le 19 octobre 2016, comme il a été dit. Elle répondait ainsi aux conditions fixées par les dispositions précitées de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique pour pouvoir, elle-même, puis son ayant droit, demander réparation au titre de la solidarité nationale des dommages qu'elle a subis, à la condition qu'il soit établi que ceux-ci résultent directement et certainement d'infections nosocomiales.

8. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise diligentée par l'arrêt avant-dire-droit du 7 novembre 2016, enregistré au greffe de la Cour le 16 avril 2020, qu'une fistule duodénale au niveau d'une des extrémités du duodénum du greffon, complication classique de la transplantation pancréatique survenant chez 5 à 10 % des malades (l'expert cite une étude médicale portant sur 610 transplantations pancréatiques avec anastomose duodénoentérique indiquant un taux de fistule duodénale de 5,7%, conduisant dans 46% des cas à la perte du greffon pancréatique par détransplantation), a provoqué un sepsis persistant, lequel a nécessité la détransplantation pancréatique le 11 mai 2010. Au soutien de cette étiologie, l'expert fait état du délai de survenue des symptômes (3 mai) par rapport à l'intervention de transplantation (25 avril), le sepsis prolongé, l'existence de collections en regard du moignon duodénal avec la présence de bulles d'air, la dilatation du duodénum pouvant favoriser la fuite par hyperpression, les constatations opératoires montrant une péritonite localisée avec abcès périduodénal et l'examen anatomopathologique concluant à une péri-pancréatite et panduodénite aiguë suppurée sans nécroses des organes. Malgré l'ablation du pancréas réalisée le 11 mai, le sepsis est demeuré non contrôlé, avec l'apparition de nouveaux foyers septiques, en particulier au contact du greffon rénal, qui a dû ainsi être détransplanté le 20 mai 2010. Par suite, la complication infectieuse qui a provoqué l'échec de la transplantation réno-pancréatique n'est pas la cause première des préjudices subis par Mme F..., mais la conséquence d'une fistule duodénale, aléa connu et relativement fréquent de la transplantation pancréatique. Il s'en suit que c'est au terme d'un raisonnement erroné en fait que le jugement attaqué, pour indemniser Mme F... et M. B... au titre de la solidarité nationale sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique, a estimé que Mme F... " a présenté " un sepsis abdominal polymicrobien correspondant à une translocation de la flore digestive " consécutif à une dysfonction pancréatique initiale et que ce sepsis est la cause directe et certaine des dé-transplantations des deux greffons et des complications infectieuses multiples qu'elle a subies ". En conséquence, le jugement du 5 mars 2015 du tribunal administratif de Melun doit être annulé et la demande indemnitaire de Mme F... et M. B... rejetée.

9. Enfin, les conditions ouvrant droit à indemnisation au titre de la solidarité nationale en application des dispositions précitées de l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique, hors le cas des infections nosocomiales, qui n'ont au demeurant pas été invoquées par Mme F... et M. B... ne sont pas réunies en l'espèce.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'Assistance publique - hôpitaux de Paris et M. B... demandent au titre des frais liés à l'instance et exposés par eux.

Sur la requête n° 15PA02443 :

11. Il résulte de ce qui précède que la requête n° 15PA02443, présentée par Mme F... et M. B..., doit être rejetée.

Sur les dépens :

12. Les honoraires du Pr Mauroy et du Pr Guéry, experts judiciaires désignés en première instance, taxés et liquidés à la somme de 2 000 euros (1 000 euros chacun) par l'ordonnance de la présidente du tribunal administratif de Melun en date du 6 mars 2013, et les honoraires du Pr Sa-Cunha, expert judiciaire désigné en appel, taxés et liquidés par l'ordonnance du président de la Cour en date du 4 juin 2020 à la somme de 2 500 euros, doivent être mis à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1303411/1 du 5 mars 2015 du tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme F... et M. B... devant le tribunal administratif de Melun et leur requête n° 15PA02443 sont rejetées.

Article 3 : Les honoraires du Pr Mauroy et du Pr Guéry, experts judiciaires désignés en première instance, taxés et liquidés à la somme de 2 000 euros par l'ordonnance de la présidente du tribunal administratif de Melun en date du 6 mars 2013, et les honoraires du Pr Sa-Cunha, expert judiciaire désigné en appel, taxés et liquidés par l'ordonnance du président de la Cour en date du 4 juin 2020 à la somme de 2 500 euros, sont mis à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Article 4 : Les conclusions présentées par l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, à M. D... B... et à la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados.

Copie en sera adressée au Professeur Antonio Sa-Cunha, expert.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme Larsonnier, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juillet 2020.

Le président de la 8ème chambre,

J. LAPOUZADE

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N°s 15PA01710, 15PA02443


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA01710,15PA02443
Date de la décision : 10/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-005-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité sans faute. Actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SCP UGGC ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-07-10;15pa01710.15pa02443 ?
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