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09/07/2020 | FRANCE | N°18PA03838

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 09 juillet 2020, 18PA03838


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la restitution, assortie des intérêts moratoires, des prélèvements sociaux qu'il a acquittés au titre de l'année 2014.

Par un jugement n° 1610161 du 5 octobre 2018, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la réduction des prélèvements sociaux réclamés à M. C... au titre de l'année 2014, a mis à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administr

ative et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la restitution, assortie des intérêts moratoires, des prélèvements sociaux qu'il a acquittés au titre de l'année 2014.

Par un jugement n° 1610161 du 5 octobre 2018, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la réduction des prélèvements sociaux réclamés à M. C... au titre de l'année 2014, a mis à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 7 décembre 2018, et un mémoire enregistré le 1er décembre 2019, M. C..., représenté par Me D... et Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1610161 du Tribunal administratif de Paris en date du 5 octobre 2018 en tant qu'il lui est défavorable ;

2°) de prononcer la restitution, assortie des intérêts moratoires, des prélèvements sociaux qu'il a acquittés au titre de l'année 2014, demeurant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il ne conteste plus la non application du Règlement européen n° 883/2004 du 29 avril 2004 et n'invoque pas la décision De Ruyter dans la mesure où il n'était pas affilié au système canadien de sécurité sociale ;

- en application du principe d'unicité de la législation sociale prévue par les articles 7 et 8 de l'accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada, signé le 9 février 1979, les revenus de capitaux mobiliers ainsi que les gains de cession de valeurs mobilières qu'il a perçus en 2014 ne pouvaient être assujettis aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine, la législation sociale canadienne étant seule applicable en vertu de cet accord ;

- l'assujettissement de ces revenus du patrimoine aux prélèvements sociaux est à l'origine d'une inégalité de traitement entre les résidents canadiens affiliés au régime de sécurité sociale canadien, et les résidents affiliés au régime obligatoire français ou d'un autre État membre, contraire aux stipulations de l'article 24 de la convention entre la France et le Canada en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mai 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention du 2 mai 1975 entre la France et le Canada tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, modifiée ;

- l'accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada, signé le 9 février 1979 ;

- le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale ;

- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 ;

- la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif modifiée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., pour M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant canadien qui a résidé en France du 1er août 2013 au 31 juillet 2015, a perçu au cours de l'année 2014 des revenus de valeurs mobilières de source canadienne, des gains résultant de la cession de valeurs mobilières ainsi que des revenus fonciers provenant de la location d'un bien immobilier situé à Toronto (Canada). Ces revenus ont été soumis à la contribution sociale généralisée, à la contribution pour le remboursement de la dette sociale, au prélèvement social sur les revenus du patrimoine et à la contribution additionnelle audit prélèvement, ainsi qu'au prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine, prévus par les articles 1600-0 C et suivants du code général des impôts. Par un jugement en date du 5 octobre 2018, le Tribunal administratif de Paris, faisant partiellement droit à la demande de M. C..., a prononcé la réduction des prélèvements sociaux mis à sa charge au titre de l'année 2014 à raison de ses revenus fonciers, a mis à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. M. C... fait appel de ce jugement en tant qu'il lui est défavorable.

2. En premier lieu, M. C..., qui indique dans sa requête introductive d'instance ne plus se prévaloir du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 et de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne en date du 18 janvier 2018, Frédéric Jahin contre Ministre de l'économie et des finances, Ministre des affaires sociales et de la santé, C-45/17, soutient en revanche que les prélèvements sociaux en litige, qui participent au financement de prestations relevant des branches de la sécurité sociale, sont assimilables à des cotisations sociales et entrent ainsi dans le champ de l'accord susvisé de sécurité sociale signé le 9 février 1979 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada, et que les stipulations des articles 7 et 8 de cet accord s'opposent, conformément au principe de l'unicité de la législation applicable en matière de sécurité sociale, à ce qu'ils soient soumis, alors qu'il est affilié au régime de sécurité sociale canadien, à celui de la France.

3. Aux termes de l'article 2 de l'accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada, signé le 9 février 1979 : " 1. Les législations auxquelles s'applique le présent Accord sont : A. En France : a) La législation fixant l'organisation de la sécurité sociale ; b) la législation fixant le régime des assurances sociales applicables aux travailleurs (...) ; c) Les législations sur la prévention et la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles (...) ; d) La législation relative aux prestations familiales ; e) Les législations relatives aux régimes spéciaux de sécurité sociale, notamment le régime relatif à la sécurité sociale dans les mines ; f) Les législations sur les régimes des gens de mer (...) ; g) La législation relative à l'assurance maladie et maternité des travailleurs (...) ; h) Les législations relatives à l'allocation vieillesse et à l'assurance vieillesse des travailleurs (...). B Au Canada : a) La loi sur la sécurité de la vieillesse ; b) Le régime de pensions au Canada ". Aux termes de l'article 3 de cet accord : " 1 Sous réserve des dispositions spécifiques restrictives contenues dans le présent Accord, les ressortissants de l'un des Etats contractants sont soumis aux obligations de la législation de l'autre Etat et en bénéficient dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet Etat. 2. Sous la même réserve, ne sont pas opposables aux ressortissants de l'un des Etats contractants, les dispositions contenues dans les législations de l'autre Etat qui restreignent les droits des étrangers, imposent des délais de réside ". Aux termes de l'article 7 du même accord : " 1. Par dérogation aux règles d'assujettissement prévues par l'article 6 et les législations des Etats contractants : Les travailleurs détachés par leur employeur dans l'autre Etat pour y effectuer un travail déterminé ne sont pas assujettis au régime de sécurité sociale de l'Etat du lieu de travail (...) ". Aux termes de l'article 8 du même accord : " Personnel des missions diplomatiques et des postes consulaires (...) 2. Les personnes employées par un Etat contractant et affectées, par le Gouvernement de cet Etat contractant, sur le territoire de l'autre Etat contractant, mais qui ne sont pas exclues de l'application de la législation de l'autre Etat contractant en vertu des conventions mentionnées au paragraphe 1, sont assujetties uniquement à la législation du premier Etat contractant à l'égard de cet emploi. 3. Sous réserve des dispositions des paragraphes 1 et 2, les personnes recrutées par le Gouvernement d'un Etat contractant sur le territoire de l'autre Etat contractant pour y occuper un emploi sont soumises uniquement à la législation de ce dernier Etat à l'égard de cet emploi ".

4. Cet accord, qui prévoit les modalités d'application par chacun des États contractants des dispositions relatives à la protection sociale de leurs ressortissants et, en particulier, les modalités de liquidation des prestations, pensions, rentes et allocations versées en cas d'invalidité, de vieillesse ou de décès, n'a, en tout état de cause, ni pour objet, ni pour effet, de faire obstacle à ce que les revenus du patrimoine perçus par M. C..., qui résidait en France en 2014, soient soumis aux prélèvements sociaux prévus par la loi française.

5. En second lieu, aux termes de l'article 24 de la convention du 2 mai 1975 entre la France et le Canada tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune : " 1. Les personnes physiques possédant la nationalité d'un Etat contractant ne sont soumises dans l'autre Etat contractant à aucune imposition ou obligation y relative, qui est autre ou plus lourde que celles auxquelles sont ou pourront être assujetties les personnes physiques possédant la nationalité de cet autre Etat qui se trouvent dans la même situation, notamment au regard de la résidence. La présente disposition s'applique aux personnes physiques qu'elles soient ou non des résidents d'un des Etats contractants. (...) ".

6. Si M. C... fait valoir qu'il est affilié au régime de sécurité sociale canadien, cette seule circonstance ne permet pas d'établir qu'il a été assujetti en France, à raison des revenus du patrimoine qu'il a perçus du Canada en 2014, à des prélèvements sociaux supérieurs à ceux auxquels serait soumis un contribuable de nationalité française pour les mêmes revenus. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 24 de la convention précitée doit être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par suite, ses conclusions tendant au versement des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales tout comme celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme E..., président assesseur,

- M. Doré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juillet 2020.

Le président,

S.-L. FORMERY

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA03838


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03838
Date de la décision : 09/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-08-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Plus-values des particuliers. Plus-values immobilières.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Valérie POUPINEAU
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : SELAFA TAJ

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-07-09;18pa03838 ?
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