Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Ecole spéciale d'architecture (ESA) a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 14 avril 2016 par laquelle la ministre du travail a refusé de l'autoriser à licencier M. B... E....
Par un jugement n° 1607939 du 25 juin 2019, le tribunal administratif de Paris, après avoir sursis à statuer et ordonné une mesure d'expertise, a annulé la décision de la ministre du travail.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 août 2019, M. E..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1607939 du 25 juin 2019 du tribunal administratif de
Paris ;
2°) de rejeter la demande de l'association Ecole spéciale d'architecture ;
3°) de mettre à la charge de cette dernière le versement de la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'il ressort du rapport d'expertise du 18 avril 2019 que les difficultés économiques invoquées par son employeur ne revêtent pas un caractère de gravité tel qu'elles justifieraient son licenciement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 novembre 2019, l'association Ecole spéciale d'architecture, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. E... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que le moyen soulevé par le requérant n'est pas fondé et que l'expert désigné par le tribunal a outrepassé sa mission en émettant un avis critique sur sa gestion.
Par ordonnance du 6 février 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 mars 2020.
La Cour a pris connaissance du mémoire, présenté par la ministre du travail, enregistré après la clôture de l'instruction le 24 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,
- et les observations de Me F..., représentant l'Ecole spéciale d'architecture.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... a été recruté par l'Ecole spéciale d'architecture (ESA), par contrat à durée indéterminée à compter du 3 octobre 2011, en qualité de responsable informatique. Il s'est porté candidat au mandat de délégué du personnel et a ainsi bénéficié de la qualité de salarié protégé. Le 2 juillet 2015, l'ESA a sollicité de l'inspection du travail l'autorisation de le licencier pour motif économique mais, par une décision du 11 septembre 2015, l'inspecteur du travail de l'unité territoriale de Paris a refusé de faire droit à cette demande. Par une décision du 14 avril 2016, la ministre du travail a retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique née le 21 février 2016, a annulé la décision de l'inspecteur du travail et a refusé d'accorder l'autorisation de licenciement pour le motif tiré de ce que la réalité des difficultés économiques n'était pas établie. M. E... relève appel du jugement du 25 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris, à la demande de l'ESA, a annulé la décision de la ministre du travail.
2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions d'effectifs envisagées et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié.
3. Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ".
4. Il ressort des comptes annuels de l'association qu'au cours des trois exercices qui ont précédé la décision contestée, les inscriptions d'élèves, qui contribuent à 90 % du chiffre d'affaires, ont baissé de 10%, que les produits d'exploitation ont diminué d'environ 3%, que le résultat net d'exploitation a été constamment déficitaire, de l'ordre de 309 000 euros en 2012/2013, puis de 502 000 euros en 2013/2014 et de 861 000 euros en 2014/2015, et que le résultat net global et la trésorerie se sont dégradés. Cette situation a conduit l'employeur, qui a recueilli l'avis favorable unanime des délégués du personnel, à envisager un plan de restructuration consistant en la suppression de neuf postes, dont celui du requérant, afin de réduire les charges d'exploitation, tout en créant concomitamment trois nouveaux emplois. Le recours à l'externalisation de certaines tâches et les circonstances, qui fondent la décision du ministre, selon lesquelles le montant net des créances reste important, la trésorerie est positive et les provisions pour charges ne seraient pas justifiées au regard de la baisse des produits de service, ce qui n'est pas au demeurant corroboré par l'expert, ne suffisent pas à établir au regard des données précédemment rappelées que les difficultés économiques ne justifiaient pas les mesures de licenciement. Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 1233-3 du code du travail ne conditionnent pas la réalité du motif économique à l'existence d'un risque pour la survie d'une entreprise. Enfin, et quand bien même l'expert aurait formulé des critiques s'agissant des pratiques de l'ESA en matière de recouvrement des créances et de paiement des dettes,
M. E... ne saurait utilement faire valoir que la situation économique dégradée de l'association serait le résultat d'erreurs de gestion de la direction.
5. Il résulte de ce qui précède que M. E..., qui ne soutient pas que son licenciement présenterait un caractère discriminatoire, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision de la ministre du travail du 14 avril 2016.
Sur les frais liés au litige :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ESA, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que réclame M. E... au titre des frais liés au litige. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... le versement de la somme que l'ESA demande sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'association Ecole spéciale d'architecture présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E..., à la ministre du travail et à l'école spéciale d'architecture.
Délibéré après l'audience publique du 23 juin 2020 à laquelle siégeaient :
- M. Bernier, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme A..., premier conseiller,
- Mme Mornet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 7 juillet 2020.
Le rapporteur,
M-G... A... Le président de la formation de jugement,
Ch. BERNIER
Le greffier,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 19PA02804