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07/07/2020 | FRANCE | N°19PA02502

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 07 juillet 2020, 19PA02502


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société A la fontaine Saint-Michel a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler le titre exécutoire n° 107125 émis le 16 mai 2018 à son encontre par la Ville de Paris et de la décharger du paiement des sommes de 4 452,40 euros et 13 356,40 euros mises à sa charge par ce titre exécutoire au titre des droits de voirie additionnels concernant les dispositifs de chauffage et les écrans de protection de sa terrasse pour l'année 2018.

Par un jugement n° 1816708 du 29 mai 2019, le tribuna

l administratif de Paris a rejeté sa requête et a mis à sa charge une somme de 1 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société A la fontaine Saint-Michel a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler le titre exécutoire n° 107125 émis le 16 mai 2018 à son encontre par la Ville de Paris et de la décharger du paiement des sommes de 4 452,40 euros et 13 356,40 euros mises à sa charge par ce titre exécutoire au titre des droits de voirie additionnels concernant les dispositifs de chauffage et les écrans de protection de sa terrasse pour l'année 2018.

Par un jugement n° 1816708 du 29 mai 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête et a mis à sa charge une somme de 1 000 euros au titre des frais de procédure exposés par la Ville de Paris.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 29 juillet 2019, 17 décembre 2019 et 22 janvier 2020, la société A la fontaine Saint-Michel, représentée par Me E..., demande à la Cour, A... le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 1816708 du 29 mai 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) avant dire-droit, d'ordonner à la ville de Paris de produire les études auxquelles elle aurait fait procéder en 2011 pour l'établissement de droits de voirie additionnels, ou, le cas échéant, ordonner une expertise ou une enquête ;

3°) d'annuler le titre exécutoire du 16 mai 2018 et de la décharger du paiement de la somme de 4 452,40 euros réclamée par la Ville de Paris au titre des dispositifs de chauffage et la somme de 13 356,40 euros mise à sa charge au titre des écrans de protection de ses terrasses pour l'année 2018 ;

4°) à titre subsidiaire, de la décharger de la somme de 11 824 euros correspondant à une erreur de taxation des écrans parallèles ;

5°) de mettre à la charge de la Ville de Paris une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, dès lors qu'il n'a répondu qu'à deux des trois branches du moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques et qu'il n'identifie pas qu'il s'agit d'écrans de protection " parallèles " et non perpendiculaires à sa terrasse ;

- le titre exécutoire attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation pour défaut de mention précise des bases de liquidation ;

- la Ville de Paris n'a pas justifié que, conformément aux dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration et de l'article L. 1617-5 du code général de la propriété des personnes publiques, le titre de recettes individuel ou le bordereau y afférent a bien été signé par la personne mentionnée par l'avis des sommes à payer ;

- les droits additionnels réclamés n'ont pas été fixés, par la délibération 2011 DU 54 et l'arrêté du 28 décembre 2017, A... le respect des dispositions de l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques ; la Ville de Paris, à qui cette preuve incombe, n'apporte aucun élément permettant de montrer que les droits demandés ont été déterminés en fonction de l'avantage spécifique offert par les dispositifs spéciaux que sont les chauffages et les écrans parallèles ; les tarifs auraient dû comporter une part fixe censée correspondre à la valeur locative, et une part variable ; de même il fallait nécessairement tenir compte de la période d'utilisation des dispositifs et donc d'occupation du domaine public, qui est restreinte ;

- la ville a entendu se référer à la valeur locative d'une propriété privée comparable mais a fixé un tarif disproportionné au regard de celui acquitté pour le local commercial ;

- la ville a commis une erreur de droit en voulant dissuader par des tarifs élevés le chauffage des terrasses ; le motif écologique ne peut légalement être pris en compte et il n'est pas prouvé que le chauffage des terrasses participe à la pollution atmosphérique ; en outre une terrasse chauffée et non protégée est moins taxée qu'une terrasse chauffée et protégée ;

- s'agissant des écrans parallèles rigides, les terrasses autorisées à en être équipées en permanence font l'objet de tarifs spécifiques, ce qui peut amener à une double taxation ; la Ville de Paris n'a pu sans erreur de droit prévoir la taxation des écrans au m² de terrasse équipée ;

- la comparaison de ces tarifs spécifiques et des droits de voirie supplémentaires exigés du fait de l'installation temporaire d'écrans parallèles démontre le caractère excessif de ces derniers ; de même la protection de la terrasse par une banne ou une marquise est bien plus faiblement taxée que sa protection par des écrans ;

- les droits de voirie additionnels ont un caractère discriminatoire puisqu'ils sont disproportionnés par rapport à la redevance demandée pour une terrasse ouverte non équipée ;

- le titre exécutoire est entaché d'erreur de fait car les photographies produites par la Ville de Paris sont dénuées de toute force probante et que la Ville ne peut se prévaloir de ce que les titres antérieurs n'auraient pas été contestés ; il n'est pas démontré par la Ville de Paris la présence d'écrans rigides parallèles à sa devanture de plus de 1,30 m de haut, alors qu'elle bénéficie d'une autorisation pour les installer ;

- à titre subsidiaire, elle n'aurait dû acquitter que le tarif 440 prévu pour les terrasses délimitées par des écrans parallèles de hauteur inférieure à 1,30 m.

Par des mémoires en défense enregistrés les 17 décembre 2019 et 20 janvier 2020, la Ville de Paris, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- la délibération 2011 DU 54 des 28, 29 et 30 mars 2011 du Conseil de Paris portant réforme des droits de voirie ;

- l'arrêté du maire de Paris du 6 mai 2011 portant règlement des étalages et terrasses applicable, à compter du 1er juin 2011, sur l'ensemble du territoire de la Ville de Paris ;

- l'arrêté du maire de Paris du 28 décembre 2017 portant nouveaux tarifs applicables aux droits de voirie à compter du 1er janvier 2018 ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Legeai, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., avocat de la société A la fontaine Saint-Michel, et de Me B..., avocate de la Ville de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. La société A la fontaine Saint-Michel exploite un fonds de commerce de café bar 11 place Saint-Michel A... le 5ème arrondissement de Paris. Elle dispose d'un titre d'occupation du domaine public viaire pour l'installation d'une terrasse ouverte de 57 m² sur la voie publique au droit de ce commerce. La mairie de Paris a émis le 16 mai 2018 un titre exécutoire correspondant aux droits de voirie dus pour l'année 2018, d'un montant total de 26 312,08 euros dont la somme de 4 452,40 euros au titre de l'installation de dispositifs de chauffage et la somme de 13 356,40 euros au titre de l'installation d'écrans de protection de sa terrasse ouverte. La société requérante demande l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce titre exécutoire et à la décharge de ces droits de voirie additionnels pour l'année 2018.

Sur la régularité du jugement :

2. L'article L. 9 du code de justice administrative dispose : " Les jugements sont motivés ".

3. D'une part, les premiers juges ont considéré, au point 7 de leur jugement, que la Ville de Paris avait régulièrement fixé les droits de voirie additionnels en tenant compte de la superficie de la terrasse, plus rentable lorsqu'elle est chauffée et protégée, alors que la société requérante, qui ne produisait pas de pièce comptable, n'apportait aucun élément de nature à démontrer que ces droits de voirie excèderaient les avantages de toute nature que lui procurent les installations en cause. Ils ont suffisamment répondu aux arguments soulevés à l'appui du moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques, la question de la charge de la preuve ne constituant notamment pas un moyen autonome devant le juge du fond.

4. D'autre part, si le jugement ne précise pas que les " écrans de protection " pour lesquels la Ville de Paris réclame à la société requérante un droit de voirie additionnel sont des écrans parallèles à la façade de son commerce et non des écrans perpendiculaires à celle-ci, une telle absence de précision est sans incidence sur le caractère suffisant de la motivation du jugement, qui ne comportait, pas plus que l'argumentation des parties, aucune ambiguïté à cet égard.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité externe de l'acte attaqué :

5. En premier lieu, le 4° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales dispose : " Quelle que soit sa forme, une ampliation du titre de recettes individuel ou de l'extrait du titre de recettes collectif est adressé aux redevables (...) / En application de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration, le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif mentionne les nom, prénoms et qualité de la personne qui l'a émis ainsi que les voies et délais de recours. / Seul le bordereau de titres de recettes est signé pour être produit en cas de contestation ". Il résulte de ces dispositions, d'une part, que le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif adressé au redevable doit mentionner les nom, prénoms et qualité de la personne qui l'a émis et, d'autre part, qu'il appartient à l'autorité administrative, en cas de contestation, de justifier que le bordereau de titre de recettes comporte la signature de l'émetteur. En l'espèce, d'une part, l'avis des sommes à payer adressé à la requérante mentionne que le titre a été émis par M. F... D..., adjoint chef du service de l'expertise comptable, et, d'autre part, le bordereau dématérialisé de titres de recettes comporte la signature électronique de M. D..., ainsi qu'il ressort d'une attestation en date du 6 novembre 2018 de la société Docapost Fast, prestataire de la Ville, produite par celle-ci.

6. En deuxième lieu, l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique dispose : " (...) Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrement indique les bases de la liquidation (...) ". Pour satisfaire à ces dispositions, un état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit A... le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur. En l'espèce, l'avis des sommes à payer, valant ampliation du titre exécutoire, comporte un tableau récapitulatif qui vise l'article L. 2213-6 du code général des collectivités territoriales et l'arrêté municipal du 28 décembre 2017, précise l'adresse de la terrasse considérée ainsi que la catégorie de la rue A... laquelle elle se situe et calcule, par référence aux différentes rubriques de l'arrêté municipal du 28 décembre 2017 fixant les droits de voirie, chacun des droits à percevoir pour la période " 01/01/2018-31/12/2018 ", en détaillant le prix au mètre carré et le nombre de mètres carrés pour lesquels le droit est dû, en distinguant les différentes installations taxées et si elle sont situées A... le tiers du trottoir ou " hors tiers ". Cet avis permet ainsi au redevable de connaitre précisément le mode d'établissement des redevances mises à sa charge et le met notamment à même de contester une éventuelle erreur A... la mesure de la superficie de sa ou ses terrasses et de la partie de celles-ci situées " hors tiers " du trottoir. En outre, dès lors que le titre litigieux se réfère au tarif 580 que les textes réglementaires auquel il renvoie identifient comme le " supplément pour l'installation d'écrans parallèles rigides protégeant une terrasse ouverte, A... le tiers du trottoir ", il n'y a aucune ambigüité sur le fait que les " écrans rigides " qui donnent lieu à perception de redevances sont des écrans parallèles à la façade du commerce. Le moyen tiré de ce que l'avis des sommes à payer ne mentionne pas de façon suffisamment précise les bases de liquidation manque en fait et doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne de l'acte attaqué :

S'agissant de la légalité des tarifs appliqués :

7. L'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques dispose : " Toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 donne lieu au paiement d'une redevance (...) ". Aux termes de l'article L. 2125-3 du même code : " La redevance due pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation ".

8. Par délibération 2011 DU 54 des 28, 29 et 30 mars 2011 portant réforme des droits de voirie, le Conseil de Paris, siégeant en formation de conseil municipal, a pris acte de nouveaux modes d'occupation du domaine public et notamment de l'installation sur les terrasses exploitées commercialement de divers équipements destinés à atténuer les aléas climatiques, qui prolongent et facilitent ainsi l'usage privé du domaine public. Il a décidé de soumettre ces installations à des droits de voirie additionnels, fixés selon la catégorie de la voie et calculés de façon annuelle et forfaitaire proportionnellement à la surface de la terrasse exploitée, et de taxer plus fortement les installations de chauffage situées sur une terrasse non protégée. L'annexe de l'arrêté du 28 décembre 2017 du maire de Paris portant nouveaux tarifs applicables aux droits de voirie à compter du 1er janvier 2018 prévoit ainsi, s'agissant des " prescriptions applicables aux étalages et terrasses " : " Selon les cas, un droit de voirie additionnel, s'ajoutant à celui prévu pour diverses emprises (étalage, terrasse ouverte, terrasse fermée, prolongement intermittent de terrasse ou d'étalage, contre-étalage ou contre-terrasse, contre-terrasse sur chaussée) est perçu pour : / (...) - l'installation de tout type de protection, notamment sous forme d'écrans parallèles, sur tout type de terrasse ouverte (...) / - l'installation de tout mode de chauffage (...) sur tout type de terrasse ouverte (bâchée ou non, dotée ou non de tout type de protection, notamment sous forme d'écrans parallèles). Ces droits de voirie additionnels sont appréciés annuellement, de façon forfaitaire et indivisible. Ils s'appliquent quelles que soient les dates de pose ou dépose de ces dispositifs et leur temps de présence effectif au cours de l'exercice considéré. Il n'est procédé à aucun abattement mensuel ou calcul au " prorata temporis " lors de la première année d'installation ou A... les cas de cessation d'activité ou de démontage (...) / Le cas échéant, les droits de voirie additionnels précités se cumulent en fonction de la présence de différentes installations sur un même emplacement. Les étalages et terrasses sont taxés au mètre carré et pour l'exercice en cours (...) ". S'agissant de tout mode de chauffage ou de climatisation A... tout type de terrasse ouverte, cet arrêté précise que " (...) le droit de voirie additionnel s'apprécie exclusivement sur la totalité de la surface occupée par la terrasse de tout type et non en fonction des surfaces des dispositifs à usage de chauffage ou de climatisation ".

9. En premier lieu, la requérante, tout en admettant que la protection d'une terrasse par des écrans et son chauffage sont de nature à en améliorer l'attractivité, soutient que la Ville de Paris n'a pas indiqué comment elle avait fixé le montant des droits additionnels réclamés et qu'il n'est pas possible de déterminer comptablement le gain spécifique procuré par chacune des installations. Toutefois, en l'absence précisément d'individualisation comptable permettant de soumettre l'occupation du domaine public à une redevance proportionnelle au chiffre d'affaires ou au bénéfice généré par chaque installation, la Ville de Paris pouvait légalement fixer un tarif au mètre carré, variable en fonction de la nature du dispositif et de son association ou non avec d'autres dispositifs, ainsi que de l'attractivité de la voie publique sur laquelle il est installé et du positionnement de la terrasse hors tiers ou A... le tiers du trottoir, critères qui ne sont pas étrangers aux " avantages de toute nature " procurés à l'occupant privatif du domaine public par chaque installation. La circonstance que les dispositifs litigieux ne sont utilisés ou maintenus en place qu'une partie de l'année ne fait pas en soi obstacle à ce que la redevance soit calculée au titre d'une année entière.

10. En deuxième lieu, s'il est soutenu que la Ville de Paris aurait fixé un tarif élevé pour les chauffages afin de dissuader, pour des motifs écologiques, les exploitants d'en installer, cette motivation ne résulte pas de l'instruction ni des textes fixant les tarifs, et notamment de la délibération 2011 DU 54. Le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut en tout état de cause qu'être écarté. La circonstance qu'une terrasse chauffée non protégée est moins taxée qu'une terrasse chauffée et protégée, laquelle est plus attractive pour le public, n'est pas de nature à démontrer que les tarifs n'auraient pas été fixés en considération des avantages procurés aux commerçants.

11. En troisième lieu, la société requérante fait valoir que l'arrêté du 28 décembre 2017 retient pour l'installation d'écrans parallèles et de chauffages en terrasse des tarifs additionnels élevés, nettement supérieurs à ceux appliqués à la terrasse elle-même. Toutefois, si les droits de voirie doivent tenir compte des avantages de toute nature que procure l'occupation privative du domaine public, il n'est pas interdit à la collectivité d'orienter, par des tarifs différenciés, les modes d'occupation du domaine public qu'elle souhaite favoriser. La circonstance qu'une terrasse ouverte non chauffée serait, proportionnellement au chiffre d'affaires susceptible d'être généré par son installation, nettement moins taxée qu'une terrasse chauffée et protégée, ne crée pas de discrimination illégale et ne saurait en soi démontrer que la redevance exigée pour une terrasse chauffée et protégée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

12. En quatrième lieu, la délibération 2011 DU 54 et l'arrêté du 28 décembre 2017 prévoient un tarif spécifique (codes 440, 441 et 443) pour les terrasses ouvertes " délimitées par des écrans parallèles de hauteur inférieure à 1,30 m " que les commerçants peuvent être autorisés à installer A... le respect des spécifications du point 3.3.3 du titre II du règlement des terrasses de la Ville de Paris. Ces tarifs ne se confondent pas avec ceux, codés 580, 581 et 582, intitulés " supplément pour l'installation d'écrans parallèles rigides protégeant une terrasse ouverte " mis à la charge, comme en l'espèce, des commerçants qui installent, sans autorisation préalable, de tels dispositifs, quelle qu'en soit la hauteur. D'une part, il ne résulte pas de l'instruction que les écrans parallèles ici en cause auraient fait l'objet d'une double taxation. D'autre part, la Ville de Paris n'a commis aucune erreur de droit en calculant le droit de voirie supplémentaire en proportion de la surface de la terrasse que les écrans protègent. Enfin, la circonstance que le tarif applicable aux écrans installés sans autorisation préalable, dont la hauteur n'est pas limitée, est nettement supérieur à celui prévu pour une terrasse dont la délimitation par des écrans d'une hauteur inférieure à 1,30 m et répondant à certaines spécifications a été autorisée n'est pas de nature à démontrer que le " supplément " demandé pour l'installation, même temporaire, d'écrans parallèles à la façade n'aurait pas été fixé en fonction de l'avantage que retire le commerçant de la pose de ceux-ci ou serait manifestement excessif par rapport aux avantages procurés par cette protection de la terrasse.

13. En cinquième lieu, la société requérante fait valoir que la somme qu'elle acquitte pour sa terrasse protégée et chauffée située A... le premier tiers du trottoir est presque égal, proportionnellement à sa surface, au loyer qu'elle acquitte pour son local commercial lui-même, d'une superficie de 202 m². Toutefois cette circonstance n'est pas de nature à démontrer que la somme demandée pour l'occupation privative du domaine public excède les avantages ainsi attribués à l'exploitant, dès lors que le domaine public n'est pas en principe destiné à une occupation commerciale.

14. Enfin, la société requérante soutient que le chauffage saisonnier d'une partie de sa terrasse ne permet de générer qu'une part minime de son chiffre d'affaires annuel. Toutefois, alors qu'elle ne fournit aucune information sur ce chiffre d'affaires, il ne résulte pas de l'instruction que la somme mise à sa charge du fait de l'utilisation de dispositifs de chauffage et de protection en terrasse soit entachée d'erreur manifeste au regard des avantages que ces dispositifs apportent à l'exploitant.

15. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de procéder aux mesures d'instruction demandées, que la société appelante n'est pas fondée à soutenir que le maire de Paris aurait méconnu les dispositions de l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques en lui faisant application des tarifs adoptés par la délibération 2011 DU 54 du 28, 29 et 30 mars 2011 et fixés pour l'année 2018 par l'arrêté du 28 décembre 2017.

S'agissant du moyen tiré des erreurs de fait :

16. La société requérante soutient que les photographies produites en première instance par la Ville de Paris sont insuffisantes pour démontrer l'installation de chauffages sur la terrasse ouverte qu'elle exploite. Toutefois, ces photographies prises en mai 2018 et le 19 octobre 2018 font bien apparaitre des chauffages sous la banne de couverture de la terrasse et la société, qui se borne à faire valoir que la photographie n'est pas signée et que le nom de son auteur est inconnu, n'apporte aucun élément de nature à démontrer que la terrasse n'était pas chauffée en 2018. Le moyen tiré de l'erreur de fait concernant le chauffage de la terrasse doit être écarté.

17. La société A la fontaine Saint-Michel soutient en outre que les photographies produites ne font pas apparaitre d'écrans rigides parallèles à la façade. Elle produit toutefois une attestation de son comptable datée du 16 décembre 2019 dont il ressort qu'elle lui a déclaré exploiter une terrasse de 64 places dont 50 chauffées et protégées. Cependant, elle fait aussi valoir qu'elle bénéficie depuis le 12 avril 2005 d'une autorisation pour installer des écrans de 1,30 m pour entourer sa terrasse ouverte d'une surface de 10,80 m de long sur 5,25 m² de large et fournit la facture de son fournisseur, en date du 31 mai 2005, qui fait apparaitre la livraison d'écrans de 1,30 m de haut pour un linéaire de l'ordre de 8 m. A... ces circonstances, la ville de Paris ne démontrant pas l'installation d'écrans de plus de 1,30 m de haut et la société ayant obtenu l'autorisation d'entourer sa terrasse d'écrans d'une hauteur maximale de 1,30 m, celle-ci est fondée à demander qu'il lui soit fait application, pour les 40 m² de terrasse protégée par des écrans parallèles, du tarif 440 applicable, comme dit au point 12, aux terrasses ouvertes " délimitées par des écrans parallèles de hauteur inférieure à 1,30 m ", et non du cumul entre les tarifs 430, applicable à une terrasse ouverte A... le tiers du trottoir, majoré du fait de la grande surface de la terrasse, et du tarif 580. La somme totale de 16 728,40 euros qui lui est demandée au titre de cette terrasse protégée de 40 m², soit 3 065,60 euros au titre de son implantation, plus 306,40 euros au titre de sa grande superficie et 13 356,40 euros au titre des écrans parallèles, doit ainsi être ramenée à 5 057,80 euros, correspondant à l'application, pour ces 40 m², du tarif 440 de 114,95 euros par m² A... une voie de catégorie 1, augmenté de 10 % pour tenir compte de la majoration prévue par l'arrêté du 28 décembre 2017 pour les grandes terrasses. Il y a lieu de décharger la société requérante de la somme de 11 670,60 euros correspondant à la différence entre ces deux sommes et ainsi d'annuler le titre exécutoire, d'un montant total de 26 312,08 euros, en tant qu'il met à sa charge une somme excédant 14 641,48 euros.

18. Il résulte ce qui précède que la société A la fontaine Saint-Michel est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Paris a totalement rejeté sa requête et ne l'a pas déchargée de la somme de 11 670,60 euros.

Sur les frais liés au litige :

19. La société appelante, qui n'est pas partie perdante, est fondée à obtenir l'annulation de l'article 2 du jugement du 29 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a mis à sa charge une somme de 1 000 euros au titre des frais de procédure exposés par la Ville de Paris. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société A la fontaine Saint-Michel, qui n'est pas partie perdante, verse à la Ville de Paris la somme qu'elle demande au titre des frais de procédure qu'elle a exposés en première instance et en appel. A... les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la Ville de Paris, sur le fondement des mêmes dispositions, une somme globale de 1 500 euros à verser à la société A la fontaine Saint-Michel au titre des frais exposés devant le tribunal et la cour.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1816708 du 29 mai 2019 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Le titre exécutoire n° 107125 du 16 mai 2018 est annulé en tant qu'il met à la charge de la société A la fontaine Saint-Michel une somme excédant 14 641,48 euros. La société A la fontaine Saint-Michel est déchargée de l'obligation de payer la somme de 11 670,60 euros mise à sa charge par ce titre exécutoire au-delà de cette somme.

Article 3 : La Ville de Paris versera à la société A la fontaine Saint-Michel une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de première instance et d'appel de la société A la fontaine Saint-Michel est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de première instance et d'appel de la Ville de Paris tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société A la fontaine Saint-Michel, à la Ville de Paris et au directeur général des finances publiques de Paris.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme G..., présidente de chambre,

- M. Legeai, premier conseiller,

- M. Platillero, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2020.

La présidente de la 1ère chambre,

S. G...

La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA02502


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

24-01-02-01-01-04 Domaine. Domaine public. Régime. Occupation. Utilisations privatives du domaine. Redevances.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : MEILHAC

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Date de la décision : 07/07/2020
Date de l'import : 28/07/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19PA02502
Numéro NOR : CETATEXT000042100595 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-07-07;19pa02502 ?
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