Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 1er mars 2016 par laquelle le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, a autorisé la société Barbat à placer son établissement en activité partielle pour la période du
3 décembre 2015 au 29 avril 2016, ainsi que la décision du 28 juin 2016 de la ministre du travail rejetant son recours hiérarchique formé contre la décision du 1er mars 2016.
Par un jugement n° 1611503 du 8 novembre 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 janvier 2018, M. A..., représenté par Me Chergui, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1611503 du 8 novembre 2017 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 1er mars 2016 du préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris et la décision du 28 juin 2016 de la ministre du travail rejetant son recours hiérarchique ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il justifie d'un intérêt direct et personnel à agir dans la mesure où le dispositif de mise en activité partielle permet à l'employeur, unilatéralement, d'imposer au salarié une réduction de son temps de travail et de sa rémunération, soit en ce qui le concerne un préjudice de l'ordre de 900 euros bruts par mois, quand bien même aurait-il perçu l'indemnité différentielle au titre du chômage ; cela l'a contraint à prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur, le 12 mars 2016 ; l'annulation des décisions litigieuses lui permettra de faire valoir ses droits devant le conseil de prud'hommes ; ces décisions ne sont pas favorables aux salariés ;
- elles sont entachées d'un vice de procédure en l'absence de respect du principe du contradictoire lors de l'instruction de la demande d'autorisation d'activité partielle ;
- la décision du 1er mars 2016 n'est pas suffisamment motivée ;
- les décisions attaquées sont entachées d'erreur de droit, l'employeur ne pouvant recourir à la mise en activité partielle de ses salariés en dehors d'hypothèses strictement définies par les articles L. 5222-1 et suivants du code du travail ;
- l'autorisation délivrée, qui ne saurait avoir d'effet rétroactif, doit être précédée d'une demande de la part de l'employeur, intervenue en l'espèce le 14 janvier 2016 ; les dérogations à cette règle sont limitativement énumérées par l'article R. 5122-3 du code du travail et la décision intervenue sur recours hiérarchique retient un motif qui n'en relève pas ; en tout état de cause, la société Barbat n'a pas respecté le délai de 30 jours pour présenter sa demande ;
- les attestations produites par cette dernière sont irrecevables.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2018 et régularisé le 14 juin 2018, la société Barbat, représentée par Me Mattéi, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que la demande de ce dernier est irrecevable.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2018, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que la demande de M. A... est irrecevable et que les moyens qu'il soulève ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jayer,
- et les conclusions de Mme Pena, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 14 janvier 2016, la société Barbat qui exploite un bar restaurant situé rue de Lappe dans le 11ème arrondissement à Paris, a demandé le bénéfice de la mise en activité partielle de ses salariés, pour la période du 3 décembre 2015 au 31 mai 2016, en faisant valoir que les attentats du 13 novembre 2015 avaient entraîné une forte baisse de son activité. Par une décision du
1er mars 2016, le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, a autorisé le placement en activité partielle, pour la période du 3 décembre 2015 au 29 avril 2016, de cinq de ses salariés. Le 22 avril 2016, M. A..., engagé depuis le 20 janvier 2004 par la société Barbat en qualité de cuisinier, a formé un recours hiérarchique contre cette décision, qui a été rejeté le 28 juin 2016 par la ministre du travail. Il relève appel du jugement du 8 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.
2. Aux termes de l'article L. 5122-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi : " I. - Les salariés sont placés en position d'activité partielle, après autorisation expresse ou implicite de l'autorité administrative, s'ils subissent une perte de rémunération imputable :/ -soit à la fermeture temporaire de leur établissement ou partie d'établissement ;/ -soit à la réduction de l'horaire de travail pratiqué dans l'établissement ou partie d'établissement en deçà de la durée légale de travail. (...)/ II. - Les salariés reçoivent une indemnité horaire, versée par leur employeur, correspondant à une part de leur rémunération antérieure dont le pourcentage est fixé par décret en Conseil d'Etat. L'employeur perçoit une allocation financée conjointement par l'Etat et l'organisme gestionnaire du régime d'assurance chômage. Une convention conclue entre l'Etat et cet organisme détermine les modalités de financement de cette allocation. / Le contrat de travail des salariés placés en activité partielle est suspendu pendant les périodes où ils ne sont pas en activité. (...) ". L'article R. 5122-1 du même code dispose que : " L'employeur peut placer ses salariés en position d'activité partielle lorsque l'entreprise est contrainte de réduire ou de suspendre temporairement son activité pour l'un des motifs suivants :/1° La conjoncture économique ; /2° Des difficultés d'approvisionnement en matières premières ou en énergie ; / 3° Un sinistre ou des intempéries de caractère exceptionnel ; / 4° La transformation, restructuration ou modernisation de l'entreprise ; /5° Toute autre circonstance de caractère exceptionnel. ".
3. Pour justifier un intérêt lui donnant qualité pour agir, M. A... fait valoir que les décisions qu'il conteste ont eu pour objet de permettre à la société Barbat, son employeur, de réduire le temps de travail de ses salariés, et qu'elles ont également eu pour effet de réduire d'environ 900 euros par mois la rémunération brute qu'il lui a versée, à compter du mois de décembre 2015. Pour autant, cette réduction de son temps de travail et cette baisse de revenus ne résultent pas de la décision du 1er mars 2016 du préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, prise sur le fondement de l'article L. 5122-1 du code du travail qui a ouvert à l'employeur et à ses salariés le bénéfice du régime d'indemnisation du chômage partiel prévu par ces dispositions, mais de la baisse d'activité du bar-restaurant où il travaillait, directement consécutive aux attentats du 13 novembre 2015, qui ont considérablement et durablement affecté l'activité des établissements situés dans le secteur, et de la décision consécutive de l'employeur de réduire la durée de travail de ses salariés. Les décisions contestées n'ont donc eu par elles-mêmes, ni pour objet, ni pour effet, de réduire le temps de travail et la rémunération de M. A... dont la baisse est, ainsi qu'il vient d'être dit, consécutive à la décision de l'employeur, qui leur est antérieure. Elles lui ont, en revanche, permis de percevoir des indemnités compensatrices, en limitant les conséquences pécuniaires du choix fait par la société Barbat d'ajuster la durée de travail de ses salariés à l'activité de l'entreprise, au lieu de procéder à leur licenciement, dont il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier le bien-fondé. Dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que M. A... ne justifiait pas d'un intérêt lui donnant qualité pour demander au juge de l'excès de pouvoir d'annuler les décisions litigieuses qui ont limité la baisse de sa rémunération et que sa demande n'était en conséquence pas recevable.
4. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions contestées.
Sur les frais de justice :
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du requérant la somme de
1 000 euros au titre des frais exposés par la société Barbat au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : M. A... versera à la société Barbat la somme de 1 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A..., à la ministre du travail et à la société Barbat.
Copie en sera adressée au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris et au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation et du travail et de l'emploi.
Délibéré après l'audience publique du 23 juin 2020 à laquelle siégeaient :
- M. Bernier, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Jayer, premier conseiller,
- Mme Mornet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 7 juillet 2020.
Le rapporteur,
M-D Jayer Le président de la formation de jugement,
Ch. BERNIER
Le greffier,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 18PA00070