La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/06/2020 | FRANCE | N°19PA01400

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 30 juin 2020, 19PA01400


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

D'une part, la société Pino Elysées a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler le titre de perception émis par la maire de Paris le 2 octobre 2017 et de la décharger de l'obligation de payer la somme de 8 152,62 euros qui lui est demandée au titre des droits de voirie additionnels concernant les parasols de plus de 3 m² et la somme de 19 335,18 euros correspondant à la majoration due pour ses terrasses fermées et sa contre-terrasse d'une surface supérieure à 20 m² au titre de l'année 2017.



Par un jugement n° 1806020 du 21 février 2019, le tribunal administratif ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

D'une part, la société Pino Elysées a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler le titre de perception émis par la maire de Paris le 2 octobre 2017 et de la décharger de l'obligation de payer la somme de 8 152,62 euros qui lui est demandée au titre des droits de voirie additionnels concernant les parasols de plus de 3 m² et la somme de 19 335,18 euros correspondant à la majoration due pour ses terrasses fermées et sa contre-terrasse d'une surface supérieure à 20 m² au titre de l'année 2017.

Par un jugement n° 1806020 du 21 février 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande.

D'autre part, la société Pino Elysées a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler le titre de perception émis par la maire de Paris le 16 mai 2018 et de la décharger de l'obligation de payer la somme de 8 234,40 euros qui lui est demandée au titre des droits de voirie additionnels concernant les parasols de plus de 3 m² et la somme de 19 528,14 euros correspondant à la majoration due pour ses terrasses fermées et sa contre-terrasse d'une surface supérieure à 20 m² au titre de l'année 2018.

Par un jugement n° 1816728 du 28 mars 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et un mémoire enregistrés le 23 avril 2019 et le 12 février 2020 sous le numéro 19PA01400, la société Pino Elysées, représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1806020 du 21 février 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler le titre de perception émis par la maire de Paris le 2 octobre 2017 et de la décharger de l'obligation de payer les sommes de 8 152,62 euros et de 19 335,18 euros ;

3°) de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Pino Elysées soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- le titre exécutoire n'est pas signé ;

- les droits additionnels relatifs aux parasols de plus de 3 m² ne tiennent pas compte des avantages spécifiquement procurés par une telle installation, qui ne peuvent être déterminés ;

- l'arrêté du 13 janvier 2017 est illégal en tant qu'il ne tient pas compte de l'utilisation saisonnière des dispositifs ;

- ces droits sont excessifs et discriminatoires ;

- le titre est entaché d'erreur de fait ;

- elle est fondée à demander une proratisation des droits de voirie réclamés pour l'installation de la contre-terrasse et des parasols de plus de 3 m² sur cette contre-terrasse ;

- la majoration réclamée pour les grandes terrasses est sans rapport avec l'avantage procuré, procède d'une double taxation, est confiscatoire, crée une rupture d'égalité et porte une atteinte injustifiée à la liberté du commerce et de l'industrie.

Par des mémoires en défense enregistrés le 12 février 2020 et le 2 mars 2020, la Ville de Paris, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Pino Elysées de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La Ville de Paris soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

II. Par une requête et un mémoire enregistrés le 13 mai 2019 et le 12 février 2020 sous le numéro 19PA01602, la société Pino Elysées, représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1816728 du 28 mars 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler le titre de perception émis par la maire de Paris le 16 mai 2018 et de la décharger de l'obligation de payer les sommes de 8 234,40 euros et de 19 528,14 euros ;

3°) de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Pino Elysées soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- le titre exécutoire ne mentionne pas les bases de liquidation ;

- le titre exécutoire n'est pas signé ;

- les droits additionnels relatifs aux parasols de plus de 3 m² ne tiennent pas compte des avantages spécifiquement procurés par une telle installation, qui ne peuvent être déterminés ;

- ces droits sont excessifs et discriminatoires ;

- le titre est entaché d'erreur de fait ;

- elle est fondée à demander une proratisation des droits de voirie réclamés pour l'installation de la contre-terrasse et des parasols de plus de 3 m² sur cette contre-terrasse ;

- la majoration réclamée pour les grandes terrasses est sans rapport avec l'avantage procuré.

Par des mémoires en défense enregistrés le 12 février 2020 et le 2 mars 2020, la Ville de Paris, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Pino Elysées de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La Ville de Paris soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

- l'arrêté du maire de Paris du 6 mai 2011 portant nouveau règlement des étalages et terrasses applicable, à compter du 1er juin 2011, sur l'ensemble du territoire de la Ville de Paris ;

- l'arrêté du maire de Paris du 13 janvier 2017 fixant les nouveaux tarifs applicables aux droits de voirie à compter du 1er janvier 2017 ;

- l'arrêté du maire de Paris du 28 décembre 2017 fixant les nouveaux tarifs applicables aux droits de voirie à compter du 1er janvier 2018 ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. G...,

- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., avocat de la société Pino Elysées, et de Me A..., pour la Ville de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. La société Pino Elysées exploite un restaurant à l'angle de l'avenue des Champs-Elysées et de la rue de Marignan à Paris, 8ème arrondissement. La maire de Paris l'a autorisée à installer quatre terrasses fermées au droit de son établissement, de dimensions respectives de 10,91 mètres sur 5 mètres, de 9,30 et 5,70 mètres sur 0,95 mètre et de 6 mètres sur 3 mètres et une contre-terrasse d'une longueur de 18 mètres sur 5 mètres. Par un titre exécutoire émis le 2 octobre 2017, la maire de Paris lui a demandé de verser la somme de 128 633,91 euros au titre des droits de voirie dus pour l'année 2017, incluant une somme de 8 152,62 euros au titre des droits de voirie additionnels concernant l'installation de parasols de plus de 3 m² et une somme de 19 335,18 euros concernant des majorations de droits pour ses terrasses fermées et sa contre-terrasse. Par un titre exécutoire émis le 16 mai 2018, la maire de Paris lui a demandé de verser la somme de 127 564,33 euros au titre des droits de voirie dus pour l'année 2018, incluant une somme de 8 234,40 euros au titre des droits de voirie additionnels concernant l'installation de parasols de plus de 3 m² et une somme de 19 528,14 euros concernant des majorations de droits pour ses terrasses fermées et sa contre-terrasse. La société Pino Elysées fait appel des jugements du 21 février 2019 et du 28 mars 2019 par lesquels le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces titres exécutoires et à la décharge de l'obligation de payer les sommes précitées.

2. Les requêtes susvisées ont fait l'objet d'une instruction commune et présentent à juger des questions identiques. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité des jugements attaqués :

3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

4. Contrairement à ce que soutient la société Pino Elysées, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments invoqués par cette société, ont suffisamment motivé leurs jugements en exposant aux points 5 et 6 du jugement du 21 février 2019 et aux points 7 et 8 du jugement du 28 mars 2019 les motifs pour lesquels ils écartaient les moyens tirés de ce que la redevance réclamée ne tenait pas compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation d'occupation du domaine public et de l'illégalité de la fixation de droits annuels et forfaitaires, la charge de la preuve ne constituant pas un moyen autonome devant le juge du fond que le tribunal aurait omis d'examiner. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation des jugements attaqués doit être écarté.

Sur le bien-fondé des jugements :

En ce qui concerne la légalité externe :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " (...) 4° Quelle que soit sa forme, une ampliation du titre de recettes individuel ou de l'extrait du titre de recettes collectif est adressée au redevable (...) En application de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration, le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif mentionne les nom, prénoms et qualité de la personne qui l'a émis ainsi que les voies et délai de recours. Seul le bordereau de titres de recettes est signé pour être produit en cas de contestation (...) ". Aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci (...) ".

5. L'avis des sommes à payer valant ampliation des titres exécutoires mentionne le prénom, le nom et la qualité de la personne ayant rendu les titres exécutoires, Mme H... E.... Le justificatif de la signature électronique du bordereau des titres de recettes a été produit par la Ville de Paris. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées manque ainsi en fait.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " (...) Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrement indique les bases de la liquidation (...) ". Pour satisfaire à ces dispositions, un état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur.

7. L'avis des sommes à payer, valant ampliation du titre exécutoire, comporte en annexe un tableau récapitulatif ayant pour objet de détailler les droits de voirie dus par la société Pino Elysées pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2018, qui précise pour chacun d'eux le tarif au mètre carré, le nombre de mètres carrés et les montants qui en résultent pour chacune des terrasses et de la contre-terrasse exploitées par la requérante, en distinguant la partie de la terrasse ou contre-terrasse implantée dans le premier tiers du trottoir de la partie implantée hors tiers du trottoir. Cette annexe vise l'article L. 2213-6 du code général des collectivités territoriales et l'arrêté du 28 décembre 2017, par lequel la maire de Paris a fixé les nouveaux tarifs applicables aux droits de voirie à compter du 1er janvier 2018. Ce document, qui n'avait pas à préciser la largeur du trottoir, dès lors qu'il mentionne les surfaces situées dans le tiers et hors du tiers du trottoir qui fondent les droits de voirie, précise ainsi les éléments de calcul sur lesquels il se fonde de façon et permet à son destinataire de le contester. Dans ces conditions, le moyen tiré du défaut de mention des bases de liquidation dans le titre relatif à l'année 2018 manque en fait.

En ce qui concerne la légalité interne :

8. Aux termes de l'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 donne lieu au paiement d'une redevance (...) ". Aux termes de l'article L. 2125-3 du même code : " La redevance due pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation ".

S'agissant des parasols de plus de 3 m² :

9. En premier lieu, la société Pino Elysées soutient que le principe de l'application de droits de voirie additionnels au titre de l'installation de parasols de plus de 3 m², prévu par l'arrêté du maire de Paris du 13 janvier 2017 fixant les nouveaux tarifs applicables aux droits de voirie à compter du 1er janvier 2017 et l'arrêté du maire de Paris du 28 décembre 2017 fixant les nouveaux tarifs applicables aux droits de voirie à compter du 1er janvier 2018, n'est pas légalement justifié.

10. Il résulte de l'instruction que l'ensemble des tarifs tient compte de l'emplacement des terrasses sur le territoire de la Ville de Paris, résultant d'une classification des voies, de la surface de leur emprise, de leur implantation sur le trottoir et des dispositifs additionnels propres à chaque commerce, tels que le chauffage, les écrans de protection et les parasols. L'installation de parasols de plus de 3 m² participe à l'attractivité accrue des contre-terrasses, dont la période et la durée d'exploitation se trouvent élargies grâce à la protection que ces dispositifs assurent contre la pluie et le soleil, ce que ne conteste d'ailleurs pas la société Pino Elysées qui reconnaît que l'installation de parasols apporte une plus-value en améliorant la fréquentation. Dans ces conditions, la Ville de Paris pouvait légalement instaurer des droits additionnels pour les contre-terrasses, du fait de l'installation de parasols de plus de 3 m² qui procurent un avantage supplémentaire par rapport aux contre-terrasses non équipées.

11. En deuxième lieu, la société Pino Elysées soutient que les droits additionnels relatifs aux parasols de plus de 3 m² ne tiennent pas compte des avantages spécifiquement procurés par une telle installation, qui ne peuvent être déterminés, et que ces droits sont excessifs et discriminatoires. Toutefois, la société Pino Elysées, qui reconnait que l'installation de parasols de plus de 3 m² est de nature à améliorer l'attractivité de sa contre-terrasse, se borne à se prévaloir de l'emprise au sol de cette contre-terrasse et à alléguer qu'elle ne dispose pas d'éléments comptables permettant d'apprécier la plus-value apportée par les parasols. Elle ne produit aucun élément relatif à sa situation individuelle, qu'elle seule est en mesure de produire, permettant d'apprécier la rentabilité de ses installations et se borne à alléguer que l'avantage supplémentaire lié aux parasols, dont l'existence n'est pas contestée, ne serait pas quantifiable et à constater que le montant des droits additionnels représente le quart des montants réclamés pour l'emprise même de la contre-terrasse. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que les droits additionnels relatifs aux parasols de plus de 3 m² ne tiendraient pas compte des avantages procurés par une telle installation et seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques. Pour les mêmes motifs, il ne résulte pas de l'instruction que ces droits seraient excessifs et discriminatoires.

12. En troisième lieu, la société Pino Elysées soutient que les arrêtés du 13 janvier 2017 et du 28 décembre 2017 sont illégaux, dès lors qu'ils ne tiennent pas compte de l'utilisation saisonnière des parasols de plus de 3 m², qui ne peuvent être utilisés qu'une partie de l'année, seule la période d'utilisation devant être prise en compte. Toutefois, la circonstance que les parasols de plus de 3 m² ne seraient utilisés que durant une partie de l'année ne fait pas obstacle à ce qu'ils donnent lieu à une redevance calculée forfaitairement et annuellement, le tarif ainsi fixé procédant d'une péréquation entre les différents mois de l'année. Dans ces conditions, la société Pino Elysées n'est pas fondée à soutenir qu'en prévoyant que les droits de voirie additionnels sont appréciés annuellement, de façon forfaitaire et indivisible, les arrêtés précités ne tiendraient pas compte des avantages procurés aux titulaires d'autorisations d'occupation du domaine public et seraient entachés d'erreur manifeste d'appréciation dans la fixation du montant des tarifs.

13. En quatrième lieu, la société Pino Elysées soutient que le titre est entaché d'erreur de fait, dès lors que la Ville de Paris n'apporte pas la preuve de l'installation de parasols au cours des années 2017 et 2018, de surcroît sur la totalité de l'emprise de la contre-terrasse, alors que le droit de voirie additionnel doit correspondre à la surface totale déployée par dispositif à usage de parasol ou couvertures en toile sur pied selon les arrêtés du 13 janvier 2017 et du 28 décembre 2017. Toutefois, la société Pino Elysées a réglé les droits additionnels relatifs aux parasols au titre des années 2012 à 2016 sans jamais informer la Ville de Paris qu'elle entendait supprimer ces dispositifs pour ne plus s'acquitter de ces droits en 2017. En outre, la Ville de Paris produit une photographie du compte Facebook de la société datée du 10 juin 2017 qui fait apparaitre une contre-terrasse intégralement couverte par un large parasol et une photographie du 12 avril 2018 faisant également apparaitre une couverture intégrale de la contre-terrasse. Face à ces éléments concordants, la société Pino Elysées n'apporte aucune justification, qu'elle seule est en mesure de produire, quant aux dates auxquelles elle aurait installé et retiré ses parasols. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que les titres seraient entachés d'erreur de fait.

14. En cinquième lieu, la société Pino Elysées soutient qu'elle est fondée à demander une proratisation des droits de voirie, dès lors que l'autorisation d'occupation du domaine public que lui a délivré la maire de Paris le 23 mai 2011 ne l'autorise à installer une contre-terrasse temporaire qu'entre le 1er avril et le 3ème dimanche du mois d'octobre. Toutefois, la Ville de Paris a produit l'autorisation d'installation d'une contre-terrasse accordée à la société Pino Elysées le 4 janvier 2013, qui ne restreint plus l'installation à la période invoquée. Dans ces conditions, le moyen doit, en tout état de cause, être écarté.

S'agissant de la majoration de tarif applicable à la contre-terrasse et aux terrasses fermées excédant 20 m² :

15. Les annexes à l'arrêté du 13 janvier 2017 fixant les nouveaux tarifs applicables aux droits de voirie à compter du 1er janvier 2017 et à l'arrêté du 28 décembre 2017 fixant les nouveaux tarifs applicables aux droits de voirie à compter du 1er janvier 2018 prévoient que " L'ensemble des étalages, terrasses ouvertes dans le tiers du trottoir, ou contre-étalages, contre-terrasses (y compris les contre-terrasses permanentes ou temporaires sur chaussée admises à titre exceptionnel) excédant 20 m², subit une majoration de tarif de 5 % (majoration s'appliquant sur la totalité de la surface taxée). Cette majoration est de 10 % pour toute surface totale excédant 30 m², 15 % pour toute surface totale excédant 40 m² et ainsi de suite à raison de 5 % par 10 m² supplémentaires sans que la majoration totale puisse excéder 40 % (...) ". Ces annexes disposent en outre : " (...) dans le tiers du trottoir, les terrasses fermées (...) dont la surface totale excède 20 mètres carrés, subissent une majoration de tarifs de 1 % (majoration s'appliquant sur la totalité de la surface taxée). Cette majoration croît à raison de 1 % par 10 mètres carrés supplémentaires sans que la majoration totale puisse excéder 8 % (...) ".

16. La société Pino Elysées soutient que la majoration de 40% du tarif ordinaire ainsi appliquée à sa contre-terrasse, dont la superficie est de 90 m², ou celle de 7 % des droits demandés pour les terrasses fermées, dont la surface totale est de 88 m², ne sont pas fondées sur des critères objectifs et rationnels, sont sans rapport avec l'avantage procuré et procèdent d'une double taxation. Toutefois, il résulte de l'instruction que cette majoration en fonction des surfaces est justifiée par le surcroît de visibilité et les possibilités d'exploitation élargies que procure une terrasse, ouverte ou fermée, d'une plus grande superficie, permettant par exemple d'augmenter les capacités d'accueil des groupes. Elle est ainsi objectivement justifiée et repose sur des considérations d'intérêt général que doit prendre en compte l'autorité en charge de la gestion du domaine public. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que la majoration appliquée en fonction des surfaces des terrasses ou contre-terrasses serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation ou confiscatoire, compte tenu de l'avantage supplémentaire procuré à l'exploitant par une terrasse de plus grande superficie. En outre, la société Pino Elysées ne peut utilement se prévaloir d'une double taxation, dès lors que les redevances d'occupation du domaine public ne constituent pas des taxes. Enfin, dès lors que la majoration en litige est objectivement justifiée par des considérations d'intérêt général et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation, la société Pino Elysées n'est pas fondée à se prévaloir d'une rupture d'égalité et d'une atteinte injustifiée au principe de liberté du commerce et de l'industrie.

17. A cet égard, la société Pino Elysées n'est pas fondée à soutenir, pour contester les droits de voirie relatifs à l'année 2018, que la majoration précitée est injustifiée en ce qui concerne les installations situées dans le tiers du trottoir, au motif que cette restriction permet déjà d'atteindre l'objectif d'amélioration de la circulation des piétons, dès lors que les deux dispositions n'ont pas le même objet, l'une ayant pour objet de limiter l'implantation des installations sur la largeur du trottoir afin de laisser au domaine public une largeur suffisante pour remplir sa fonction première, l'autre ayant pour objet de tenir compte des avantages supplémentaires précédemment mentionnés, liés à une terrasse de plus grande superficie.

18. Il résulte de tout ce qui précède que la société Pino Elysées n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes. Ses conclusions à fin d'annulation de ces jugements et des titres exécutoires attaqués et à fin de décharge de l'obligation de payer les sommes contestées doivent dès lors être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

19. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

20. Les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Ville de Paris, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Pino Elysées demande au titre des frais qu'elle a exposés. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la société Pino Elysées, qui est la partie perdante, la somme de 3 000 euros au titre des frais que la Ville de Paris a exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de la société Pino Elysées sont rejetées.

Article 2 : La société Pino Elysées versera à la Ville de Paris la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Pino Elysées et à la Ville de Paris.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme F..., présidente de chambre,

- M. Legeai, premier conseiller,

- M. G..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2020.

Le rapporteur,

F. G...La présidente,

S. F...Le greffier,

M. B...La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA01400, 19PA01602


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01400
Date de la décision : 30/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

24-01-02-01-01-04 Domaine. Domaine public. Régime. Occupation. Utilisations privatives du domaine. Redevances.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : FALALA

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-06-30;19pa01400 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award