Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière (SCI) SD 31 a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de la retenue à la source à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2012, ainsi que des majorations correspondantes.
Par un jugement n° 1708284 en date du 27 novembre 2018, le Tribunal administratif de Paris, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande de la SCI SD 31 à concurrence de la somme de 2 178 euros correspondant au dégrèvement accordé par l'administration en cours d'instance, a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 28 janvier 2019 et un mémoire en réplique enregistré le 30 septembre 2019, la SCI SD 31, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1708284 du Tribunal administratif de Paris en date du 27 novembre 2018, en tant qu'il lui est défavorable ;
2°) de prononcer la décharge de la retenue à la source à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2012, ainsi que des majorations correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société requérante soutient que :
- une société civile non soumise à l'impôt sur les sociétés n'entre pas dans le champ des articles 108 et suivants du code général des impôts ;
- la somme de 330 000 euros ne peut donc pas constituer un revenu distribué au sens de l'article 111 c dudit code.
- l'administration ne peut pas se prévaloir des dispositions des articles 8, 218 bis et 238 bis K dès lors qu'elle n'a pas réintégré la somme en litige au résultat de la SCI SD 31 et n'a donc pas rehaussé les résultats de son associé soumis à l'impôt sur les sociétés, la SARL Nautilus ;
- le bénéficiaire de la somme n'a aucun lien avec la SCI SD 31 ou avec la SARL Nautilus ;
- une distribution occulte, qui plus est attribuée à un tiers, ne constitue pas un dividende au sens de l'article 9 de la convention fiscale conclue entre la France et la Grèce ;
- en application de l'article 20 de cette convention, la somme ne pouvait être imposée qu'en Grèce, pays de résidence du bénéficiaire ;
- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées ;
- elles ne pouvaient pas être appliquées dès lors que la SCI SD 31 n'a pas souscrit la déclaration prévue par l'article 381 A de l'annexe III au code général des impôts.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 août 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention fiscale conclue entre la France et la Grèce du 21 août 1963 ;
- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de
covid-19 ;
- la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif modifiée ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI SD 31, qui était détenue à plus de 90 % par la société à responsabilité limitée Nautilus, a fait l'objet d'un contrôle sur place portant sur les années 2012 et 2013. Au cours de ce contrôle, l'administration a notamment estimé que le versement d'une somme de 330 000 euros à M. C... D... constituait une distribution occulte au sens des dispositions du c) de l'article 111 du code général des impôts et, le bénéficiaire résidant en Grèce, a assujetti la SCI SD 31 à une retenue à la source sur le fondement du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, assortie de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue par l'article 1729 du même code. Par un jugement du 27 novembre 2018, le Tribunal administratif de Paris, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande de la SCI SD 31 à concurrence de la somme de 2 178 euros correspondant au dégrèvement accordé en cours d'instance par l'administration, a rejeté le surplus de sa demande de décharge de cette retenue à la source et des pénalités correspondantes. La SCI SD 31 fait appel de ce jugement en tant qu'il lui est défavorable.
2. En premier lieu, d'une part, aux termes du c) de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme des revenus distribués : (...) les rémunérations et avantages occultes ". D'autre part, en vertu des articles 8, 218 bis et 238 bis K du même code, les personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés sont imposables à raison des bénéfices, déterminés selon les règles prévues pour l'impôt sur les sociétés, réalisés par les sociétés de personnes dont elles sont associées, dans la mesure des parts qu'elles détiennent.
3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le versement d'une rémunération ou d'un avantage occulte par une société de personnes dont des personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés détiennent une part des droits sociaux correspond, dans la mesure de cette part, à une distribution de revenus imposable chez le bénéficiaire de cette rémunération dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que le rehaussement correspondant des résultats de la société de personnes a ou non suffi à rendre bénéficiaires les résultats imposables à l'impôt sur les sociétés de ses associés.
4. Il en résulte que la circonstance que la société requérante, qui était détenue à plus de 90 % par une société de capitaux, soit une société de personnes relevant de l'article 8 du code général des impôts ne fait pas obstacle à ce que la somme qu'elle a versée à M. D... soit regardée comme une rémunération ou un avantage occulte au sens du c) de l'article 111 du code général des impôts et, par suite, comme un revenu distribué quand bien même elle n'en aurait pas tenu compte dans la fixation du bénéfice imposable de la société qui les a consentis.
5. En deuxième lieu, d'une part, aux termes du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (...) ". Il résulte de ces dispositions que les distributions visées à l'article 111 du code général des impôts sont imposables entre les mains de la société distributrice établie en France lorsqu'elles sont appréhendées par une personne domiciliée hors de ce pays.
6. D'autre part, aux termes de l'article 9 de la convention fiscale conclue entre la France et la Grèce du 21 août 1963 : " 1. Les dividendes distribués par une société résidente de l'un des deux Etats contractants sont imposables dans cet Etat. (...) 2. Sont considérés comme " dividendes " au sens du paragraphe 1 ci-dessus les produits d'actions, de parts de fondateur et de parts bénéficiaires ainsi que les revenus d'autres parts sociales imposées comme les revenus d'actions, d'après la législation fiscale de l'Etat dont la société distributrice est la résidente. " Aux termes de l'article 20 de cette convention : " Les revenus non mentionnés aux articles précédents ne sont imposables que dans l'Etat contractant dont le bénéficiaire est le résident à moins que ces revenus ne se rattachent à l'activité d'un établissement stable que ce bénéficiaire posséderait dans l'autre Etat contractant ".
7. Les avantages occultes au sens du c) de l'article 111 du code général des impôts n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 9 de la convention, tel qu'il est défini au 2 de cet article. Ils ne sont mentionnés dans aucun des autres articles précédant l'article 20 de la convention. Par suite, ils ne sont imposables, en application de cet article, que dans l'État du domicile fiscal du bénéficiaire. Ainsi, la SCI SD 31 est fondée à soutenir que les stipulations de la convention fiscale conclue entre la France et la Grèce font obstacle à ce que la somme de 330 000 euros qu'elle a versée à un résident grec soit imposée en France.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI SD 31 est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge de la retenue à la source à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre la somme de 1 500 euros à la charge de l'État, au titre de l'article L. 7611 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La SCI SD 31 est déchargée de la retenue à la source à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.
Article 2 : Le jugement n° 1708284 du Tribunal administratif de Paris en date du 27 novembre 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à la SCI SD 31 la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière (SCI) SD 31 et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur général des finances publiques d'Île-de-France et de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques - service du contentieux d'appel déconcentré).
Délibéré après l'audience du 11 juin 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Poupineau, président,
- Mme Lescaut, premier conseiller,
- M. A..., premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 juin 2020.
Le président,
V. POUPINEAU
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19PA00492 4