Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 18 juillet 2018 par laquelle le conseil médical de l'aéronautique civile a déclaré non imputable au service aérien son inaptitude médicale définitive à exercer la profession de navigant comme personnel navigant technique.
Par un jugement n° 1816836/6-2 du 14 mai 2019, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 18 juillet 2018.
Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires enregistrés les 10 juillet 2019, 11 décembre 2019 et 20 mars 2020, le ministre de la transition écologique et solidaire demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de première instance de Mme B....
Il soutient que :
- les dispositions des articles L. 6526-5 du code des transports et R. 426-17 du code de l'aviation civile instituent un régime de protection particulier au profit du personnel navigant technique et commercial, qui ne s'applique qu'en cas d'accident aérien ou de maladie imputable au service aérien ; couvrant des risques spécifiques, il ne peut bénéficier à Mme B... dès lors que la maladie professionnelle dont elle souffre ne résulte pas de sujétions ou de risques inhérents au service aérien ;
- les premiers juges ont inexactement qualifié les faits de l'espèce en considérant que le syndrome anxio-dépressif de Mme B... était imputable au service aérien dès lors qu'il était en lien avec la dégradation de ses conditions de travail au sein de la société Corsair ;
- les éléments produits au dossier n'établissent pas que Mme B... aurait été victime de discrimination au sein de la société Corsair.
Par mémoires enregistrés les 25 octobre 2019, 10 janvier 2020, 3 mars 2020 et 20 mai 2020, Mme B..., représentée par Me G..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'intervention volontaire de la société Corsair est irrecevable, dès lors qu'elle ne justifie d'aucun intérêt à intervenir, ses droits n'étant pas lésés par la décision litigieuse ;
- les moyens soulevés par le ministre et la société Corsair ne sont pas fondés.
Par quatre mémoires en intervention enregistrés les 20 novembre 2019, 5 décembre 2019, 5 février 2020 et 29 mai 2020, la société Corsair, représentée par Me D... et Me F..., demande à la cour de faire droit aux conclusions de la requête.
La clôture de l'instruction est intervenue le 1er juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'aviation civile ;
- le code des transports ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,
- les observations de Mes Lafale et F..., représentant la société Corsair,
- et les observations de Me G..., représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B... a été recrutée en qualité d'officier pilote de ligne par la compagnie aérienne Corsair le 4 septembre 1994. Elle est placée en arrêt de travail à compter du 16 février 2016 en raison d'un syndrome anxio-dépressif. Le 20 septembre 2017, elle est déclarée définitivement inapte à la profession de navigante par le Conseil médical de l'aéronautique civile (CMAC), et est licenciée le 4 janvier 2018. Mme B... a ensuite demandé la reconnaissance de l'imputabilité au service de son inaptitude. Par décision du 2 mai 2018, le CMAC a estimé que l'inaptitude définitive de l'intéressée n'était pas imputable au service aérien. Par courrier du 16 mai 2018, elle a demandé le réexamen de sa demande. Par une décision du 18 juillet 2018, le CMAC a confirmé sa décision initiale. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler cette dernière décision. Par un jugement du 14 mai 2019 dont le ministre de la transition écologique et solidaire relève appel, le tribunal a annulé la décision du 18 juillet 2018.
Sur la demande d'intervention de la société Corsair :
2. Si la société Corsair entend intervenir à l'appui des conclusions de la requête d'appel du ministre de la transition écologique et solidaire, elle ne justifie pas d'un intérêt suffisant à cette fin, eu égard à la nature et à l'objet du litige. Par suite, son intervention n'est pas admise.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article L. 6526-5 du code des transports : " Lorsqu'un accident aérien survenu en service ou lorsqu'une maladie imputable au service et reconnue comme telle par la commission mentionnée à l'article L. 6511-4 ont entraîné le décès, ou une incapacité permanente totale au sens de la législation relative à la réparation des accidents du travail, une indemnité en capital est versée à l'intéressé ou à ses ayants droit par la caisse créée en application de l'article L. 6527-2. / Est considéré comme accident aérien tout accident du travail survenu à bord d'un aéronef. Un décret en Conseil d'Etat définit les événements ou les circonstances, directement liés au transport aérien ou à la formation des personnels navigants, assimilables à des accidents aériens. (...) ". Aux termes de l'article L. 6526-6 du même code : " Si l'incapacité résultant des causes mentionnées à l'article L. 6526-5 entraîne seulement l'inaptitude permanente à exercer la profession de navigant, la caisse de retraites verse à l'intéressé une somme en capital ".
4. Il résulte des dispositions précitées qu'est considéré comme un accident aérien survenu en service susceptible d'ouvrir droit au bénéfice de l'indemnité en capital prévue par les mêmes dispositions un accident du travail survenu à bord d'un aéronef. En revanche, le bénéfice de cette indemnité n'est pas subordonné, en cas de maladie imputable au service, à la condition qu'elle ait été contractée à bord d'un aéronef ou soit spécifiquement liée au service aérien.
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a développé un syndrome anxio-dépressif, à partir de 2016, en lien avec les conditions d'exercice de son métier de pilote de ligne au sein de la société Corsair. Un compte-rendu d'examen médico-psychologique rédigé le 25 juillet 2017 par un médecin de l'hôpital d'instruction des armées Percy de Clamart conclut ainsi que l'intéressée a subi un " épuisement psychophysiologique en réaction à des facteurs de stress concernant des troubles relationnels au travail non directement liés à l'aéronautique mais au final, ayant entraîné un trouble de l'adaptation au milieu ". Les différents documents médicaux produits au dossier évoquent de la même manière un lien entre l'état de santé de Mme B... et la souffrance qu'elle ressent sur son lieu de travail. S'il conteste l'existence d'une situation de discrimination visant l'intéressée au sein de la compagnie qui l'employait depuis 1994, le ministre de la transition écologique et solidaire ne conteste pas que la maladie de Mme B... trouve son origine dans son vécu professionnel. Par ailleurs, comme il a été dit au point 4 du présent arrêt, la circonstance que sa maladie ne serait pas spécifique aux sujétions propres au service aérien n'est pas de nature à écarter le bénéfice, pour l'intéressée, des dispositions de l'article L. 6526-5 du code des transports. Par suite, le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du CMAC du 18 juillet 2018 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'inaptitude définitive de Mme B....
Sur les frais liés au litige :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros à Mme B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : L'intervention de la société Corsair n'est pas admise.
Article 2 : La requête du ministre de la transition écologique et solidaire est rejetée.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à Mme B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et solidaire, à Mme A... B... et à la société Corsair.
Délibéré après l'audience du 9 juin 2020, à laquelle siégeaient :
- M. E..., premier vice-président,
- Mme Jayer, premier conseiller,
- Mme C..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 23 juin 2020.
Le rapporteur,
G. C...Le président,
M. E...
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA02213