La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/06/2020 | FRANCE | N°19PA01911

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 23 juin 2020, 19PA01911


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Syndicat SUD Commerces et services d'Ile-de-France, l'Union syndicale CGT du Commerce, de la Distribution et des Services de Paris, le Syndicat des Employés du Commerce et des Interprofessionnels - UNSA et le Syndicat Commerce Indépendant et Démocratique, ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 23 août 2018 modifiant l'arrêté du 25 septembre 2015 délimitant une zone touristique internationale à Paris dénommée " Champs-Elysées Montaigne " en application de l'article L.

3132-24 du code du travail.

Par un jugement n° 1818893 du 16 avril 2019, le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Syndicat SUD Commerces et services d'Ile-de-France, l'Union syndicale CGT du Commerce, de la Distribution et des Services de Paris, le Syndicat des Employés du Commerce et des Interprofessionnels - UNSA et le Syndicat Commerce Indépendant et Démocratique, ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 23 août 2018 modifiant l'arrêté du 25 septembre 2015 délimitant une zone touristique internationale à Paris dénommée " Champs-Elysées Montaigne " en application de l'article L. 3132-24 du code du travail.

Par un jugement n° 1818893 du 16 avril 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 juin 2019, le Syndicat SUD Commerces et services d'Ile-de-France, l'Union syndicale CGT du Commerce, de la Distribution et des Services de Paris, le Syndicat des Employés du Commerce et des Interprofessionnels - UNSA et le Syndicat Commerce Indépendant et Démocratique, représentés par Me C..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1818893 du 16 avril 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 août 2018 de la ministre du travail, du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'Europe et des affaires étrangères modifiant l'arrêté du 25 septembre 2015 ; à titre subsidiaire, d'annuler l'arrêté attaqué en ce qu'il a inclus dans la zone touristique internationale l'avenue des Ternes en totalité et l'avenue de Wagram dans sa partie comprise entre la rue La Boétie et la place des Ternes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 600 euros à verser à chacun des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens comprenant le droit de plaidoirie.

Ils soutiennent que :

- la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure, faute pour les organisations syndicales intéressées d'avoir été régulièrement consultées conformément aux stipulations de l'article 7 de la C106 de l'Organisation internationale du travail (OIT) ; elles n'ont pas disposé des données de fait nécessaires pour rendre des avis éclairés, n'ont pas bénéficié de suffisamment de temps pour l'étude de la demande de dérogation et toutes les organisations intéressées n'ont pas été consultées ;

- la décision est entachée d'erreur de droit, les critères de l'article R. 3131-21-1 du code du travail devant s'apprécier au niveau de la seule zone d'extension et pas au niveau de la zone dans son intégralité ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des quatre critères cumulatifs du rayonnement international, des infrastructures de transport d'importance nationale ou internationale, d'affluence exceptionnelle de touristes résidant hors de France et de l'absence de flux important d'achats effectués par des touristes résidant hors de France ;

- elle méconnait le principe de libre concurrence et le principe d'égalité ;

- les effets de l'annulation demandée ne doivent pas être différés dans le temps.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2019, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce que les effets de l'annulation de l'arrêté litigieux soient différés dans le temps.

Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 6 février 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Convention internationale du travail n° 106 concernant le repos hebdomadaire dans le commerce et les bureaux adoptée à Genève le 26 juin 1957 ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant le Syndicat SUD Commerces et services d'Ile-de-France, l'Union syndicale CGT du Commerce, de la Distribution et des Services de Paris, le Syndicat des Employés du Commerce et des Interprofessionnels - UNSA et le Syndicat Commerce Indépendant et Démocratique.

Considérant ce qui suit :

1. Par jugement du 19 avril 2018, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 25 septembre 2015 délimitant une zone touristique internationale (ZTI) dénommée " Maillot-Ternes " à Paris en différant les effets de l'annulation à la date d'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la notification du jugement. Par un arrêté du 23 août 2018 des ministres de l'économie et des finances, du travail et de l'Europe et des affaires étrangères, une ZTI dénommée " Champs-Elysées Montaigne " a été délimitée à Paris, en application de l'article L. 3132-24 du code du travail. Le Syndicat SUD Commerces et services d'Ile-de-France, l'Union syndicale CGT du Commerce, de la Distribution et des Services de Paris, le Syndicat des Employés du Commerce et des Interprofessionnels - UNSA et le Syndicat Commerce Indépendant et Démocratique en ont demandé l'annulation au tribunal administratif de Paris. Ils relèvent appel du jugement du 16 avril 2019 par lequel ce tribunal a rejeté leur demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 3132-24 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité de chances économiques : " I- Les établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services et qui sont situés dans les zones touristiques internationales peuvent donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel, dans les conditions prévues aux articles L. 3132-25-3 et L. 3132-25-4. / II. - Les zones touristiques internationales sont délimitées par les ministres chargés du travail, du tourisme et du commerce, après avis du maire et, le cas échéant, du président de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune est membre ainsi que des organisations professionnelles d'employeurs et des organisations syndicales de salariés intéressées, compte tenu du rayonnement international de ces zones, de l'affluence exceptionnelle de touristes résidant hors de France et de l'importance de leurs achats. (...) ". En vertu de l'article R. 3132-21-1 du même code : " I- Les zones touristiques internationales prévues à l'article L. 3132-24 sont délimitées par un arrêté des ministres chargés du travail, du tourisme et du commerce. II.- Pour l'application des dispositions de l'article L. 3132-24, sont pris en compte les critères suivants : 1° Avoir un rayonnement international en raison d'une offre de renommée internationale en matière commerciale ou culturelle ou patrimoniale ou de loisirs ; 2° Etre desservie par des infrastructures de transports d'importance nationale ou internationale ; 3° Connaître une affluence exceptionnelle de touristes résidant hors de France ; 4° Bénéficier d'un flux important d'achats effectués par des touristes résidant hors de France, évalué par le montant des achats ou leur part dans le chiffre d'affaires total de la zone. ".

En ce qui concerne la légalité externe :

3. Les syndicats requérants soutiennent, au visa de l'article 7.4 de la Convention n° 106 de l'Organisation internationale du travail qui stipule que " Toute mesure portant sur l'application des dispositions des paragraphes 1, 2 et 3 du présent article devra être prise en consultation avec les organisations représentatives des employeurs et des travailleurs intéressés, s'il en existe ", que la consultation prévue au II de l'article L. 3132-24 du code du travail est irrégulière, faute de temps pour y répondre, de communication des données de fait nécessaires et pertinentes pour rendre des avis éclairés et parce que toutes les organisations intéressées n'ont pas été consultées. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, contrairement à ce qui est soutenu, les organisations syndicales et patronales représentatives ont été consultées sur le projet d'arrêté par les ministres du travail et de l'économie et des finances qui les ont avisées du projet d'extension du périmètre de la ZTI " Champs-Elysées Montaigne " à l'avenue des Ternes à la suite de l'annulation de l'arrêté du 25 septembre 2015 délimitant la ZTI Maillot-Ternes par le jugement susvisé du tribunal administratif de Paris du 19 avril 2018. Les courriers, adressés en date du 31 juillet 2018, ont été reçus le 2 août suivant et leurs destinataires invités à produire leurs observations pour le 20 août 2018, le délai de dix-huit jours ainsi accordé étant, dès lors, suffisant. En l'absence de dispositions légales ou réglementaires faisant obligation à l'administration de motiver sa demande d'avis et d'y joindre une étude d'impact ou tout autre document, l'absence de communication d'une telle étude est sans incidence sur la régularité de la consultation. Enfin, il ressort des pièces du dossier, et notamment des 85 accusés de réception produits au dossier, que la consultation des organisations syndicales représentatives a été la plus large ainsi que l'ont relevé les premiers juges ; seules les organisations directement intéressées devaient être consultées, ce qui exclut celles représentant employeurs et salariés des commerces alimentaires relevant d'un autre régime dérogatoire, et ce sans que soit opposable à l'administration l'articulation entre fédérations, unions et confédérations dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les ministres auraient volontairement procédé à un choix sélectif des destinataires des courriers qui aurait fait obstacle à la manifestation des avis requis.

En ce qui concerne la légalité interne :

4. D'une part, l'article L. 3132-24 du code du travail sur le fondement duquel a été pris l'arrêté attaqué a pour objet de déroger à l'article L. 3132-3 du même code aux termes duquel : " Dans l'intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche ". Par suite, s'agissant d'un régime d'exception, les conditions d'application dudit article, telles qu'elles résultent de l'article R. 3132-21-1 du même code, doivent être d'interprétation stricte et soumises au contrôle normal du juge. D'autre part, il ressort de ces dispositions que, pour procéder à la création d'une zone touristique internationale, les ministres compétents doivent se livrer à une appréciation globale du respect des critères susmentionnés au sein de la zone géographique en cause.

5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des chiffres contemporains de la décision attaquée communiqués par l'administration, que la zone touristique internationale à Paris dénommée " Champs-Elysées Montaigne " comprend l'avenue des Champs-Elysées laquelle présente une forte attractivité touristique au niveau international ainsi que des rues et artères adjacentes constituant un ensemble cohérent par rapport au flux touristique international piétonnier. Dans le prolongement de la rue du Faubourg Saint Honoré où sont situés de nombreux magasins de luxe, l'avenue des Ternes -qui s'est transformée au cours des vingt dernières années- accueille désormais de nombreux commerces, des immeubles de type Art déco et Art nouveau présentant un intérêt architectural et l'intégration d'une partie de l'avenue de Wagram, à proximité des Champs Elysées qui permet l'effet dit de " bord " souhaité par le législateur, n'apparait pas aberrante. A l'instar de l'ensemble du territoire de la ville de Paris, le secteur est desservi par des aéroports et gares d'envergure internationale et la zone proprement dite dispose d'un réseau dense de transports urbains la desservant. Par ailleurs, selon une étude de la DGE réalisée en octobre et novembre 2018, 78 000 visiteurs étrangers fréquentent la zone chaque jour pour une moyenne de 50 000 par ZTI parisienne, soit 21 % de visiteurs étrangers pour la ZTI Champs Elysées, ce pourcentage augmentant à 35 % pour la journée du dimanche. Les clients étrangers réalisent le dimanche 55% de la totalité des achats dans les magasins ouverts pour un montant deux fois plus élevé que les Français, soit un montant moyen de l'ordre de 287 euros. Il en résulte que la zone, prise dans son ensemble, souscrit à l'ensemble des critères susvisés. En conséquence, les moyens tirés de l'erreur de droit et de la méconnaissance des articles L. 3132-24 et R. 3132-21-1 du code du travail, doivent être écartés.

6. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point précédent, le Syndicat Sud Commerces et services d'Ile-de-France, l'Union syndicale Cgt du Commerce, de la Distribution et des Services de Paris, le Syndicat des Employés du Commerce et des Interprofessionnels - Unsa et le Syndicat Commerce Indépendant et Démocratique ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêté litigieux est entaché d'erreur d'appréciation.

7. En dernier lieu, si le moyen tiré de l'atteinte illicite au principe de libre concurrence et au principe d'égalité au motif que l'inclusion de la Fnac des Ternes dans la zone créée serait à l'origine d'un report de clientèle affectant les librairies voisines, est opérant, la portée de la vérification du principe ne peut servir qu'à vérifier et censurer, in concreto, un tracé aberrant de la zone qui ne ressort pas des pièces du dossier. Ainsi, alors au surplus que la Fnac bénéficie de son propre régime dérogatoire, en se bornant à arguer que les librairies concurrentes hors périmètre vont perdre une partie de leur clientèle -au demeurant différente de celle de la Fnac-, les syndicats requérants ne sont pas fondés à soutenir que les principes invoqués ont été méconnus.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le Syndicat Sud Commerces et services d'Ile-de-France, l'Union syndicale Cgt du Commerce, de la Distribution et des Services de Paris, le Syndicat des Employés du Commerce et des Interprofessionnels - Unsa et le Syndicat Commerce Indépendant et Démocratique ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du Syndicat SUD Commerces et services d'Ile-de-France, de l'Union syndicale CGT du Commerce, de la Distribution et des Services de Paris, du Syndicat des Employés du Commerce et des Interprofessionnels - UNSA et du Syndicat Commerce Indépendant et Démocratique est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêté sera notifié au Syndicat SUD Commerces et services d'Ile-de-France, à l'Union syndicale CGT du Commerce, de la Distribution et des Services de Paris, au Syndicat des Employés du Commerce et des Interprofessionnels - UNSA, au Syndicat Commerce Indépendant et Démocratique, au ministre de l'économie et des finances, au ministre de l'Europe et des affaires étrangères et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience publique du 9 juin 2020 à laquelle siégeaient :

- M. B..., premier vice-président,

- Mme A..., premier conseiller,

- Mme Mornet, premier conseiller.

Lu en audience publique le 23 juin 2020.

Le rapporteur,

M-D... A... Le président,

M. B...

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

2

N° 19PA01911


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01911
Date de la décision : 23/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-03-02 Travail et emploi. Conditions de travail. Repos hebdomadaire.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : LECOURT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-06-23;19pa01911 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award