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23/06/2020 | FRANCE | N°19PA01873

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 23 juin 2020, 19PA01873


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... G... épouse E... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser la somme totale de 43 115,50 euros en réparation de préjudices subis à la suite de sa prise en charge au centre hospitalier universitaire Bichat.

Par un jugement n°1815540 du 5 avril 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 juin 2019, Mme G... épouse E...,

représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1815540 du 5 avril...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... G... épouse E... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser la somme totale de 43 115,50 euros en réparation de préjudices subis à la suite de sa prise en charge au centre hospitalier universitaire Bichat.

Par un jugement n°1815540 du 5 avril 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 juin 2019, Mme G... épouse E..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1815540 du 5 avril 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser la somme totale de 43 115,50 euros en réparation des préjudices subis à la suite de sa prise en charge au centre hospitalier universitaire Bichat ;

3°) de mettre à la charge de l'AP-HP la somme totale de 7 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés en première instance et en appel.

Elle soutient que :

- la responsabilité de l'AP-HP est engagée en raison d'un défaut de prise en charge adaptée en postopératoire et de l'absence de détection d'une infection en dépit des signes cliniques qu'elle présentait ;

- elle l'est également en raison d'un défaut d'information sur les suites prévisibles et leur évolution ;

- enfin, l'AP-HP a commis une faute en ne transmettant pas à l'expert judiciaire son dossier médical malgré la demande de ce dernier ;

- le préjudice qu'elle a subi est constitué des frais d'expertise et d'assistance à expertise qu'elle a engagés à hauteur de la somme totale de 4 120 euros, par la nécessité d'avoir recours à l'assistance d'une tierce personne soit un montant indemnisable de 5 600 euros, d'un déficit fonctionnel temporaire évalué à la somme de 2 395,50 euros, d'un préjudice esthétique temporaire à indemniser à hauteur de la somme de 2 000 euros, de souffrances endurées évaluées à 8 000 euros, d'un déficit fonctionnel permanent évalué à 8 000 euros, d'un préjudice esthétique permanent à indemniser à hauteur de 3 000 euros et d'un préjudice sexuel évalué à 10 000 euros.

Par lettre du 10 février 2020, la cour, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, a fait connaître aux parties qu'elle était susceptible de soulever le moyen d'ordre public tiré de ce que le tribunal administratif a omis de statuer sur la charge définitive des frais de l'expertise.

Des observations en réponse à cette communication, ont été présentées le 11 février 2020 pour Mme G... épouse E....

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 février 2020, l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce que les dépens soient mis à la charge de Mme G... épouse E... ; à titre subsidiaire, à ce que le montant des sommes allouées soit réduit à de plus justes proportions.

Elle fait valoir que :

- aucune faute ne peut être identifiée dans la prise en charge de la patiente qui a nécessairement été informée de la possibilité de survenance des troubles dont elle a souffert dans un contexte où, en tout état de cause, aucun risque inhérent à un acte médical pratiqué ne s'est réalisé ; contrairement à ce que soutient Mme G... épouse E..., son dossier médical lui a été communiqué ;

- les préjudices dont la réparation est demandée trouvent leur origine dans le processus de poussées d'abcès dont la patiente a souffert à la suite de son accouchement et de la fin de l'allaitement et sont ainsi sans lien avec les fautes invoquées ;

- en rejetant les demandes indemnitaires, les premiers juges ont implicitement mis à la charge de la requérante les frais d'expertise constitutifs des dépens qui devront en tout état de cause être supportés par cette dernière.

La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône et à la société Gestassur, qui n'ont pas présenté d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Pena, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Après un accouchement, le 21 avril 2015, Mme G... épouse E... a souffert d'abcès récidivants au sein droit. Elle a alors été prise en charge à l'hôpital Bichat où elle a subi plusieurs interventions chirurgicales. Mme G... épouse E..., qui met en cause les soins dispensés par cet hôpital et leur suivi, a demandé la désignation d'un expert judiciaire. Au vu du rapport de l'expert déposé le 22 mars 2018, elle a formulé le 15 juin 2018 une réclamation indemnitaire préalable que l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) a implicitement rejetée. Elle relève appel du jugement du 5 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'indemnisation.

Sur la responsabilité de l'hôpital Bichat :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) " et aux termes de l'article R. 4127-33 du même code : " Le médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s'aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s'il y a lieu, de concours appropriés. ".

3. Mme G... épouse E... soutient que sa prise en charge par le service des urgences gynécologiques de l'hôpital Bichat a été défaillante, en l'absence de diagnostic et faute d'évacuation complète des abcès dont elle a souffert.

4. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que la requérante a souffert d'un engorgement mammaire post-partum et d'abcès récurrents du sein droit après arrêt de l'allaitement, évoluant par poussées et récidivant en dépit de plusieurs mises à plat chirurgicales et de traitements médicaux par antibiotiques. Selon l'expert, quand bien même les abcès ont-ils été successivement et correctement drainés, des poussées successives ont pu générer des récidives, en conséquence de quoi, l'évacuation réalisée au sein de l'hôpital Georges Pompidou n'est pas en rapport avec un oubli antérieur mais avec l'apparition d'un nouvel abcès, ainsi qu'en témoignent les échographies. Aucun manquement aux règles de l'art et aux bonnes pratiques ne peut ainsi être retenu à l'encontre de l'AP-HP au stade de la prise en charge de l'intéressée.

5. Mme G... épouse E... expose également qu'elle n'aurait pas bénéficié d'une prise en charge et d'un suivi appropriés après les interventions, en l'absence d'hospitalisation, cette faute étant révélée par le nombre de consultations aux urgences qu'elle dû effectuer.

6. Selon l'expert judiciaire, les abcès du sein survenant en post-partum sont toujours mal vécus par les patientes en raison de l'évolution par poussées successives avec un traitement qui parait toujours incomplet, ce qui nécessite le plus souvent plusieurs reprises chirurgicales, parfois assorties de nécroses cutanées avec perte de substance pouvant justifier des greffes. Dans un tel contexte, l'absence d'hospitalisation à titre préventif de la patiente -au demeurant mère d'un nouveau-né qui ne pouvait lui-même être hospitalisé-, à laquelle ont été prescrits des soins infirmiers quotidiens et qui a bénéficié de soins en ambulatoire, ne saurait être qualifiée de fautive. Par ailleurs, et aussi désagréable qu'ait pu être pour l'intéressée la nécessité de devoir consulter à plusieurs reprises aux urgences et d'y patienter longuement, il est constant que le suivi qu'elle a effectué de son propre chef a permis une évolution favorable des complications, ce dont il suit qu'aucun des préjudices dont elle se prévaut ne saurait être la conséquence des circonstances qu'elle invoque. Il en résulte, qu'à supposer même qu'un défaut de suivi puisse être reproché à l'AP-HP, aucune perte de chance ni aucun préjudice ne saurait être consécutif à la faute invoquée de ce chef.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen ".

8. Mme G... épouse E... ne critique pas précisément en appel le jugement en tant qu'il a écarté ce fondement de responsabilité. Par ailleurs, aucun des chefs de préjudice dont elle se prévaut n'est en lien direct avec la faute liée à un éventuel défaut d'information.

9. En dernier lieu, Mme G... épouse E... se prévaut de ce que l'AP-HP n'a pas transmis son dossier médical à l'expert médical, en dépit de la demande de ce dernier.

10. Il résulte toutefois de l'instruction que le dossier médical de la requérante, communiqué par son conseil, a été reçu par l'expert le 19 octobre 2017, soit antérieurement à l'expertise qui s'est tenue le 8 novembre 2017. Par suite, l'expert a pu le consulter et aucune faute ne saurait être caractérisée de ce chef.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme G... épouse E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les frais de l'instance :

En ce qui concerne les frais d'expertise :

12. Le tribunal administratif de Paris a omis de se prononcer sur la charge définitive des frais de l'expertise. Par suite, il y a lieu d'annuler dans cette mesure le jugement attaqué, d'évoquer sur ce point et de statuer sur la charge des frais d'expertise.

13. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre les frais de l'expertise, tels que liquidés et taxés par le juge des référés du tribunal administratif de Paris dans son ordonnance du 12 octobre 2018 à la somme de 2 310 euros, à la charge définitive de Mme G... épouse E....

En ce qui concerne les frais exposés et non-compris dans les dépens :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'AP-HP, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme G... épouse E... demande au titre des frais qu'elle a exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 5 avril 2019 est réformé en tant qu'il ne s'est pas prononcé sur la charge définitive des frais de l'expertise médicale ordonnée par le juge des référés.

Article 2 : La requête de Mme G... épouse E... est rejetée.

Article 3 : Les frais de l'expertise, tels que liquidés et taxés par le juge des référés du tribunal administratif de Paris le 12 octobre 2018 à la somme de 2 310 euros, sont mis à la charge définitive de Mme G... épouse E....

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... G... épouse E..., à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, à la société Gestassur et à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris.

Délibéré après l'audience publique du 9 juin 2020 à laquelle siégeaient :

- M. C..., premier vice-président,

- Mme B..., premier conseiller,

- Mme Mornet, premier conseiller.

Lu en audience publique le 23 juin 2020.

Le rapporteur,

M-H... B... Le président,

M. C...

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 19PA01873


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01873
Date de la décision : 23/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux. Absence de faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public.


Composition du Tribunal
Président : M. BERNIER
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : CABINET J.C.V.B.R.L.

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-06-23;19pa01873 ?
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