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22/06/2020 | FRANCE | N°19PA04120

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 22 juin 2020, 19PA04120


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Asie Bonheur a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision implicite par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a rejeté son recours du 19 février 2019 dirigé contre la décision du 23 janvier 2019 de l'OFII mettant à sa charge la contribution spéciale pour l'emploi irrégulier de travailleurs étrangers et la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement des travailleurs étrangers dans leurs pays d'origine.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Asie Bonheur a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision implicite par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a rejeté son recours du 19 février 2019 dirigé contre la décision du 23 janvier 2019 de l'OFII mettant à sa charge la contribution spéciale pour l'emploi irrégulier de travailleurs étrangers et la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement des travailleurs étrangers dans leurs pays d'origine.

Par une ordonnance n° 1905563 du 23 octobre 2019, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Melun a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions présentées par la société Asie Bonheur tendant à l'annulation des sanctions infligées à hauteur d'un montant de 60 477 euros et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 décembre 2019 et 18 février 2020, la société Asie Bonheur, représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1905563 du 23 octobre 2019 du président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Melun en tant qu'elle rejette le surplus de sa demande ;

2°) d'annuler la décision implicite née le 22 avril 2019 par laquelle l'OFII a rejeté son recours gracieux en date du 19 février 2019 formé contre la décision du 23 janvier 2019 ;

3°) d'enjoindre au directeur général de l'OFII de réexaminer le montant de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement des travailleurs étrangers dans leurs pays d'origine mises à sa charge ;

4°) de mettre à la charge de l'OFII la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande de première instance était recevable dès lors que son courrier en date du 14 décembre 2018 ne constituait pas un recours gracieux mais avait seulement pour objet de communiquer des pièces complémentaires ; la décision du 6 décembre 2018 ne comportait pas la mention des voies et délais de recours ; elle a respecté les voies et les délais de recours mentionnés par l'OFII dans sa décision du 23 janvier 2019 ; elle a ainsi formé un recours gracieux le 19 février 2019, reçu le 22 février suivant, et a saisi le tribunal le 17 juin 2019 soit dans le délai de recours contentieux courant à compter du 22 avril 2019, date à laquelle une décision implicite de rejet de son recours gracieux était née ;

- elle n'a pas eu connaissance du procès-verbal établi le 9 mars 2018 par les services de police ;

- la décision implicite rejetant son recours gracieux est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en raison des incohérences de l'OFII quant au nombre exact de travailleurs étrangers sur lequel il s'est fondé pour mettre à sa charge la contribution spéciale et la contribution forfaitaire des frais de réacheminement des travailleurs étrangers ; elle a établi que quatre des salariés étaient munis de titres les autorisant à travailler en France dont deux qui en tout état de cause n'étaient plus salariés de la société à la date du contrôle des services de police ; par ailleurs, M. E..., qui avait fait l'objet d'une déclaration préalable à l'embauche, n'a finalement jamais travaillé au sein du restaurant ; elle n'a pas eu connaissance de la situation irrégulière de Mme B... qui n'a travaillé que deux mois et qui n'était plus salariée le jour du contrôle ; M. C... était titulaire d'un récépissé de dépôt demande d'asile et n'était plus salarié de la société le jour du contrôle ; elle admet qu'elle ne disposait pas des titres de séjour de Mme F... et de M. A... qui avaient été recrutés en urgence pour des courtes périodes ;

- eu égard aux circonstances de l'espèce, le montant des sanctions en litige est disproportionné et inadapté ; l'OFII a méconnu le principe de proportionnalité et d'individualisation des peines découlant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- elle ne pourra pas s'acquitter de la somme de 100 795 euros sans être en situation de cessation de paiement et mettre un terme à son activité ; par suite, elle sollicite l'indulgence de la Cour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 janvier 2020, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me G..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Asie Bonheur au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme H...,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que par une décision du 6 décembre 2018, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à la charge de la société Asie Bonheur la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, d'un montant de 142 800 euros, ainsi que la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'un montant de 18 472 euros, pour l'emploi de huit travailleurs étrangers démunis d'autorisation de travail et de titre de séjour et qui n'avaient pas fait l'objet d'une déclaration préalable à l'embauche. Par un courrier en date du 14 décembre 2018, reçu par l'OFII le 19 décembre 2018, la société Asie Bonheur, par l'intermédiaire de son avocat, a formé un recours gracieux à l'encontre de cette décision. Par une décision en date du 23 janvier 2019, l'OFII a rejeté ce recours. Par une réclamation en date du 30 janvier 2019 adressée à la direction départementale des finances publiques, la société Asie Bonheur a contesté les titres de perception émis à son encontre le 17 décembre 2018 pour le recouvrement de la contribution spéciale et la contribution forfaitaire mises à sa charge par l'OFII. Par une décision en date du 15 février 2019, notifiée le 19 février suivant, l'OFII a rejeté cette réclamation. Par une lettre en date du 19 février 2019, reçue le 22 février suivant, la société Asie Bonheur a présenté un recours administratif à l'encontre de la décision du 23 janvier 2019 qui a été implicitement rejeté par l'OFII. Le 17 juin 2019, la société Asie Bonheur a saisi le tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle l'OFII a rejeté son recours reçu le 22 février 2019 dirigé contre la décision du 23 janvier 2019 rejetant son premier recours gracieux formé à l'encontre de la décision du 6 décembre 2018. Par une ordonnance du 23 octobre 2019, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Melun a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions présentées par la société Asie Bonheur tendant à l'annulation des sanctions infligées à hauteur d'un montant de 60 477 euros et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. La société Asie Bonheur relève appel de cette ordonnance en tant qu'elle rejette le surplus de sa demande.

2. Aux termes de l'article R. 4211 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...) ". L'article R. 4215 du même code dispose que : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

3. Pour contester le motif d'irrecevabilité opposé par le premier juge et tiré de la tardiveté de sa demande, la société Asie Bonheur soutient que la lettre en date du 14 décembre 2018 adressée à l'OFFI ne saurait être regardée comme un recours gracieux formé à l'encontre de la décision du 6 décembre 2018 du directeur général de l'OFII mettant à sa charge les contributions spéciale et forfaitaire représentative des frais de réacheminement. Toutefois, il ressort des termes de cette lettre, qu'après avoir mentionné la décision du 6 décembre 2018, le conseil de la société Asie Bonheur, d'une part, faisait valoir que trois travailleurs étrangers parmi les huit travailleurs retenus par l'OFII pour déterminer le montant des sanctions financières disposaient de titres de séjour et que trois autres travailleurs étrangers ne travaillaient plus pour la société à la date du contrôle des services de police et, d'autre part, admettait que la société ne disposait pas des titres de séjour des deux derniers travailleurs étrangers. La copie des trois titres de séjour mentionnés était jointe à cette lettre. Au regard du contenu de cette lettre, c'est à juste titre que la société a été regardée comme contestant le montant de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement mises à sa charge et ainsi comme formant un recours gracieux contre la décision de l'OFII du 6 décembre 2018. Ce recours administratif a été rejeté par une décision de l'OFII en date du 23 janvier 2019, notifiée le 24 janvier 2019, qui mentionnait les voies et délais de recours et précisait en particulier qu'en cas de rejet du recours gracieux, " un nouveau délai de deux mois, à partir de la notification de rejet, est ouvert pour saisir le cas échéant le tribunal administratif (recours contentieux) ". Par une lettre en date du 19 février 2019, le conseil de la société Asie Bonheur a adressé à l'OFII un recours contre la décision du 23 janvier 2019. Ce second recours administratif ne prolongeant pas le délai de recours contentieux qui courait à partir du 24 janvier 2019, la société Asie Bonheur ne pouvait saisir le tribunal administratif de Melun que jusqu'au 25 mars 2019. La circonstance, à la supposer établie, que la décision initiale du 6 décembre 2018 de l'OFII ne mentionnait pas les voies et délais de recours est sans incidence sur cette appréciation dès lors que, comme il a été dit, la décision du 23 janvier 2019 rejetant le recours gracieux de la société Asie Bonheur mentionnait les voies et délais de recours. Par suite, sa demande enregistrée au greffe du tribunal le 17 juin 2019, tendant à l'annulation de la décision implicite de l'OFII rejetant son recours du 19 février 2019 dirigé contre la décision du 23 janvier 2019 rejetant son premier recours gracieux à l'encontre de la décision du 6 décembre 2018, était tardive. Il s'ensuit que la société Asie Bonheur n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Melun a rejeté le surplus de sa demande comme irrecevable.

Sur les frais liés à l'instance :

4. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'OFII, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société Asie Bonheur au titre des frais liés à l'instance. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la société Asie Bonheur une somme de 1 500 euros à verser à l'OFII sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Asie Bonheur est rejetée.

Article 2 : La société Asie Bonheur versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 d code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Asie Bonheur et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme H..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 juin 2020.

Le président de la formation de jugement,

J. LAPOUZADE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et à la ministre du travail en ce qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA04120


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA04120
Date de la décision : 22/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-032-01 Travail et emploi. Réglementations spéciales à l'emploi de certaines catégories de travailleurs. Emploi des étrangers (voir : Étrangers).


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : CABINET SCHEGIN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-06-22;19pa04120 ?
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