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22/06/2020 | FRANCE | N°19PA03060

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 22 juin 2020, 19PA03060


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 16 juillet 2018 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée.

Par un jugement n° 1902571/1-1 du 15 mai 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoi

re enregistrés le 27 septembre 2019 et le 28 janvier 2020, Mme A..., représentée par Me B..., dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 16 juillet 2018 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée.

Par un jugement n° 1902571/1-1 du 15 mai 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 27 septembre 2019 et le 28 janvier 2020, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1902571/1-1 du 15 mai 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 16 juillet 2018 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de la délivrance de ce titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans l'attente de ce réexamen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement :

- le jugement est irrégulier, les premiers juges n'ayant pas répondu aux moyens tirés de ce que le formulaire de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ne comporte pas l'intégralité des informations relatives aux éléments de procédure et que le caractère collégial de la délibération du collège de médecins n'est pas établi ;

S'agissant de la décision portant refus de séjour :

- la décision contestée est entachée d'un vice de procédure dès lors que l'avis du collège de médecins de l'OFII du 12 décembre 2017 ne comporte pas l'ensemble des mentions relatives aux éléments de procédure ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'elle n'avait pas été privée de la garantie que constitue la circonstance que le médecin qui a établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège ;

- la décision contestée est entachée d'un vice de procédure, le préfet de police n'établissant pas par la production de la seule attestation de la directrice territoriale de l'OFII, que l'avis du collège de médecins de l'OFII du 12 décembre 2017 procède d'une délibération collégiale ;

- le préfet de police s'est estimé à tort lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII ;

- la décision contestée méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle ne pourra bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement adapté à son état de santé ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle réside de manière régulière sur le territoire français depuis 2012 et qu'elle travaille autant que son état de santé le permet ;

- le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision de refus sur sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français et fixant le délai de départ volontaire :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle ne pourra pas bénéficier du suivi et de la surveillance médicale adaptée à son état de santé au Sénégal, ce qui entraînera des conséquences d'une gravité exceptionnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 janvier 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.

Par une décision du 9 septembre 2019, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris a admis Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Mme D... a présenté son rapport au cours de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... A..., ressortissante sénégalaise, née le 22 avril 1966 et entrée en France le 31 juillet 2012 selon ses déclarations, a bénéficié d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile valable du 19 décembre 2013 au 18 décembre 2014 qui a été renouvelé jusqu'au 23 mars 2017 avant d'être mise en possession de récépissés de demande de renouvellement de titre de séjour. Par un arrêté du 16 juillet 2018, le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays à destination duquel elle sera éloignée. Mme A... relève appel du jugement du 15 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier, comme il a déjà été dit, que Mme A... a bénéficié d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile valable du 19 décembre 2013 au 18 décembre 2014 qui a été renouvelé jusqu'au 23 mars 2017 avant d'être mise en possession de récépissés de demande de renouvellement de titre de séjour jusqu'au 5 décembre 2017. Pour rejeter sa demande de renouvellement de son titre de séjour, le préfet de police s'est notamment fondé sur l'avis du 12 décembre 2017 du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui précisait que si l'état de santé de Mme A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressée pouvait bénéficier effectivement, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé au Sénégal, d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Mme A... a présenté une cardiopathie ischémique et a dû subir trois angioplasties coronaires avec la pose de cinq endoprothèses en 2009, 2011 et juin 2014. Il ressort du compte-rendu de l'angiographie et de l'angioplastie coronaire réalisées le 17 avril 2015 pour une douleur thoracique suspecte que si les résultats sont excellents sur les sites dilatés, l'artère interventriculaire est toujours multisténosée. Il ressort des certificats médicaux et des prescriptions médicales versées au dossier que Mme A..., souffrant par ailleurs de la maladie de Biermer et de diabète non-insulino-dépendant, est astreinte en raison de sa pathologie cardiaque à la prise journalière de plusieurs médicaments, soit Kardégic, Bisoprolol, Tahor, Triatec et enfin Natispray utilisé lors des douleurs thoraciques, ainsi qu'à une surveillance médicale consistant en une échographie cardiaque annuelle et une scintigraphie myocardique d'effort tous les deux ans. Mme A... produit une attestation établie le 6 août 2018 par le Dr Camara, cardiologue, chef de service à l'hôpital de Kolda au Sénégal mentionnant l'impossibilité d'obtenir quatre des cinq médicaments susmentionnés composant le traitement de Mme A... en raison des ruptures de stock. Aucun élément du dossier ne permet d'estimer que d'autres molécules seraient substituables à celles qui permettent de traiter Mme A.... Les éléments versés au dossier par le préfet de police consistant en l'organigramme de l'hôpital principal de Dakar publié le 14 avril 2016 et une liste de médecins et de cardiologues situés dans la région de Dakar ne permettent pas d'établir que Mme A... pourrait effectivement bénéficier du traitement que nécessite sa pathologie cardiaque au Sénégal. Par suite, en refusant de renouveler le titre de séjour de Mme A..., le préfet de police a méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'ensuit que la décision du préfet de police du 16 juillet 2018 refusant de renouveler le titre de séjour de Mme A... doit être annulée ainsi que par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, lesquelles sont dépourvues de base légale.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 juillet 2018 du préfet de police.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté retenu, le présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement dans la situation de l'intéressée, que soit délivré à Mme A..., un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de police de délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et dans cette attente un document valant autorisation provisoire de séjour.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B..., avocat de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à Me B... de la somme de 1 000 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1902571/1-1 du 15 mai 2019 du tribunal administratif de Paris et l'arrêt du préfet de police du 16 juillet 2018 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à Mme A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et dans cette attente un document valant autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à Me B..., avocat de Mme A..., une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., au ministre de l'intérieur et au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juin 2020.

Le président de la formation de jugement,

J. LAPOUZADE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 19PA03060


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA03060
Date de la décision : 22/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : MORIN

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-06-22;19pa03060 ?
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