Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... F... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté en date du 29 novembre 2018 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné.
Par un jugement n° 1810890 du 29 mai 2019, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés respectivement le 22 juillet 2019, le 6 août 2019 et le 7 août 2019, M. F... B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1810890 du 29 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation des décisions par lesquelles le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui accorder le titre de séjour qu'il sollicitait, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 29 novembre 2018 ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour contestée est entachée d'un défaut de saisine de la commission du titre de séjour, instituée à l'article L. 312- 1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce qu'il relève de l'article L. 313-11 du même code ;
- la décision portant refus de titre de séjour litigieuse méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce qu'il est père d'une enfant française à l'éducation et à l'entretien de laquelle il participe, ainsi que celles du 7° de l'article L. 313-11 du même code, dès lors qu'il justifie d'une résidence continue sur le territoire français depuis 2008 et que tous les membres de sa famille y résident de manière régulière ;
- la décision portant refus de titre de séjour querellée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il justifie d'une bonne intégration eu égard à l'ancienneté de son séjour sur le territoire français et que son départ aura pour conséquence de le séparer de sa famille ;
- la décision portant refus de titre de séjour contestée méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention des droits de l'enfant dès lors que sa fille mineure de nationalité française vit en France ;
- la décision portant refus de titre de séjour litigieuse est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les observations de Me C..., avocat de M. F... B....
Une note en délibéré a été présentée pour M. F... B... le 10 juin 2020.
Considérant ce qui suit :
1. M. F... B..., ressortissant camerounais né le 29 novembre 1979, déclare selon ses dires être entré sur le territoire national en mars 2008. Il a sollicité, le 8 juillet 2018, la délivrance d'une carte de séjour temporaire en sa qualité de parent d'enfant français. Par un arrêté du 29 novembre 2018, le préfet du Val-de-Marne a rejeté cette demande, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. L'intéressé a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler ces décisions. M. F... B... relève appel du jugement du 29 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Sur les conclusions dirigées contre la décision portant refus de séjour, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". L'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France, au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
3. M. F... B... affirme résider en France de manière continue depuis mars 2008. Il ressort des pièces du dossier que, d'une part, la mère de l'intéressé, sa soeur de nationalité française et deux de ses frères en situation régulière résident en France ; d'autre part, il est père d'une enfant de nationalité française, Mlle E... B..., née le 10 juillet 2017, à l'entretien et à l'éducation de laquelle il participe, même si cette participation est très ponctuelle et modeste. Dans ces circonstances, le refus de titre de séjour a porté au droit de M. F... B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été opposé. Par suite, le jugement du 29 mai 2019 du tribunal administratif de Melun et l'arrêté du 29 novembre 2018 du préfet du Val-de-Marne doivent être annulés.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
4. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".
5. Eu égard au motif d'annulation ci-dessus retenu, et sous réserve d'un changement substantiel dans la situation de droit ou de fait de l'intéressé, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance à M. F... B... d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de délivrer ce titre, dans un délai maximum de deux mois à compter de l'exécution du présent arrêt.
Sur les frais liés à l'instance :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à M. F... B... de la somme de 1 000 euros au titre des frais liés à l'instance en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 29 mai 2019 du tribunal administratif de Melun et l'arrêté du 29 novembre 2018 du préfet du Val-de-Marne sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Val-de-Marne de délivrer un titre de séjour à M. F... B... dans le délai maximum de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat (ministre de l'intérieur) versera à M. F... B... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. D... F... B..., au préfet du Val-de-Marne et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 8 juin 2020, à laquelle siégeaient :
- M. A..., président,
- Mme Collet, premier conseiller,
- Mme Larsonnier, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juin 2020.
Le président de la formation de jugement,
I. A...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA02384