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22/06/2020 | FRANCE | N°19PA02204

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 22 juin 2020, 19PA02204


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté en date du 28 août 2018 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1807355 du 7 juin 2019, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 28 août 2018 du p

réfet de la Seine-Saint-Denis.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté en date du 28 août 2018 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1807355 du 7 juin 2019, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 28 août 2018 du préfet de la Seine-Saint-Denis.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 juillet 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1807355 du 7 juin 2019 du tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Melun.

Il soutient que :

- le motif d'annulation retenu par le premier juge tiré du défaut d'examen particulier est infondé dès lors que les éléments relatifs à l'expérience professionnelle de M. B... n'ont été versés qu'à l'appui du recours en annulation à l'encontre de l'arrêté en litige, qu'aucune demande de titre de séjour au titre du travail ou de l'admission exceptionnelle au séjour n'a été formulée par l'intéressé et qu'en tout état de cause, il pouvait prononcer une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 3° et du 6° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile bien que l'intéressé ait déclaré exercer une activité professionnelle ;

- les autres moyens soulevés par M. B... en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juin 2020, M. B..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête, à l'annulation de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français du 28 août 2018, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour soit en qualité de " salarié ", soit portant la mention " vie privée et familiale " dans les trente jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 160 euros par jour de retard et à ce que le versement la somme de 3 000 euros soit mis à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de la Seine-Saint-Denis ne sont pas fondés.

Par une décision du 15 octobre 2019 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

M. A... a présenté son rapport au cours de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... B..., ressortissant bangladais, né le 22 octobre 1987, est entré en France le 5 octobre 2011 et y a sollicité l'asile. Le statut de réfugié lui a été refusé par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 2 avril 2012, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 23 avril 2013. Sa demande de réexamen a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 11 avril 2016, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 24 août 2016. Le 28 août 2018, M. B... a été interpellé par les services de police alors qu'il était démuni de tout document justifiant de sa situation administrative. Par l'arrêté litigieux du 28 août 2018, le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour du territoire français de deux ans. Le préfet de la Seine-Saint-Denis relève appel du jugement du 7 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Melun a annulé son arrêté du 28 août 2018 au motif que la décision contestée était entachée d'un défaut d'examen particulier de la situation de M. B....

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Pour prononcer l'annulation de l'arrêté en litige, le premier juge a accueilli le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation de M. B... dès lors que l'arrêté contesté se bornait à préciser que l'intéressé aurait déclaré se maintenir irrégulièrement sur le territoire français depuis le 3 septembre 2016 et à faire état du rejet de la demande d'asile du requérant et de ce qu'il ne justifiait pas être entré régulièrement sur le territoire français, sans autre indication sur sa situation personnelle et professionnelle que le fait qu'il exerçait une activité non déclarée sans être titulaire d'un titre de séjour l'autorisant à travailler. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, lors de son audition du 28 août 2018, M. B... a indiqué qu'il exerçait la profession de chef cuisinier, qu'il ne disposait pas d'une autorisation de travail et que cette activité lui procurait un revenu d'environ 1 200 euros par mois. Le contrat de travail et les fiches de paie n'ont été produits par l'intéressé qu'au soutien du recours en annulation, soit postérieurement à l'édiction de l'arrêté contesté. Par ailleurs, il ressort du même procès-verbal que M. B... a indiqué que le statut de réfugié lui avait été refusé, qu'il n'était en possession d'aucun document d'identité et qu'il était célibataire et sans enfant. Dans ces conditions et alors qu'il ressort des termes de l'arrêté du 28 août 2018 que l'intéressé exerçait illégalement une activité non déclarée, qu'il était dépourvu d'un titre de séjour l'autorisant à travailler, que sa demande d'asile ainsi que ses demandes de réexamen avaient été définitivement rejetées et qu'il était célibataire et sans charge de famille, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas entaché sa décision d'un défaut d'examen particulier de la situation de M. B..., compte tenu des éléments à sa disposition à la date de la décision attaquée. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué.

3. Il appartient toutefois à la Cour, saisie par effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Melun.

Sur les autres moyens soulevés par M. B... :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

5. M. B... soutient qu'il craint pour sa sécurité en cas de renvoi dans son pays d'origine compte tenu de son engagement dans le parti nationaliste du Bangladesh (BNP), opposant politique au pouvoir actuellement en place. Il soutient qu'il a ainsi fait l'objet d'une tentative d'enlèvement et d'une peine d'emprisonnement de six mois avant d'être libéré sous caution, qu'il a été accusé à tort d'avoir attaqué le domicile du maire de sa localité et qu'il a également été condamné à une peine d'emprisonnement de dix années, qui sera nécessairement alourdie compte tenu de son engagement politique, pour des faits de meurtre qu'il soutient être faux. En outre, M. B... fait état de l'assassinat de sa mère par des fondamentalistes en raison de l'enseignement de la danse qu'elle donnait à des enfants. Toutefois, le requérant ne produit devant la Cour aucun élément tendant à établir la réalité des persécutions dont il se prévaut, alors que sa demande d'asile a été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile, cette dernière estimant dans sa décision du 23 avril 2013 que " le requérant témoigne notamment d'un niveau de connaissance du BNP sans rapport avec l'ancienneté et l'importance des fonctions qu'il affirme avoir exercées au sein de cette formation politique ; que le requérant n'assortit par ailleurs ses déclarations d'aucune précision ni justification propres à établir la réalité des persécutions dont il allègue avoir été victime de la part de membres de la Ligue Awami ; qu'aussi bien, les craintes de persécutions exprimées par M. D... B... ne peuvent être regardées comme fondées ", et il ne fait état d'aucuns éléments nouveaux devant la Cour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

6. En second lieu, si M. B... soutient que le préfet de la Seine-Saint-Denis a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur sa situation personnelle dès lors qu'il justifie d'une intégration notamment professionnelle dans la société français, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été recruté à compter du 12 novembre 2015 en contrat à durée déterminée à temps partiel en qualité d'employé polyvalent au sein d'une entreprise de restauration rapide, au demeurant pour des durées de travail très brèves au début de cette période de travail, qui présente de surcroît des discontinuités, que cette seule circonstance ne suffit pas à caractériser une intégration particulière alors qu'il est constant que M. B... est célibataire et sans charge de famille et qu'il n'établit pas avoir entamé de démarche visant à régulariser sa situation administrative. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis, en lui faisant obligation de quitter le territoire français, aurait commis une erreur manifeste d'appréciation dans les conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé son arrêté portant obligation de quitter le territoire français, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Sur les frais liés à l'instance :

8. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais liés à l'instance ; dès lors, les conclusions présentées à ce titre par M. B... doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1807355 du 7 juin 2019 du tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Melun et ses conclusions présentées en appel sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- M. A..., président assesseur,

- Mme Larsonnier, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juin 2020.

Le président de la formation de jugement,

J. LAPOUZADE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 19PA02204


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02204
Date de la décision : 22/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Autorisation de séjour. Refus de renouvellement.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : AMBROSELLI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-06-22;19pa02204 ?
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