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22/06/2020 | FRANCE | N°19PA01678

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 22 juin 2020, 19PA01678


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La caisse primaire d'assurance maladie de Paris a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à lui verser la somme de 64 379,54 euros au titre des débours exposés pour le compte de Mme B., avec intérêts de droit à compter du 8 août 2017, ainsi que la somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Par un jugement n° 1718288/6-3 du 21 mars 2019, le tribunal adm

inistratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une req...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La caisse primaire d'assurance maladie de Paris a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à lui verser la somme de 64 379,54 euros au titre des débours exposés pour le compte de Mme B., avec intérêts de droit à compter du 8 août 2017, ainsi que la somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Par un jugement n° 1718288/6-3 du 21 mars 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 mai 2019 et 11 février 2020, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Paris, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1718288/6-3 du 21 mars 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à lui verser la somme de 64 379,54 euros au titre des débours exposés pour le compte de son assurée, Mme B., assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 août 2017 ;

3°) de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à lui verser la somme de 1 091euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

4°) de mettre à la charge de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de la responsabilité de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris en sa qualité d'auto-assureur contre lequel elle dispose d'une action directe ;

- sa demande ne saurait être déclarée irrecevable au motif que l'Etablissement français du sang (EFS) n'a pas été mis en cause dès lors que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales qui s'est substitué à l'EFS est partie à l'instance ;

- l'Assistance publique - hôpitaux de Paris est responsable des conséquences de la contamination transfusionnelle de Mme B. par le virus de l'hépatite C en 1989 et doit lui rembourser les prestations prises en charge dans l'intérêt de la victime d'un montant de 64 379,54 euros ; étant son propre assureur, l'Assistance publique - hôpitaux de Paris ne peut pas prétendre qu'elle n'est pas assurée pour ce risque ou que sa couverture d'assurance est épuisée ou expirée ; par suite, les conditions de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique sont remplies ; la circonstance que l'Assistance publique - hôpitaux de Paris soit son propre assureur n'a pas été envisagée par le législateur comme une exception qui lui permettrait de s'affranchir de l'obligation de lui rembourser les prestations versées à son assurée.

Par un mémoire, enregistré le 6 septembre 2019, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me A..., demande à la Cour de prononcer sa mise hors de cause.

Il soutient que :

- la CPAM n'a formulé aucune demande à son encontre ;

- en tout état de cause, aucun recours de la CPAM dirigé à son encontre ne saurait être accueilli dès lors que la demande de son assurée a été initiée postérieurement au 1er juin 2010 et qu'il est ainsi intervenu au titre de la solidarité nationale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 novembre 2019, l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 1 500 euros soit mis à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a conclu avec l'EFS, le 29 décembre 1999, une convention en application de l'article 18 de la loi du 1er juillet 1998 ; les dispositions de l'article L. 1221-14 du code de la sécurité sociale n'ouvrent pas aux organismes sociaux une action subrogatoire à l'encontre des centres de transfusion sanguine dont les droits et obligations ont été repris par l'EFS ;

- les conclusions de la CPAM sont irrecevables en ce qu'elle n'a pas la qualité d'entreprise d'assurance et que sa responsabilité pour ses centres de transfusions ne se trouvait pas couverte par une garantie d'assurance ;

à titre subsidiaire :

- la CPAM n'établit pas que la contamination de son assurée trouverait son origine dans les produits sanguins élaborés par l'ancien centre de transfusion sanguine de l'hôpital Lariboisière ;

- en tout état de cause, en l'absence de toute précision quant aux frais litigieux, la CPAM n'établit pas leur imputabilité à la contamination de son assurée par le virus de l'hépatite C.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 ;

- la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 ;

- la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., avocat de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du docteur Parois, que Mme B., assurée sociale auprès de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, a été contaminée par le virus de l'hépatite C lors de transfusions sanguines administrées entre le 20 novembre et le 14 décembre 1989 à l'occasion de sa prise en charge à l'hôpital Lariboisière relevant de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP). Par un jugement du 2 février 2016, devenu définitif, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), qui s'est substitué à l'Etablissement français du sang en application de l'article 67 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale, à verser à Mme B. la somme de 28 500 euros en réparation des préjudices subis à la suite de sa contamination par le virus de l'hépatite C. Par un courrier en date du 8 août 2017, reçu le 10 août suivant, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Paris a demandé à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP) le remboursement des débours qu'elle a exposés pour le compte de son assurée du fait de sa contamination transfusionnelle pour un montant total de 64 379,54 euros. L'AP-HP a implicitement rejeté cette demande. Par un jugement du 21 mars 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la CPAM de Paris tendant à la condamnation de l'AP-HP à lui verser la somme de 64 379,54 euros. La CPAM de Paris relève appel de ce jugement.

Sur l'étendue du litige :

2. La CPAM de Paris n'ayant présenté aucune conclusion à l'encontre de l'ONIAM, ce dernier est mis hors de cause.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges ont accueilli la fin de non-recevoir opposée par l'AP-HP tirée de l'irrecevabilité de la demande de la CPAM de Paris au motif que ses conclusions aux fins de condamnation de l'AP-HP à lui rembourser les sommes versées pour le compte de son assurée étaient mal dirigées. Pour contester la régularité de ce jugement, la CPAM de Paris soutient que, d'une part, sa demande était recevable dès lors que l'AP-HP est son " propre assureur " " et, d'autre part, les premiers juges ont omis de répondre à ce moyen.

4. L'article L. 1221-14 du code de la santé publique dispose que les victimes de préjudices résultant d'une contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang sont indemnisées par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale. Ce même article prévoit que les tiers payeurs, notamment les caisses de sécurité sociale subrogées dans les droits des victimes en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, peuvent exercer une action subrogatoire contre l'EFS en sa qualité de fournisseur des produits sanguins à l'origine du dommage ou d'héritier des obligations du fournisseur de ces produits, dès lors que l'établissement de transfusion sanguine à l'origine du dommage est assuré, que sa couverture d'assurance n'est pas épuisée et que le délai de validité de cette couverture n'est pas expiré. Ainsi, cet article ne prévoit pas la possibilité pour les tiers payeurs d'exercer une action subrogatoire directement à l'encontre des établissements ayant fourni les produits sanguins à l'origine du dommage qu'ils soient ou non couverts par une assurance. Il s'ensuit que la CPAM de Paris ne peut exercer de recours subrogatoire contre l'AP-HP sur le fondement de ces dispositions.

5. Par ailleurs, aux termes de l'article 18 de la loi du 1er juillet 1998 : " B. (...) 2° L'ensemble des activités exercées par les établissements de transfusion sanguine est transféré à l'Etablissement français du sang. Des conventions conclues entre, d'une part, l'Etablissement français du sang et, d'autre part, chaque personne morale concernée fixent les conditions dans lesquelles les droits et obligations, créances et dettes liés à ces activités sont, le cas échéant, transférés à l'Etablissement français du sang ainsi que les conditions dans lesquelles les biens nécessaires à ces activités sont cédés à l'Etablissement français du sang ou mis à sa disposition. (...) ". En application de ces dispositions, l'AP-HP et l'ESF ont conclu, le 29 décembre 1999, une convention dont l'article 5 stipule que " l'EFS s'oblige à prendre en charge les conséquences de l'ensemble des contentieux transfusionnels et des demandes transactionnelles nées ou susceptibles de naître à l'exclusion des dettes nées de décisions transactionnelles de l'AP-HP et de décisions juridictionnelles lues prises avant sa date de création. (...) ".

6. La circonstance que, par un arrêté du 3 janvier 2003 du ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées pris en application de l'article L. 1142-2 du code de la santé publique, l'AP-HP a été exonérée de l'obligation de souscrire une assurance destinée à la garantir pour sa responsabilité civile ou administrative susceptible d'être engagée en raison de dommages subis par des tiers et résultant d'atteintes à la personne, survenant dans le cadre de l'ensemble de son activité et que, par suite, elle peut être amenée à indemniser directement une victime à l'amiable ou en exécution d'une décision de justice n'est pas de nature à remettre en cause le transfert des conséquences du contentieux né de son activité transfusionnelle à l'EFS en vertu de la convention du 29 décembre 1999. Par suite, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre au moyen inopérant tiré de ce que l'AP-HP était son " propre assureur " soulevé par la CPAM de Paris en réponse à la fin de non-recevoir opposée par l'AP-HP, ont à juste titre jugé que les conclusions de la CPAM de Paris tendant à la condamnation de l'AP-HP à lui rembourser les débours versés pour le compte de son assurée en raison de sa contamination par des produits sanguins fournis par l'hôpital Lariboisière étaient irrecevables.

7. Il résulte de ce qui précède que la CPAM de Paris n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Il s'ensuit que les conclusions de la CPAM de Paris présentées devant la Cour tendant à la condamnation de l'AP-HP à lui verser la somme de 64 379,54 euros au titre des débours exposés pour le compte de son assurée, Mme B., assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 août 2017, et la somme de 1 091euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'AP-HP, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la CPAM de Paris au titre des frais liés à l'instance. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la CPAM de Paris une somme de 1 500 euros à verser à l'AP-HP sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris est rejetée.

Article 2 : La caisse primaire d'assurance maladie de Paris versera à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 juin 2020.

Le président de la formation de jugement,

J. LAPOUZADE

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 19PA01678


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01678
Date de la décision : 22/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-05-03 Responsabilité de la puissance publique. Recours ouverts aux débiteurs de l'indemnité, aux assureurs de la victime et aux caisses de sécurité sociale. Subrogation.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : KATO et LEFEBVRE ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-06-22;19pa01678 ?
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