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16/06/2020 | FRANCE | N°20PA00172

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 16 juin 2020, 20PA00172


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 14 août 2019 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités bulgares responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1919395 du 30 octobre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de police, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, de convoquer M. F..., aux fins

d'enregistrement de sa demande d'asile et de lui délivrer l'attestation prévue à l'ar...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 14 août 2019 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités bulgares responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1919395 du 30 octobre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de police, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, de convoquer M. F..., aux fins d'enregistrement de sa demande d'asile et de lui délivrer l'attestation prévue à l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2020 sous le n°20PA00172, le préfet de police demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 30 octobre 2019 et de rejeter la demande présentée par de M. F... devant ce tribunal.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a décidé le premier juge, le transfert vers la Bulgarie de M. F... n'entraîne pas de risque que celui-ci y subisse des traitements inhumains et dégradants au sens des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, la preuve des mauvais traitements allégués n'étant pas rapportée ;

- les autres moyens soulevés par M. F... devant le tribunal administratif ne sont pas fondés.

Par mémoire en défense, enregistré le 2 juin 2020, M. F... représenté par Me C... conclut au non-lieu à statuer et, à titre subsidiaire, au rejet de la requête ; en tout état de cause, à ce que le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire lui soit accordé et à la condamnation de l'Etat à verser à son conseil le somme de 2 000 euros, à charge pour ce dernier à renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle et, à défaut, à la condamnation de l'Etat à lui verser cette même somme.

Il soutient que :

- il ne peut plus faire l'objet d'une mesure de transfert dès lors que sa demande d'asile a été enregistrée et qu'il a été mis en possession, le 13 février 2020, d'une attestation de demande d'asile traitée en procédure accélérée, est dans l'attente de sa convocation par l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ; il en résulte que l'arrêté attaqué a été implicitement abrogé et ne peut plus être exécuté ; en tout état de cause, faute d'avoir été exécutée avant le 27 décembre 2019 voire le 30 avril 2020, la décision de transfert est caduque ;

- la décision attaquée n'est pas motivée ;

- elle est entachée d'incompétence de son auteur ;

- elle est intervenue en méconnaissance du principe du contradictoire au sens des articles L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration et 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle méconnait l'article 5 du règlement UE 604/2013 faute de prise en compte et d'inscription de ses observations relatives aux violences subies en Bulgarie et aux risques encourus en cas de retour vers cet État lors de l'entretien individuel ;

- elle méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnait les articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle méconnait l'article 3-2 du règlement 604/2013 en raison des défaillances systémiques du système d'asile bulgare.

Un mémoire, présenté par le préfet de police le 3 juin 2020, n'a pas été communiqué.

II. Par une requête, enregistrée le 24 janvier 2020 sous le n° 20PA00246, le préfet de police demande à la cour de prononcer le sursis à l'exécution du jugement attaqué.

Il soutient que les moyens développés dans sa requête au fond sont sérieux et justifient l'annulation du jugement attaqué et le rejet de la requête de M. F....

La requête a été communiquée à M. F... qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les observations de Me C... représentant M. F....

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., ressortissant afghan, a présenté une demande d'asile aux autorités françaises le 21 juin 2019. La consultation du fichier Eurodac a fait apparaitre que ses empreintes digitales avaient été relevées en Bulgarie, le 23 janvier 2019, à l'occasion d'une précédente demande de protection internationale. Le préfet de police a saisi les autorités bulgares d'une demande de reprise en charge le 25 juin 2019. Ces dernières ont fait connaître leur accord le 27 juin 2019. Par un arrêté du 14 août 2019, le préfet de police a ordonné le transfert de

M. F... aux autorités bulgares. Le préfet interjette appel du jugement du 30 octobre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.

Sur la jonction :

2. L'appel et la demande de sursis à exécution présentés par le préfet de police étant formés contre un même jugement, présentant à juger des mêmes questions et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

Sur la requête n° 20PA0172 :

Sur l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle :

3. Aux termes de l'article 8 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : " Toute personne admise à l'aide juridictionnelle en conserve de plein droit le bénéfice pour se défendre en cas d'exercice d'une voie de recours ". Aux termes de l'article 20 de la même loi : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ".

4. Il résulte de ces dispositions que M. F... conserve, de plein droit, le bénéfice de de l'aide juridictionnelle totale dont il a bénéficié en première instance. Par suite, sa demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle est sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur l'exception de non-lieu à statuer :

5. En premier lieu, M. F... fait valoir qu'à la suite de l'annulation, par le jugement attaqué, de l'arrêté du préfet de police du 14 août 2019 prononçant sa remise aux autorités bulgares, le préfet lui a délivré une attestation de demande d'asile en vue de l'instruction de sa demande par l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) qui doit le convoquer. Toutefois, cette circonstance, intervenue uniquement en exécution du jugement contesté par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a enjoint au préfet de réexaminer la situation l'intéressé après avoir annulé la décision du 14 août 2019, n'a pas pour conséquence de priver d'objet les conclusions d'appel du préfet de police.

6. En second lieu, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. / 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ".

7. L'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n°604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date de notification à l'autorité administrative du jugement du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

8. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 a été interrompu par l'exercice par M. F... de son recours devant le tribunal administratif de Paris et a recommencé à courir intégralement à compter de la date du 19 décembre 2020 à laquelle l'administration a reçu notification de ce jugement. Ainsi, contrairement à ce que soutient M. F..., le délai de six mois n'a donc pas expiré à la date du présent arrêt, et les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 août 2019 ne sont pas devenues sans objet.

9. Par suite, il résulte de ce qui précède que l'exception de non-lieu à statuer opposée par M. F... doit être écartée.

Sur le moyen d'annulation retenu par le premier juge :

10. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable ".

11. La Bulgarie est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés complétée par le protocole de New-York qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de ces deux conventions internationales et à celles de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Cependant, cette présomption peut être renversée s'il y a des raisons sérieuses de croire qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et dans les conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant.

12. Toutefois, M. F..., qui se prévaut des éléments issus de son propre témoignage, de rapports généraux concernant la situation des réfugiés en Bulgarie ainsi que d'un certificat médical établi le 22 août 2019 à l'occasion d'une consultation aux services des urgences de l'hôpital Bichat dont les informations ne sont pas de nature à corroborer ses déclarations concernant les mauvais traitements dont il aurait fait l'objet, n'établit ainsi pas qu'il existerait des motifs sérieux et avérés de croire que sa demande d'asile ne serait pas traitée par les autorités bulgares dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.

13. Le préfet de police est donc fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif, estimant que la décision de remettre M. F... aux autorités bulgares méconnaissait les dispositions et stipulations précitées, a annulé pour ce motif son arrêté du 14 août 2019.

14. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. F... devant le tribunal administratif de Paris et la cour.

Sur les autres moyens :

15. En premier lieu, par un arrêté 2019-00652 du 29 juillet 2019 régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de police du 30 juillet 2019, le préfet de police a donné à Mme G... D..., attachée de l'administration de l'Etat, délégation à l'effet de signer les décisions dans la limite de ses attributions, dont relève la police des étrangers, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles n'ont pas été absentes ou empêchées lors de la signature de l'acte attaqué. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été signé par une autorité incompétente doit être écarté comme manquant en fait.

16. En second lieu, en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

17. L'arrêté prononçant le transfert de M. F... aux autorités bulgares vise le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, le règlement n° 1560/2003 portant modalité d'application du règlement n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable d'une demande d'asile, ainsi que le règlement

n° 603/2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales. Il relève, en outre, le caractère irrégulier de l'entrée en France de M. F... et rappelle le déroulement de la procédure suivie lorsque l'intéressé s'est présenté devant les services de la préfecture de police. Il précise que la consultation du système Eurodac a révélé que

M. F... avait sollicité l'asile auprès des autorités bulgares, le 23 janvier 2019. Par suite, le préfet de police, qui n'est pas tenu d'indiquer dans sa décision l'ensemble des circonstances de fait propres à la situation de l'intéressé mais seulement celles qui fondent la décision contestée, n'a pas entaché sa décision d'une insuffisance de motivation ni de défaut d'examen sérieux de la situation de l'intéressé.

18. En troisième lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ". Aux termes de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales ".

19. Il ressort des pièces du dossier que M. F..., assisté d'un interprète, a été entendu le 21 juin 2019 dans le cadre d'un entretien individuel, au cours duquel il lui a été loisible de former toute observation qu'il jugeait pertinente relative à la procédure de demande d'asile. A cette occasion, lui ont également été remises les brochures " A " et " B " en langue pachtou, expliquant la procédure applicable au traitement des demandes d'asiles. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance du droit de présenter des observations et du principe du contradictoire doivent être écartés.

20. En quatrième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n°604/2013 du

26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations, l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

21. Ainsi qu'il a été dit au point 19, il ressort des pièces du dossier que M. F... s'est vu remettre à l'occasion de l'entretien individuel, la brochure A " j'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et B " je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " qui contiennent les informations prescrites par contenant les informations prévues par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013, en langue pachtou, qu'il a déclaré comprendre. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) du 26 juin 2013 doit être écarté.

22. En cinquième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement précité : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. [...] 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".

23. Si M. F... soutient qu'il n'a pas pu présenter ses observations concernant sa prise en charge par les autorités bulgares avant l'édiction de la mesure contestée, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a bénéficié d'un entretien individuel mené par un agent de la préfecture le 21 juin 2019. A cette occasion, il a pu faire part de sa situation personnelle et de ses conditions d'entrée sur le territoire français et s'est vu remettre le guide du demandeur d'asile et l'information sur les règlements communautaires et a signé le compte-rendu sans qu'il soit sérieusement allégué qu'il n'aurait pas compris le sens et l'objet des questions qui lui étaient posées ni qu'il aurait été privé de la possibilité de faire valoir utilement ses observations. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

24. En sixième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". M. F... ne saurait toutefois utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions du point 17 du règlement (UE) n°604/2013 susvisé dès lors qu'il n'établit ni même n'allègue solliciter le rapprochement de membres de sa famille, de proches ou de parents.

25. En dernier lieu, si M. F... fait valoir qu'il a subi des persécutions et qu'il est exposé à des risques majeurs de traitement inhumains et dégradants en Bulgarie, eu égard à ce qui a été dit aux points 11 à 13, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté. Il ne peut par ailleurs utilement faire valoir qu'il serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour ultérieur en Afghanistan, à l'encontre de la décision qu'il attaque, qui ne prononce pas son éloignement vers ce pays mais son transfert aux autorités bulgares. Si la Bulgarie a accepté de reprendre en charge l'intéressé sur son territoire sur le fondement du d) du premier paragraphe de l'article 18 du règlement du 26 juin 2013, qui prévoit la reprise en charge après le rejet d'une demande d'asile, il n'est pas allégué que les autorités de cet Etat n'auraient pas procédé à un examen sérieux et attentif de cette demande. En outre, il n'est pas établi que le requérant aurait fait l'objet, de la part des autorités bulgares, d'une mesure d'éloignement, ni que cette mesure devrait s'effectuer à destination de l'Afghanistan, ni que, en pareil cas, il ne disposerait pas d'une voie de recours effective contre cette mesure, ni enfin, en tout état de cause, que les autorités bulgares n'évalueront pas, avant l'exécution d'une telle mesure, les risques réels et actuels de mauvais traitements qui naîtraient pour lui du fait de son éventuel retour en Afghanistan.

26. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 14 août 2019. Dès lors, il y a lieu d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. F... devant le tribunal administratif de Paris ainsi que sa demande devant la cour tendant à la condamnation de l'Etat à verser une somme à son avocat sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Sur la requête n° 20PA00246 :

27. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement n° 1919395 du tribunal administratif de Paris, les conclusions de la requête n° 20PA00246 tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle totale.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20PA00246.

Article 3 : Le jugement n° 1919395 du 30 octobre 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 4 : La demande présentée par M. F... devant le tribunal administratif de Paris et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... F....

Copie en sera transmise au préfet de police.

Délibéré après l'audience publique du 9 juin 2020 à laquelle siégeaient :

- M. E..., premier vice-président,

- Mme B..., premier conseiller,

- Mme Mornet, premier conseiller.

Lu en audience publique le 16 juin 2020.

Le rapporteur,

M-H... B... Le président,

M. E...

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

2

N° 20PA00172, 20PA00246


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00172
Date de la décision : 16/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : JOORY

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-06-16;20pa00172 ?
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