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16/06/2020 | FRANCE | N°19PA02039

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 16 juin 2020, 19PA02039


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M D... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 9 janvier 2019 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1906561/2-2 du 24 mai 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 juin 2019, M. A... demande à la Cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bé

néfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler le jugement n° 1906561/2-2 du 24 mai 2019 du Tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M D... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 9 janvier 2019 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1906561/2-2 du 24 mai 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 juin 2019, M. A... demande à la Cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler le jugement n° 1906561/2-2 du 24 mai 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

3°) d'annuler l'arrêté du 9 janvier 2019 du préfet de police ;

4°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation administrative, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me B... en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande pour tardiveté, dès lors que l'arrêté du 9 janvier 2019 du préfet de police ne lui a pas été notifié à l'adresse qu'il avait communiquée au service ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée et le préfet de police s'est cru à tort en situation de compétence liée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions des articles L. 513-2 et L. 711-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 janvier 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 30 août 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les observations de Me B..., avocat de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. D... A..., ressortissant sénégalais né le 19 avril 1997, est entré en France le 12 novembre 2014, selon ses déclarations, et a déposé une demande d'asile sur le fondement des dispositions des articles L. 741-1 et L. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection de réfugiés et apatrides du 31 juillet 2017, confirmée par une décision du 21 octobre 2017 de la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 9 janvier 2019, le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... fait appel du jugement du 24 mai 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la demande d'aide juridictionnelle :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président ". En vertu de l'article 62 du décret du 19 décembre 1991 : " l'admission provisoire peut être prononcée d'office si l'intéressé a formé une demande d'aide juridictionnelle sur laquelle il n'a pas encore été définitivement statué ".

3. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 30 août 2019. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur ses conclusions tendant à obtenir l'aide juridictionnelle à titre provisoire, qui ont perdu leur objet.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article R. 425-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

5. Il ressort des pièces du dossier que si le courrier recommandé avec accusé de réception contenant la notification de l'arrêté attaqué à M. A... a été présenté le 22 janvier 2019 au 4 rue Doudeauville chez FTDA à Paris (75136 Paris cedex 19), ce pli a été retourné aux services de la préfecture de police revêtu de la mention " pli avisé et non réclamé ". Il ressort toutefois des pièces produites en appel que l'intéressé avait informé l'administration qu'il était désormais domicilié à ARDHIS c/o centre LGBT Paris Ile de France, au 63 rue Beaubourg à Paris (75003), par un courrier dont la préfecture de police a accusé réception le 4 janvier 2019, antérieurement à la date d'édiction de l'arrêté attaqué. Cet acte, dans ces conditions, a été irrégulièrement notifié à une adresse erronée, ce qui n'a dès lors pas fait courir le délai de recours contentieux. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que sa requête, enregistrée le 4 avril 2019 au greffe du Tribunal administratif de Paris, n'était pas tardive, et que le jugement qui l'a rejetée pour ce motif est entaché d'irrégularité.

6. Il résulte de ce qui précède que le jugement du Tribunal administratif de Paris doit être annulé sauf en ce qu'il admet M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire. Il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les autres conclusions présentées par M. A... devant ce Tribunal.

Sur le moyen commun aux décisions attaquées :

7. Si M. A... soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire et celle fixant le pays de destination sont insuffisamment motivées, l'arrêté mentionne les éléments de sa situation personnelle portés à la connaissance du préfet de police. Il rappelle que M. A... est entré sur le territoire français le 4 avril 2016 selon ses déclarations, qu'il a sollicité un titre de séjour dans le cadre des dispositions des articles L. 741-1 et L. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que les autorités compétentes ont rejeté sa demande. En outre, il mentionne qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale et que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Cet arrêté, qui comporte ainsi les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement, est suffisamment motivé au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et du I de l'article

L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen doit être écarté.

8. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier que le préfet de police se soit abstenu de procéder à un examen particulier de la situation de M. A....

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. Si M. A... soutient qu'il a fait preuve d'une grande volonté d'intégration en France, en s'impliquant dans la vie associative, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il séjournait en France depuis moins de trois ans à la date de la décision contestée. Il ne ressort pas plus de ces pièces que M. A... mènerait en France une vie en couple, dont il résulte au surplus de ses propres déclarations qu'elle n'existait que depuis quelques mois. L'intéressé n'est enfin pas dépourvu de toutes attaches au Sénégal, où il a vécu jusqu'à l'âge de 19 ans. Ainsi, compte tenu de la durée et des conditions du séjour en France de l'intéressé, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

11. Pour les mêmes motifs, M. A... n'est pas plus fondé à soutenir que la décision serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Sur la décision fixant le pays de destination :

12. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que, pour fixer le pays de destination de l'éloignement de M. A..., le préfet de police se serait à tort estimé lié par les décisions de refus d'asile prises à son égard par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile.

13. En second lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée en et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile (...) ", aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " et aux termes de l'article L. 711-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les actes de persécution et les motifs de persécution, au sens de la section A de l'article 1er de la convention de Genève, du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, sont appréciés dans les conditions prévues aux paragraphes 1 et 2 de l'article 9 et au paragraphe 1 de l'article 10 de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d'une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection. / S'agissant des motifs de persécution, les aspects liés au sexe, à l'identité de genre et à l'orientation sexuelle sont dûment pris en considération aux fins de la reconnaissance de l'appartenance à un certain groupe social ou de l'identification d'une caractéristique d'un tel groupe (...) ".

14. M. A..., qui se borne à produire, pour soutenir qu'un retour au Sénégal l'exposerait à des traitements prohibés par ces stipulations, des articles de presse concernant sa participation, en France, à des manifestations de défense des droits des homosexuels et à faire état de dispositions du code pénal sénégalais réprimant l'homosexualité, d'une convocation en novembre 2014 par un commissariat de police et d'une attestation dépourvue de caractère probant, n'établit pas la réalité de persécutions effectives, au sens des dispositions précitées, qu'il pourrait personnellement subir en cas de retour au Sénégal du fait de son orientation sexuelle, alors que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile. Par conséquent, le moyen tiré de ce que la décision fixant le Sénégal comme pays de destination méconnaîtrait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions des articles L. 513-2 et L. 711-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées doit être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander à la Cour d'annuler l'arrêté du 9 janvier 2019 du préfet de police. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu à statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire de M. A....

Article 2 : Le jugement n° 1906561/2-2 du 24 mai 2019 du Tribunal administratif de Paris est annulé sauf en ce qu'il admet M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Article 3 : La demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 2 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme C..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 16 juin 2020.

Le rapporteur,

L. C...Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA02039 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02039
Date de la décision : 16/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-01-02 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Légalité externe. Motivation.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Laurence NOTARIANNI
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : SIDOBRE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-06-16;19pa02039 ?
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