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15/06/2020 | FRANCE | N°19PA03901

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 15 juin 2020, 19PA03901


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 12 août 2019 par lequel le préfet de police a ordonné son transfert aux autorités allemandes, responsables de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1919294/8 du 4 novembre 2019, le tribunal administratif de Paris a admis provisoirement M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 3 décembre 2019, M. C...,

représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1919294/8 du 4 nove...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 12 août 2019 par lequel le préfet de police a ordonné son transfert aux autorités allemandes, responsables de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1919294/8 du 4 novembre 2019, le tribunal administratif de Paris a admis provisoirement M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 3 décembre 2019, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1919294/8 du 4 novembre 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 août 2019 par lequel le préfet de police a ordonné son transfert aux autorités allemandes ;

3°) d'enjoindre au préfet de police d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale, dans un délai de huit jours, et de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile dans un délai de 72 heures à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 800 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le premier juge aurait dû prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté litigieux, dès lors qu'il s'était écoulé plus de six mois depuis la notification du jugement du 7 mars 2019 annulant un premier arrêté portant transfert aux autorités allemandes, en date du 14 décembre 2018 ;

- il ne s'est pas vu remettre les brochures " A " et " B " lors de sa présentation au guichet unique des demandeurs d'asile de Paris le 19 octobre 2018, en méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- le préfet de police n'a pas pu régulariser la procédure en remettant ces brochures lors de sa présentation au guichet unique le 12 juin 2019.

Par mémoire en défense enregistré le 13 mars 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le jugement du 7 mars 2019 n'ayant été notifié que le 10 mai 2019, le délai de six mois n'était en tout état de cause pas expiré le 4 novembre 2019 ; le jugement n'est pas irrégulier ;

- les moyens de la requête dirigés contre l'arrêté du 12 août 2019 sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant afghan né en septembre 1985, a sollicité en octobre 2018 son admission au séjour au titre de l'asile. La consultation du fichier Eurodac ayant révélé qu'il avait précédemment déposé une demande d'asile en Allemagne dont les autorités ont accepté de le reprendre en charge, le préfet de police a décidé par arrêté du 14 décembre 2018 de le remettre aux autorités allemandes. Cet arrêté ayant été annulé du fait d'une irrégularité de procédure par un jugement du tribunal administratif de Paris du 7 mars 2019, notifié le 10 mai 2019, le préfet de police, a, après un nouvel examen de la demande, pris un second arrêté de transfert vers l'Allemagne le 12 août 2019. M. C... fait appel du jugement du 4 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou apatride fixe, à ses articles 7 et suivants, les critères à mettre en oeuvre pour déterminer, de manière claire, opérationnelle et rapide ainsi que l'ont prévu les conclusions du Conseil européen de Tempere des 15 et 16 octobre 1999, l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile. La mise en oeuvre de ces critères peut conduire, le cas échéant, à une demande de prise ou reprise en charge du demandeur, formée par l'Etat membre dans lequel se trouve l'étranger, dénommé " Etat membre requérant ", auprès de l'Etat membre que ce dernier estime être responsable de l'examen de la demande d'asile, ou " Etat membre requis ". En cas d'acceptation de ce dernier, l'Etat membre requérant prend, en vertu de l'article 26 du règlement, une décision de transfert, notifiée au demandeur, à l'encontre de laquelle ce dernier dispose d'un droit de recours effectif, en vertu de l'article 27, paragraphe 1, du règlement. Aux termes du paragraphe 3 du même article : " Aux fins des recours contre des décisions de transfert ou des demandes de révision de ces décisions, les États membres prévoient les dispositions suivantes dans leur droit national : / a) le recours ou la révision confère à la personne concernée le droit de rester dans l'État membre concerné en attendant l'issue de son recours ou de sa demande de révision (...) ". Aux termes de l'article 29, paragraphe 1, du règlement, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant ".

3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 du même code : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine (...) ". En vertu du II du même article, lorsque la décision de transfert est accompagnée d'un placement en rétention administrative ou d'une mesure d'assignation à résidence notifiée simultanément, l'étranger dispose d'un délai de quarante-huit heures pour saisir le président du tribunal administratif d'un recours et ce dernier dispose d'un délai de soixante-douze heures pour statuer. Aux termes du second alinéa de l'article L. 742-5 du même code : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article

L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ". L'article L. 742-6 du même code prévoit que : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à la suite de la décision du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, même formé par l'autorité préfectorale, ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

5. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 12 août 2019 par lequel le préfet de police a ordonné le transfert de M. C... vers l'Allemagne est intervenu dans le délai de six mois à compter de l'accord des autorités allemandes fixé par l'article 29 du règlement du 26 juin 2013 pour l'exécution du transfert, dès lors que ce délai de six mois a été interrompu par l'introduction du recours présenté par M. C... contre le premier arrêté du 14 décembre 2018 décidant son transfert et n'a recommencé à courir, intégralement, qu'à compter du 10 mai 2019, date de notification du jugement du tribunal administratif de Paris qui a annulé la décision de transfert en litige. A supposer même que le délai de transfert de six mois ait à nouveau été interrompu par l'introduction du recours présenté contre l'arrêté du 12 août 2019 et qu'il ait recommencé à courir intégralement à la suite de la notification, le 18 novembre 2019, du jugement du tribunal administratif de Paris du 4 novembre 2019, ce délai est désormais expiré. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que l'autorité préfectorale aurait décidé de porter à dix-huit mois le délai de remise après avoir constaté que l'intéressé aurait pris la fuite ou que ce dernier aurait été emprisonné. En conséquence, la décision de transfert est devenue caduque dès lors qu'elle n'a fait l'objet d'aucune prorogation et n'a pas été matériellement exécutée. La caducité de cette décision a pour effet de priver d'objet la demande de M. C... tendant à l'annulation du jugement du 4 novembre 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris et de l'arrêté du 12 avril 2019.

6. Le présent arrêt, qui se borne à constater qu'il n'y a plus lieu de statuer sur une demande d'annulation, n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction de la requête de M. C... doivent être rejetées.

7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. C... présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. C....

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme D..., présidente de chambre,

- M. A..., premier conseiller,

- M. Platillero, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juin 2020.

La présidente de la 1ère chambre,

S. D...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA03901 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19PA03901
Date de la décision : 15/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : SELARL LFMA

Origine de la décision
Date de l'import : 25/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-06-15;19pa03901 ?
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