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11/06/2020 | FRANCE | N°19PA03258

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 11 juin 2020, 19PA03258


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 23 juillet 2018 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1820854/3-3 du 14 mai 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 octobre 2019 et un mémoire en réplique en

registré le 17 mai 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 23 juillet 2018 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1820854/3-3 du 14 mai 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 octobre 2019 et un mémoire en réplique enregistré le 17 mai 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1820584/3-3 du 14 mai 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 juillet 2018 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, ou à défaut de réexaminer sa situation sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le refus de titre de séjour a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, le préfet ne démontrant pas que le rapport médical a été établi par un médecin ne faisant pas partie du collège qui a rendu l'avis du 21 avril 2018 ; le collège n'a pas pris en compte sa dernière hospitalisation et un nouvel avis est nécessaire ;

- il résidait en France depuis plus de dix ans et la consultation de la commission du titre de séjour était nécessaire ;

- le refus de titre de séjour méconnait les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 avril 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 août 2019 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant libanais né en juin 1949 et entré en France en dernier lieu en septembre 2013 selon ses déclarations, y a obtenu une carte temporaire de séjour sur le fondement du 11° de de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile valable du 22 novembre 2013 au 21 novembre 2014, renouvelée jusqu'au 25 janvier 2017 et prolongée par des récépissés. Par l'arrêté attaqué du 23 juillet 2018, le préfet de police a refusé de renouveler ce titre de séjour, a obligé M. B... à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... fait appel du jugement du 14 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. L'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". L'article R. 313-22 du même code précise : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Selon l'article R. 313-23 : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis (...) Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ".

3. En premier lieu, il ressort des pièces produites en appel que le médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a établi le rapport prévu à l'article R. 313-22 sur l'état de santé de M. B... n'a pas siégé au sein du collège de trois médecins qui a émis, le 24 avril 2018, un avis sur sa situation. Le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.

4. En deuxième lieu, le préfet de police, suivant en cela l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 24 avril 2018, a estimé le 23 juillet 2018 que le défaut de la prise en charge médicale dont M. B... bénéficiait en France ne devrait pas entraîner pour lui de conséquences d'une exceptionnelle gravité. D'une part, il ne ressort pas des pièces produites, et notamment des convocations hospitalières à des consultations ou examens de suivi, que le mélanome thoracique pour lequel M. B... a été opéré en 2009 et qui est depuis en rémission nécessite, au-delà de cette surveillance, une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une extrême gravité. D'autre part, si M. B... fait valoir que l'avis médical et la décision préfectorale sont intervenus sans qu'ait pu être prise en compte la circonstance qu'il a été hospitalisé pendant trois jours, du 26 au 28 avril 2018, pour une angine de poitrine, il ne ressort pas des pièces qu'il produit en appel, et notamment du compte-rendu de cette hospitalisation qui fait état d'une sortie après trois jours avec un traitement médical et un suivi, ou des certificats médicaux postérieurs, que l'absence de traitement de cette deuxième affection aurait pu avoir, à la date du 23 juillet 2018 à laquelle a été prise la décision, des conséquences d'une extrême gravité. M. B..., qui n'allègue pas avoir fait part des nouveaux éléments concernant son état de santé dans le cadre de l'examen de sa demande, n'est pas non plus fondé à soutenir qu'un nouvel avis médical aurait dû être recueilli avant que ne soit pris le refus de titre de séjour contesté. Enfin, les problèmes rhumatologiques qu'il invoque ne sont attestés que par un certificat du 19 mars 2019, très postérieur à la décision contestée, qui n'avait donc pas, en tout état de cause, à les prendre en compte. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait fait une inexacte application des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant le 23 juillet 2018 la délivrance du titre de séjour sollicité par M. B....

5. En troisième lieu, M. B..., âgé de 69 ans à la date de la décision contestée, fait valoir qu'il est francophone et justifie depuis 1996 de longues périodes de présence en France, où il a travaillé dans des emplois agricoles et bénéficie du statut de travailleur handicapé, d'un hébergement par le SAMU social et d'un suivi hospitalier, alors qu'il est isolé et sans ressources au Liban où il ne pourra bénéficier du même suivi. Malgré ces circonstances, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision du préfet de police lui refusant un titre de séjour soit entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

6. En quatrième lieu, il ressort de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français devrait être annulée en conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour.

7. En cinquième lieu, le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français " l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Comme dit au point 4 ci-dessus, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut donc qu'être écarté.

8. Enfin, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Si M. B... soutient que son retour au Liban l'expose à une rupture de soins, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entrainer pour lui de conséquences telles qu'elles puissent être regardées comme des traitements proscrits par ces stipulations. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet eu égard à la gravité des conséquences de l'obligation de quitter le territoire français doivent être écartés.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête d'appel, y compris ses conclusions à fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles tendant à la condamnation de l'Etat, qui n'est pas partie perdante, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peut qu'être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme D..., présidente de chambre,

- M. Legeai, premier conseiller.

- M. Platillero, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2020.

La présidente de la 1ère chambre,

S. D...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA03258


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19PA03258
Date de la décision : 11/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: Mme Sylvie PELLISSIER
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : STAMBOULI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-06-11;19pa03258 ?
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