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09/06/2020 | FRANCE | N°19PA03579

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 09 juin 2020, 19PA03579


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2018 par lequel le préfet du Territoire de Belfort a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait éloignée.

Par un jugement n° 1901813 du 19 septembre 2019, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un m

émoire enregistrés les 14 novembre 2019 et 3 décembre 2019, Mme A..., représentée par Me E..., deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2018 par lequel le préfet du Territoire de Belfort a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait éloignée.

Par un jugement n° 1901813 du 19 septembre 2019, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 14 novembre 2019 et 3 décembre 2019, Mme A..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Territoire de Belfort du 3 décembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Territoire de Belfort, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, dans le délai d'un mois, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la décision de refus de titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Sur la décision fixant le délai de départ volontaire :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet du Territoire de Belfort, qui s'est estimé tenu de fixer un délai de trente jours, s'est abstenu d'exercer pleinement sa compétence pour apprécier la durée du délai ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile telles qu'interprétées à la lumière de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008.

Par un mémoire enregistré le 20 mai 2020, le préfet du Territoire de Belfort conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme A... été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris du 1er octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., de nationalité marocaine, entrée en France en 2013 selon ses déclarations, a sollicité son admission exceptionnelle au séjour au titre des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 3 décembre 2018, le préfet du Territoire de Belfort a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A... relève appel du jugement du 19 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 3 décembre 2018.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, si la décision, qui vise par ailleurs les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne vise pas spécifiquement les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle vise ce code dans son ensemble et précise que l'intéressée a formé une demande d'admission exceptionnelle au séjour. De plus, si elle ne vise pas les stipulations de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, cette circonstance est sans incidence sur sa légalité dès lors que Mme A... n'établit pas ni même ne soutient qu'elle aurait formé une demande sur le fondement de ces stipulations. En outre, la décision contestée expose les motifs pour lesquelles cette demande est rejetée et mentionne également qu'eu égard aux circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Cette décision comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le préfet du Territoire de Belfort, qui n'était pas tenu d'indiquer dans sa décision l'ensemble des circonstances de fait propres à la situation de l'intéressé mais seulement celles qui fondent la décision contestée, n'a pas entaché sa décision d'une insuffisance de motivation.

3. En deuxième lieu, il ne ressort ni de la décision contestée ni des pièces du dossier que le préfet du Territoire de Belfort n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de la requérante.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ".

5. Mme A... fait valoir qu'elle est entrée en France en 2013, qu'elle réside auprès de sa soeur et de sa nièce et qu'elle a plusieurs engagements associatifs. Toutefois, ni la durée de sa résidence en France, ni la présence en France de certains membres de sa famille, ne constituent des motifs exceptionnels ou des considérations humanitaires au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il en est de même en ce qui concerne la maîtrise de la langue et l'intérêt qu'elle porte à la culture française. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

6. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Mme A... se prévaut d'une durée de résidence en France de six années, de la présence sur le territoire de différents membres de sa famille qui l'ont hébergée et qui témoignent de leur soutien dans les attestations versées au dossier, ainsi que de sa participation à plusieurs activités caritatives. Il est toutefois constant qu'elle est célibataire et sans charge de famille en France. Par ailleurs, l'intéressée n'établit pas qu'elle serait dépourvue de toute attache au Maroc, où elle a vécu jusqu'à l'âge de cinquante-huit ans. Ainsi, au regard de ces circonstances, et compte tenu en particulier de la brièveté et des conditions du séjour de Mme A... en France à la date de la décision contestée, le préfet du Territoire de Belfort, en rejetant la demande de titre de séjour dont il était saisi, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :

8. D'une part, les moyens dirigés contre le refus de titre de séjour ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée à l'appui des conclusions de Mme A... dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.

9. D'autre part, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que le préfet du Territoire de Belfort aurait entaché la décision en litige d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée doit être écarté.

Sur la décision fixant le délai de départ volontaire :

10. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ". Aux termes de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, relatif au " départ volontaire " : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. (...) / 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux ".

11. D'une part, le délai de départ volontaire de trente jours accordé à Mme A... afin qu'elle exécute l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français correspond au délai de droit commun le plus long susceptible d'être accordé en application des dispositions précitées. En l'absence d'une demande en ce sens, l'absence d'octroi d'une prolongation de ce délai n'a pas à faire l'objet d'une motivation spécifique. En l'espèce, Mme A... ne justifie, ni même n'allègue, avoir présenté une telle demande. Par suite, la décision contestée est suffisamment motivée.

12. D'autre part, Mme A... n'a présenté aucune demande tendant à la prolongation du délai de départ volontaire et aucune circonstance particulière de nature à justifier une telle prolongation ne ressort des pièces du dossier. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet du Territoire de Belfort se serait cru à tort en situation de compétence liée au regard des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour le même motif, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile telles qu'interprétées à la lumière des dispositions précitées de la directive du 16 décembre 2008 doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Territoire de Belfort du 3 décembre 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des frais liés au litige ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet du territoire de Belfort

Délibéré après l'audience du 26 mai 2020 à laquelle siégeaient :

- M. D..., premier vice-président,

- M. Bernier, président-assesseur,

- Mme B..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 9 juin 2020.

Le rapporteur,

G. B...Le président,

M. D...Le greffier,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°19PA03579

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA03579
Date de la décision : 09/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : ROCHICCIOLI

Origine de la décision
Date de l'import : 25/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-06-09;19pa03579 ?
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