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09/06/2020 | FRANCE | N°19PA02117

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 09 juin 2020, 19PA02117


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association " Comité national pour l'éducation artistique " et l'association " Comité de défense des ateliers des Grands Augustins " ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2015 par lequel la maire de Paris a délivré à la société Helzear Exploitation un permis de construire n° PC 07510614 V 0019, pour la réhabilitation d'un immeuble de bureaux en résidence hôtelière, 7 rue des Grands Augustins, à Paris.

Par un jugement n° 1515406/4-3 du 8 décembr

e 2016, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 17PA0...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association " Comité national pour l'éducation artistique " et l'association " Comité de défense des ateliers des Grands Augustins " ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2015 par lequel la maire de Paris a délivré à la société Helzear Exploitation un permis de construire n° PC 07510614 V 0019, pour la réhabilitation d'un immeuble de bureaux en résidence hôtelière, 7 rue des Grands Augustins, à Paris.

Par un jugement n° 1515406/4-3 du 8 décembre 2016, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 17PA00503 du 24 avril 2018, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par les associations " Comité national pour l'éducation artistique " et " Comité de défense des ateliers des Grands Augustins " contre ce jugement.

Par une décision n° 421785 du 26 juin 2019, le Conseil d'État, saisi d'un pourvoi présenté par l'association " Comité national pour l'éducation artistique ", a annulé l'arrêt n° 17PA00503 du 24 avril 2018 de la cour administrative d'appel de Paris et renvoyé l'affaire devant la cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 9 février 2017 et 21 février 2020, l'association " Comité national pour l'éducation artistique " et l'association " Comité de défense des ateliers des Grands Augustins ", représentées par Me F..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 8 décembre 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2015 par lequel la maire de Paris a délivré à la société Helzear Exploitation un permis de construire n° PC 075 106 14 V0019, pour la réhabilitation d'un immeuble de bureaux en résidence hôtelière, 7 rue des Grands Augustins, à Paris.

Elles soutiennent que :

- l'association " Comité national pour l'éducation artistique " a intérêt à demander l'annulation du permis litigieux, dès lors d'une part qu'elle a pour objet la défense et la promotion des enseignements artistiques et de l'éducation artistique et culturelle en France, en Europe et à travers le monde et, d'autre part, que son siège est fixé au 7 rue des Grands Augustins, lieu qu'elle occupe depuis plus de dix ans ; la procédure d'expulsion dont elle a fait l'objet a été annulée par la Cour de cassation le 1er juin 2016, ce qui lui ouvre la possibilité de retrouver son siège social ; son recours doit donc être regardé comme recevable au sens des dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;

- alors même que l'association " Comité de défense des ateliers des Grands Augustins " s'est constituée le 20 juillet 2015, après édiction du permis de construire attaqué, l'article

L. 600-1-1 du code de l'urbanisme ne peut lui être opposé dès lors que la preuve de l'affichage de la demande de permis n'est pas rapportée ;

- l'arrêté du 15 juillet 2015 est entaché d'incompétence ;

- il a été pris au terme d'une procédure irrégulière ; le dossier de demande de permis de construire déposé par le pétitionnaire était incomplet au regard des dispositions de l'article R. 431-30 du code de l'urbanisme ; il ne comprenait pas en outre l'agrément prévu par l'article R. 431-16 d) du même code ; il ne comportait pas l'ensemble des photographies requises, ni la description des moyens mis en oeuvre dans la démolition pour éviter toute atteinte à l'immeuble classé, en méconnaissance de l'article R. 451-4 du code de l'urbanisme ; la notice architecturale produite était incomplète, faute d'indication des modalités d'exécution des travaux, comme l'exigent les dispositions de l'article R. 431-14 du code de l'urbanisme ;

- l'arrêté du 15 juillet 2015 méconnaît les dispositions de l'article UG.11.5 du règlement du plan local d'urbanisme relatives aux travaux réalisés sur un bâtiment protégé, dans la mesure où toutes ses caractéristiques n'ont pas été conservées, et où la demande de permis de construire ne permet pas, faute de précisions suffisantes, de s'assurer de la bonne préservation des lieux ;

- le permis litigieux est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la protection dont fait l'objet le " Grenier des Grands Augustins " par l'arrêté du 18 juillet 2014.

Par deux mémoires enregistrés les 22 décembre 2017 et 18 mai 2020, la société Helzear Exploitation, représentée par Me C..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de constater qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la requête ;

2°) de mettre à la charge solidaire des associations " Comité national pour l'éducation artistique " et " Comité de défense des ateliers des Grands Augustins " la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable, les associations requérantes étant dépourvues d'intérêt leur donnant qualité pour demander l'annulation du permis de construire attaqué ; le représentant de l'association " Comité national pour l'éducation artistique " ne justifie pas de sa qualité pour agir en son nom ;

- les moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés.

Par deux mémoires enregistrés les 6 février 2018 et 21 février 2020, la ville de Paris, représentée par Me B..., demande à la cour de rejeter la requête et de mettre à la charge solidaire des associations " Comité national pour l'éducation artistique " et " Comité de défense des ateliers des Grands Augustins " la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle ne bénéficie plus d'un titre l'habilitant à construire et a sollicité, par courrier du

27 février 2020, le retrait de l'autorisation dont elle est bénéficiaire sur le fondement des dispositions de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme ;

- la requête est irrecevable, les associations requérantes étant dépourvues d'intérêt leur donnant qualité pour demander l'annulation du permis de construire attaqué ;

- les moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 20 mai 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la ville de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 15 juillet 2015, la maire de Paris a accordé à la société Helzear Exploitation un permis de construire pour la réhabilitation avec changement de destination d'un immeuble de bureaux situé 7 rue des Grands Augustins, à Paris, en résidence hôtelière de vingt-cinq chambres. Les combles de ce bâtiment, appartenant depuis 1923 à la chambre des huissiers de justice de Paris et partiellement inscrit au titre des monuments historiques, ont notamment abrité entre 1937 et 1955 l'atelier du peintre Picasso. L'association " Comité national pour l'éducation artistique ", qui a occupé les lieux à titre gratuit à partir de 2002, en vertu d'une convention conclue avec la chambre et expirant le 31 décembre 2010, et l'association " Comité de défense des ateliers des Grands Augustins ", ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2015 accordant le permis de construire à la société Helzear Exploitation. Elles demandent à la cour d'annuler le jugement du 8 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Sur l'exception de non-lieu à statuer opposée par la société Helzear Exploitation :

2. Il est constant que l'arrêté du 15 juillet 2015 accordant le permis de construire à la société Helzear Exploitation n'a pas été retiré. Par suite, la requête n'ayant pas perdu son objet en cours d'instance, il y a lieu d'y statuer.

Sur la recevabilité de la requête :

3. En premier lieu et d'une part, il résulte des statuts produits par l'association " Comité national pour l'éducation artistique ", que celle-ci a pour objet social " la défense et la promotion des enseignements artistiques et de l'éducation artistique et culturelle en France, en Europe et plus généralement à travers le monde ". Cet objet social, éloigné des considérations d'urbanisme et très vaste s'agissant des territoires qu'il concerne, ne confère pas à cette association un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation du permis de construire litigieux.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ". Si ces dispositions n'entendent pas régir les recours formés par les associations lorsqu'elles agissent au nom des intérêts qu'elles se sont donné pour mission de défendre, elles s'appliquent aux associations qui entendent contester un permis de construire, de démolir ou d'aménager en qualité de propriétaire ou d'occupant régulier d'un bien immobilier. À ce dernier égard, une personne occupant un bien immobilier sans en être propriétaire ni faire état d'un droit ou titre l'y autorisant ne justifie pas, eu égard au caractère irrégulier de cette occupation, d'un intérêt légitime de nature à lui donner qualité pour demander l'annulation d'une autorisation d'urbanisme, sauf à ce que, à la date à laquelle elle saisit le juge administratif, elle puisse faire état d'une contestation sérieuse devant le juge compétent sur la perte de son droit d'occupation.

5. Il ressort des pièces du dossier que l'association " Comité national pour l'éducation artistique " a occupé les combles, dit " grenier des Grands Augustins " du bâtiment concerné par le permis de construire litigieux à compter de l'année 2002, en vertu d'une convention de mise à disposition conclue avec la chambre des huissiers de justice de Paris, qui expirait le

31 décembre 2010 et n'a pas été renouvelée. Elle s'est maintenue sans titre dans les lieux jusqu'au mois de juillet 2013 et a contesté devant le tribunal de grande instance de Paris la procédure d'expulsion dont elle a fait l'objet. Si cette juridiction, puis la cour d'appel de Paris par arrêt du 16 octobre 2014, ont autorisé l'expulsion, la Cour de cassation a annulé le

1er juin 2016 l'ensemble de cette procédure. Toutefois, eu égard à ses motifs, tirés du défaut d'impartialité de l'huissier ayant délivré à l'association l'assignation en référé à fin d'expulsion, cet arrêt sans renvoi de la Cour de cassation n'impliquait la reconnaissance d'aucun droit pour la requérante à occuper le " grenier des Grands Augustins " au-delà du 31 décembre 2010. Par suite, celle-ci ne peut être regardée comme faisant état d'une contestation sérieuse de la perte de son droit d'occupation des lieux objet du permis contesté. Elle est dès lors dépourvue à ce titre d'intérêt légitime de nature à lui donner qualité pour en demander l'annulation.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme : " Une association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu antérieurement à l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire ". Il ressort des pièces du dossier que l'association " Comité de défense des ateliers des Grands Augustins ", qui produit en appel ses statuts, s'est constituée le 20 juillet 2015 et a déposé ses statuts en préfecture le 23 juillet 2015, soit postérieurement à l'affichage en mairie de la demande de permis de construire, intervenu le 13 août 2014. Par suite, en application des dispositions précitées de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme, ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 15 juillet 2015 sont irrecevables.

7. Il résulte de ce qui précède que les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de l'association " Comité national pour l'éducation artistique " et de l'association " Comité de défense des ateliers des Grands Augustins " le versement de la somme de 1 500 euros à la société Helzear Exploitation et de la somme de 1 500 euros à la ville de Paris, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'association " Comité national pour l'éducation artistique " et de l'association " Comité de défense des ateliers des Grands Augustins " est rejetée.

Article 2 : L'association " Comité national pour l'éducation artistique " et l'association " Comité de défense des ateliers des Grands Augustins " verseront solidairement la somme de 1 500 euros à la société Helzear Exploitation et la somme de 1 500 euros à la ville de Paris, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Comité national pour l'éducation artistique ", à l'association " Comité de défense des ateliers des Grands Augustins ", à la société Helzear Exploitation et à la ville de Paris.

Délibéré après l'audience publique du 26 mai 2020 à laquelle siégeaient :

- M. E..., premier vice-président,

- M. Bernier, président-assesseur,

- Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 9 juin 2020.

Le rapporteur,

G. D... Le président,

M. E...

Le greffier,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

2

N° 19PA02117


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02117
Date de la décision : 09/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-06-01-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Règles de procédure contentieuse spéciales. Introduction de l'instance. Intérêt à agir.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : HMS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-06-09;19pa02117 ?
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