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09/06/2020 | FRANCE | N°19PA01882

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 09 juin 2020, 19PA01882


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Catrybayart a demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) d'annuler la décision de refus d'agrément qui lui a été opposée le

21 novembre 2016 ;

2°) d'enjoindre aux services fiscaux de lui délivrer, dans un délai de trois mois, l'agrément de transfert des déficits prévu au II de l'article 209 du code général des impôts au titre de l'absorption des sociétés Eutec et Bayart Chauffage 80 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros

parfaire, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 17013...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Catrybayart a demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) d'annuler la décision de refus d'agrément qui lui a été opposée le

21 novembre 2016 ;

2°) d'enjoindre aux services fiscaux de lui délivrer, dans un délai de trois mois, l'agrément de transfert des déficits prévu au II de l'article 209 du code général des impôts au titre de l'absorption des sociétés Eutec et Bayart Chauffage 80 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros à parfaire, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1701381/1-1 du 10 avril 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société Catrybayart.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 10 juin et 4 novembre 2019, la société Catrybayart, représentée par Me A... et Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris du 10 avril 2019 ;

2°) d'enjoindre aux services fiscaux de lui délivrer, dans un délai de trois mois, l'agrément de transfert des déficits prévu au II de l'article 209 du code général des impôts au titre de l'absorption des sociétés Eutec et Bayart Chauffage 80 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros à parfaire, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le texte législatif n'étant pas clair, il convient de se rapporter aux travaux parlementaires ;

- la condition de stabilité de l'activité vise à éviter les montages en vue d'optimisation fiscale ;

- le changement significatif doit être apprécié de manière globale pour l'ensemble des sociétés absorbées ;

- la doctrine administrative BOI-SJ-AGR-30-10-10-20131007 n° 160 et BOI-SJ-AGR-20-30-10-10-20131007 n° 190 invite à prendre en compte le contexte économique de l'opération ;

- la réalité économique de l'opération est établie par les investissements réalisés ;

- il n'y a pas eu de changement significatif de l'activité des sociétés absorbées ;

- l'agrément est de droit lorsque les conditions sont satisfaites.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 septembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la société Catrybayart ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 18 octobre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au

5 novembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction qu'en 2013 le groupe Desenfans and Co a acquis 100 % de la société Ets Bayart fils qui détenait deux filiales, Bayart Chauffage 80 et Eutec, ces trois sociétés exerçant une activité de distribution de matériels de chauffage et de climatisation aux professionnels du bâtiment. Le 15 décembre 2014, avec effet rétroactif au 1er janvier 2014, la société Ets Jacques Bayart fils a réalisé une opération de fusion par voie d'absorption des sociétés Eutec et Bayart Chauffage 80 et, le même jour, la société Ets Jacques Bayart et fils a fusionné avec les Ets Victor Catry, pour donner naissance à la société Catrybayart. L'administration fiscale a admis la continuité de l'activité exercée par les Ets Jacques Bayart fils dont les effectifs et sites ont été conservés par l'absorbante Catrybayart et a rendu une décision d'agrément positive, en acceptant le 21 novembre 2016, le transfert des déficits antérieurement subis par les Ets Bayart fils au bénéfice de Catrybayart pour un montant de 2 869 693 euros. Toutefois, le dirigeant de la société Ets Bayart et fils ayant demandé, le

15 septembre 2014 à l'administration fiscale de lui accorder un agrément lui permettant de bénéficier des déficits de ses filiales Eutec et Bayart Chauffage 80 constatés au cours des années 2011 à 2013, cette seconde demande lui a été refusée. La société Catrybayart, venant aux droits de la société Ets Bayart et fils, relève appel du jugement en date du 10 avril 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation du refus de lui accorder cet agrément.

2. Aux termes du II de l'article 209 du code général des impôts : " II. En cas de fusion ou opération assimilée placée sous le régime de l'article 210 A, les déficits antérieurs et la fraction d'intérêts mentionnée au sixième alinéa du 1 du II de l'article 212 non encore déduits par la société absorbée ou apporteuse sont transférés, sous réserve d'un agrément délivré dans les conditions prévues à l'article 1649 nonies, à la ou aux sociétés bénéficiaires des apports, et imputables sur ses ou leurs bénéfices ultérieurs dans les conditions prévues respectivement au troisième alinéa du I et au sixième alinéa du 1 du II de l'article 212(...) L'agrément est délivré lorsque : /a. L'opération est justifiée du point de vue économique et obéit à des motivations principales autres que fiscales ; /b) L'activité à l'origine des déficits ou des intérêts dont le transfert est demandé n'a pas fait l'objet par la société absorbée ou apporteuse, pendant la période au titre de laquelle ces déficits et ces intérêts ont été constatés, de changement significatif, notamment en termes de clientèle, d'emploi, de moyens d'exploitation effectivement mis en oeuvre, de nature et de volume d'activité ; /c) L'activité à l'origine des déficits ou des intérêts dont le transfert est demandé est poursuivie par la ou les sociétés absorbantes ou bénéficiaires des apports pendant un délai minimal de trois ans, sans faire l'objet, pendant cette période, de changement significatif, notamment en termes de clientèle, d'emploi, de moyens d'exploitation effectivement mis en oeuvre, de nature et de volume d'activité ; /(...) ". Il résulte des dispositions du b. du II de l'article 209 du code général des impôts que la condition qu'elles énoncent tient à ce qu'examinée pour elle-même, l'activité transférée à la société absorbante n'ait pas fait l'objet de changements significatifs pendant la période au titre de laquelle ont été constatés les déficits dont le transfert est demandé. La période au titre de laquelle les déficits ont été constatés au sens des dispositions précitées ne saurait être limitée à celle au cours de laquelle les déficits sont nés, mais est en l'espèce celle qui s'étend de la naissance des déficits en cause à la demande tendant à leur transfert.

3. Contrairement à ce qui est soutenu, les dispositions selon lesquelles " l'activité à l'origine des déficits ou des intérêts dont le transfert est demandé n'a pas fait l'objet par la société absorbée ou apporteuse, pendant la période au titre de laquelle ces déficits et ces intérêts ont été constatés, de changement significatif, notamment en termes de clientèle, d'emploi, de moyens d'exploitation effectivement mis en oeuvre, de nature et de volume d'activité " sont claires et ne sauraient être interprétées à la lumière des travaux parlementaires comme n'autorisant l'administration fiscale à refuser l'agrément qu'en présence de montages réalisés en vue d'optimisation fiscale ou en l'absence de réalité économique de l'opération d'absorption. Contrairement à ce qui est également soutenu, ces dispositions ne prévoient pas que le changement significatif ait à être apprécié de manière globale pour l'ensemble des sociétés absorbées.

4. La société Eutec, qui exerçait l'activité de négoce et de distribution de matériels de chauffage et de climatisation, a connu une baisse de 66 % de son activité entre l'année 2011 et l'année 2014 et a enregistré la perte d'importants clients. Son effectif est passé de quatre salariés à un salarié entre 2011 et 2013 et son agence de Valenciennes a été définitivement fermée en 2013, la société perdant ainsi son unique site d'exploitation et le personnel itinérant déployant son activité sur une plateforme logistique à 55 kms de la zone de chalandise initiale, à Lille. La société Bayart Chauffage 80, qui exerçait la même activité, a connu une baisse de 60 % de son volume d'activité entre 2011 et 2014, période au cours de laquelle les effectifs sont passés de huit en 2011 à cinq en 2013 et deux en 2014. Elle a également subi la fermeture de son unique établissement à Glisy dans la Somme le 15 décembre 2014. Ces éléments sont de nature à caractériser un changement significatif, notamment en termes de clientèle, d'emplois et de moyens d'exploitation, de l'activité des sociétés absorbées au cours de la période en cause, alors même qu'elles ont rencontré des difficultés conjoncturelles et que la diminution de leur effectif salarié soit en partie imputable à des restructurations opérées au sein du groupe, et sans que la société requérante puisse utilement se prévaloir de ce que les opérations d'absorption ont donné lieu, au niveau du groupe, à la réalisation d'importants investissements, à la reprise de salariés des sociétés absorbées, à la conservation de leurs fournisseurs, au renouvellement des stocks et au développement des références disponibles en stocks.

5. La doctrine administrative invoquée, en ce qu'elle recommande la prise en compte du contexte économique de l'opération, ne fait pas de la loi fiscale une interprétation différente de ce qui précède et n'est par suite pas invocable sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, à supposer d'ailleurs que la société requérante, qui se borne à mentionner en notes de bas de page dans ses écritures, des références de Bulletins officiels des impôts, puisse être regardée comme se prévalant de la garantie contre les changements de doctrine prévue par cet article.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Catrybayart n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Catrybayart est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Catrybayart et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 27 mai 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Appèche, président,

- M. C..., premier conseiller,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juin 2020.

Le président de la formation de jugement,

S. APPECHE

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

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N° 19PA01882


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01882
Date de la décision : 09/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme APPECHE
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-06-09;19pa01882 ?
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