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09/06/2020 | FRANCE | N°19PA01516

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 09 juin 2020, 19PA01516


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Optical Center a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale à l'impôt sur les sociétés et des majorations correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010 et en 2011 pour un montant total de 11 099 046 euros.

Par un jugement n° 1621881/1-3 du 6 mars 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société Optical Center.

Procéd

ure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 6 mai, 8 octobre, 31 oc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Optical Center a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale à l'impôt sur les sociétés et des majorations correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010 et en 2011 pour un montant total de 11 099 046 euros.

Par un jugement n° 1621881/1-3 du 6 mars 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société Optical Center.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 6 mai, 8 octobre, 31 octobre 2019,

11 mars 2020 et 20 mai 2020, la société Optical Center, représentée par Me E... B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris du 6 mars 2019 ;

2°) prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros à parfaire, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la société n'a pas bénéficié d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur ;

- le service a procédé à des emports de documents irréguliers ;

- la réponse Custé (AN 30/11/1978, n° 7511) est invocable à cet égard ;

- on ne saurait lui demander d'apporter une preuve négative en méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le refus de restitution des documents emportés entraine une méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- si les fonctions de dirigeant peuvent être exercées par une personne morale, aucune disposition législative ne s'oppose à ce que la rémunération des fonctions exercées par le dirigeant de cette société soit assurée par le paiement de prestations de direction effectuées par ce dirigeant lorsqu'il est simultanément directeur de cette autre société tierce ;

- elle ne rémunérait pas son dirigeant et par suite, aucun double emploi ne peut être constaté ;

- il ne saurait être reproché à la société tierce de ne pas être sa dirigeante et lui être opposé simultanément que la personne physique est la dirigeante des deux personnes morales ;

- les fonctions exercées par la société tierce lui ont été confiées conformément aux statuts ;

- les rémunérations ont été versées dans l'intérêt de l'entreprise ;

- les prestations facturées par LL Nadlan rémunéraient des prestations techniques détachables et distinctes du mandat social du Président ;

- aucun acte anormal de gestion ne peut être constaté ;

- les prestations de la société tierce sont réelles et ne sauraient être regardées comme faisant double emploi avec les structures internes ;

- il n'existe aucun lien de dépendance entre la société requérante et la société tierce ;

- s'agissant des prestations publicitaires en provenance de la société luxembourgeoise, le tribunal lui a opposé pour la première fois l'absence de production de factures en méconnaissant la procédure contradictoire ;

- les factures ont été fournies en cours de contrôle ;

- la réalité des prestations publicitaires n'a pas été remise en cause ;

- l'utilité et les modalités des campagnes d'emailing ont été établies ;

- les prestations ont été admises pour d'autres années ;

- les provisions pour le service après-vente sont justifiées par les charges à anticiper relativement aux produits déjà constatés et sont calculées avec la précision nécessaire ;

- on ne saurait refuser de les prendre en compte au motif qu'elles seraient déjà incluses dans les obligations issues des contrats de travail ;

- la motivation des pénalités est insuffisante ;

- elles ne sont pas justifiées ;

- l'administration fiscale a admis en ce qui concerne les années 2015 et 2016 le principe de déductibilité des management fees ;

- il convient d'en tenir compte en ce qui concerne l'application des pénalités.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 septembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la société Optical Center ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la société Optical Center.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Optical Center, qui a pour objet le commerce de détail de produits d'optique, de lunetterie, de photographies et d'appareils auditifs, et qui est intégralement détenue, de manière directe ou indirecte, par M. C... A..., son président, a fait l'objet en 2013 et 2014 d'une vérification de comptabilité relative aux exercices 2011 et 2012, à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause la déductibilité de provisions pour service après-vente, de rémunérations versées à la société LL Nadlan pour des prestations de gestion et de rémunérations versées à la société Optical Center Luxembourg pour des prestations de promotion publicitaire. La SAS Optical Center relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale à l'impôt sur les sociétés et des majorations correspondantes auxquelles elle a été en conséquence assujettie au titre des exercices clos en 2010 et en 2011.

2. La société requérante soutient que le vérificateur aurait irrégulièrement emporté les originaux d'une partie de ses pièces comptables.

3. Il résulte de l'ensemble des dispositions du livre des procédures fiscales relatives aux opérations de vérification que celles-ci se déroulent chez le contribuable ou au siège de l'entreprise vérifiée. Toutefois, sur demande écrite du contribuable, le vérificateur peut emporter certains documents dans les locaux de l'administration, qui, en devient ainsi dépositaire. En ce cas, il doit délivrer à l'intéressé un reçu détaillé des pièces qui lui sont remises. En revanche, la prise ou la conservation par le vérificateur de photocopies de documents comptables, dont le contribuable avait conservé les originaux ou un autre exemplaire, ne constitue pas un emport irrégulier de documents de nature à vicier la procédure d'imposition.

4. Il résulte de l'instruction et il n'est d'ailleurs pas contesté par le ministre que le vérificateur a emporté au cours de la vérification un certain nombre de documents. Il est constant que si la société a effectivement obtenu des reçus des documents remis, aucune demande d'emport de documents n'a été formulée de la part du contribuable. Le ministre fait toutefois valoir que les documents emportés étaient uniquement des photocopies. Il résulte de l'instruction que le 25 mars 2013, la vérificatrice a reconnu que lui avaient été remis le 21 mars précédent des documents dont rien n'indique qu'il s'agit de copies. Il résulte également du courrier de la vérificatrice en date du 29 mai 2013 que cette dernière a demandé que lui soient fournis un certain nombre de documents, notamment des contrats ainsi que des pièces justificatives des honoraires versés ou de diverses autres charges comptabilisées, à l'occasion de son prochain passage dans les locaux de la société. La réponse de la société, en date du 7 juin 2013 indique la mise à la disposition de la vérificatrice de documents détaillés sur une liste, laquelle précise, pour certains de ces documents seulement, qu'il s'agit de copies. S'agissant plus particulièrement du contrat de " management fees " du 7 octobre 2009 supposé justifier des honoraires versés, la société indique, dans ladite réponse, que ce document a déjà été remis au vérificateur. Le

12 juin 2013, le vérificateur reconnait la remise de l'ensemble des documents dont la liste figure sur le document du 7 juin, sans en contester les mentions, ni indiquer que l'ensemble des documents remis serait composé de copies. La Cour n'est par suite pas en mesure de s'assurer que la société n'aurait remis à la vérificatrice que des photocopies de documents originaux ou, et s'agissant plus particulièrement du contrat du 7 octobre 2009, un exemplaire d'un document dont la société aurait conservé un autre exemplaire. Les mentions de la réponse aux observations du contribuable en date du 10 septembre 2014 qui indiquent en même temps que les documents remis lors des interventions fiscales sont des copies et que les pièces jointes à la proposition de rectification sont des copies de documents remis par la société ne pouvant, en raison de leur ambiguïté, être valablement invoqués à cet égard par le ministre. Il suit de là que l'administration a, tout au cours de la vérification, procédé à des emports de documents, sans respecter les règles propres à cette démarche ni pris les précautions qui lui auraient permis d'apporter à la Cour des indications sérieuses de nature à accréditer le fait que les documents emportés n'étaient que des copies de documents originaux ou des exemplaires de documents dont le contribuable aurait conservé un autre exemplaire, et ainsi, de contrebattre les éléments avancés par le contribuable à l'appui de ses affirmations. Il suit de là, au vu de l'ensemble des éléments ressortant de l'instruction, que la vérification de comptabilité dont la société Optical Center a fait l'objet est par suite entachée d'irrégularité. Cette irrégularité ayant privé l'intéressée d'une garantie durant la procédure de contrôle, la société Optical Center est fondée à demander la décharge des impositions qui en procèdent.

5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que la société Optical Center est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande et à obtenir la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale à l'impôt sur les sociétés et des majorations correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010 et en 2011. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1621881/1-3 du 6 mars 2019 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La société Optical Center est déchargée des compléments d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale à l'impôt sur les sociétés et des majorations correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010 et en 2011.

Article 3 : L'Etat versera à la société Optical Center une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Optical Center et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 27 mai 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Appèche, président,

- M. D..., premier conseiller,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juin 2020.

Le président de la formation de jugement,

S. APPECHE

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 19PA01516


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01516
Date de la décision : 09/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme APPECHE
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : CABINET F. NAIM

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-06-09;19pa01516 ?
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