Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... F... a demandé au Tribunal administratif de Melun :
1°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux mis à sa charge au titre des années 2011 et 2012 ;
2°) de lui accorder le bénéfice du sursis de paiement.
Par un jugement n° 1505906/7 du 25 janvier 2018, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 11 juillet 2018 et 5 juillet 2019, M. F..., représenté par Me A... B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1505906/7 du 25 janvier 2018 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler la décision du 26 mai 2015, ensemble la proposition de rectifications du
12 décembre 2013 ainsi que les avis de mise en recouvrement de l'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux pour les années 2011 et 2012 ;
3°) de prononcer la décharge sollicitée devant ce tribunal ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à la direction des finances publiques de fixer le montant maximum des bénéfices distribués à la somme de 2 553,92 euros ;
5°) d'enjoindre à la direction des finances publiques de ne pas lui appliquer la majoration de 25 % concernant les cotisations sociales ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision du 26 mai 2015 est insuffisamment motivée et procède d'un examen insuffisant de sa situation personnelle ;
- il n'est pas maître de l'affaire de la SARL Alliance nationale de prévention et de sécurité ; il n'a perçu qu'une somme de 2 440 euros au cours des deux années durant lesquelles il était censé gérer cette société ; l'administration n'a jamais démontré la traçabilité des sommes qui sont réputées lui avoir été distribuées ; il n'a jamais exercé aucune fonction au sein de la société ni bénéficié d'un enrichissement inexpliqué ;
- à titre subsidiaire, il n'a perçu aucun revenu distribué de la SARL Alliance nationale de prévention et de sécurité ; c'est à tort que l'administration a estimé que les charges de la société représentaient 70 % de son chiffre d'affaires alors qu'elle était déficitaire ; il a perçu directement de la société la somme de 2 440 euros ; il n'est pas démontré qu'il était détenteur de la carte bancaire de la société ; il est de bonne foi ;
- à titre subsidiaire, en vertu de la décision du Conseil constitutionnel du 10 février 2017 (n° 2016-610 QPC), l'administration ne pouvait majorer les prélèvements sociaux du coefficient multiplicateur de 1,25 prévu par les dispositions du 7. de l'article 158 du code général des impôts ;
- à titre subsidiaire, les pénalités ne sont pas fondées ; il n'a jamais fait preuve de mauvaise foi ou de déloyauté à l'égard de l'administration.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 décembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvements prononcés en cours d'instance et demande à la Cour de rejeter le surplus de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. F... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 20 juin 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 5 juillet 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts ;
- le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G...,
- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Après avoir procédé, au titre des exercices clos en 2011 et 2012, à la vérification de comptabilité de la SARL Alliance nationale de prévention et de sécurité (ANPS), dont l'activité est la sécurité des biens meubles, immeubles et des personnes, l'administration fiscale a estimé que M. F..., gérant de droit et associé à concurrence de 50 % de son capital social, était le bénéficiaire de revenus distribués. A la suite d'un contrôle sur pièces diligenté selon la procédure de rectification contradictoire, le service a donc estimé qu'au titre des années 2011 et 2012 les sommes respectives de 26 985 euros et 113 619 euros devaient être imposées à l'impôt sur le revenu entre ses mains dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement des dispositions du
1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Après avoir vainement saisi le service d'une réclamation tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux subséquemment mises à sa charge au titre de ces mêmes années, M. F... a saisi le Tribunal administratif de Melun du litige. Par un jugement du n° 1505906/7 du 25 janvier 2018, dont il relève appel, le tribunal a rejeté sa demande. La requête d'appel de M. F... doit être regardée comme tendant à titre principal à la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impositions contestés devant le tribunal et à titre subsidiaire à leur réduction.
Sur l'étendue du litige :
2. Par décision du 13 juin 2019, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur départemental des finances publiques de Seine-et-Marne a prononcé le dégrèvement des impositions contestées pour un montant total, en droits et pénalités, de 7 612 euros. Les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision 26 mai 2015 rejetant la réclamation du contribuable :
3. Les vices qui entachent la décision de l'administration rejetant une réclamation du contribuable sont sans influence tant sur la régularité de la procédure d'établissement des impositions que sur le bien-fondé de celles-ci.
Sur le bien-fondé des impositions contestées :
4. D'une part, aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. / (...) ".
5. Faute d'avoir répondu à la proposition de rectification qui lui a été adressée dans le délai de trente jours qui lui était imparti, M. F... supporte la charge de la preuve de l'exagération des rectifications qui lui ont été proposées par le service et des impositions qui en ont résulté.
6. D'autre part, en vertu de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. / (...) ". L'article 110 du même code dispose que : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ". Enfin, aux termes de l'article 47 de l'annexe II audit code : " Toute rectification du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés au titre d'une période sera prise en compte au titre de la même période pour le calcul des sommes distribuées ". Le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres, doit être regardé comme le seul maître de l'affaire. Il est en conséquence présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.
7. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'administration a relevé que M. F... était gérant de droit de la SARL ANPS au cours de la période vérifiée et qu'il détenait la moitié des parts sociales de cette société. Après avoir exercé son droit de communication auprès de la Société générale, établissement gérant les comptes bancaires de la SARL ANPS, le vérificateur a constaté que M. F... détenait seul la signature sur ce compte bancaire utilisé. Dans ces conditions, alors que M. F... ne contestait d'ailleurs pas que son
co-associé n'intervenait pas dans la gestion de la société, l'administration a estimé qu'il avait eu seul la maîtrise de l'affaire au cours des années 2011 et 2012. Pour contredire les éléments ainsi relevés par l'administration, M. F... fait valoir qu'il était un " homme de paille " et que la société était exploitée depuis sa création par M. E... et Mme D..., sa compagne. Il allègue également qu'il n'a jamais libéré la moitié du capital social, que seul M. E... aurait selon lui procédé à une libération partielle, et qu'il n'a pas rencontré son co-associé, qu'il n'a pas été informé du changement de domiciliation de la société, qu'il a perçu une somme de 2 440 euros au cours des années en litige, qu'il a démissionné de ses fonctions de gérant, qu'il a exercé une activité salariée incompatible avec l'exercice des fonctions de gérant, que M. E... a usurpé son identité en sollicitant de la Société générale la délivrance d'une nouvelle carte bancaire d'un niveau d'autorisation plus élevé que la précédente et que s'il était détenteur d'une carte bancaire à son nom, il ne l'a jamais utilisée. Toutefois, M. F... n'apporte aucun élément de nature à permettre de remettre en cause les constatations opérées par l'administration et la qualité de maître de l'affaire qu'elle lui a reconnue. En effet, si le requérant produit plusieurs courriers informant M. E... et les responsables de la société ainsi que notamment le service des impôts des entreprises d'Asnières et le préfet des Hauts-de-Seine de sa démission de ses fonctions de gérant, il résulte du recoupement de ces documents que sa démission n'a été effective que le 31 août 2013 soit postérieurement à la période vérifiée. En outre, la circonstance que M. F... ait fait l'objet d'un refus d'autorisation d'exercer les activités privées de sécurité ne signifie pas qu'il n'aurait pas exercé effectivement la gérance de la SARL ANPS. Contrairement à ce que le requérant soutient, il ressort des termes de la déclaration de consignation déposée le 3 juin 2010 que c'est en qualité de mandataire de la SARL ANPS que M. E... a accompli les démarches auprès de la Caisse des dépôts et consignations. La plainte que M. F... a par ailleurs déposée contre ce dernier le 1er octobre 2014, au demeurant postérieurement à la période d'imposition, ne démontre pas davantage que le requérant n'a pas exercé les fonctions de gérant de la société et ne suffit pas à établir l'usurpation d'identité ou l'abus de confiance dont il aurait été victime de la part de M. E... alors qu'il résulte de l'instruction que M. F... avait donné à ce dernier procuration sur le compte bancaire de la société. Si les bulletins de paie produits par M. F... établissent qu'il a exercé, au cours des deux années en litige, une activité salariée en qualité de chef de rang dans un hôtel, ils ne sont pas suffisants pour établir une incompatibilité avec l'exercice de la gérance de la société dès lors que sa quotité de travail hebdomadaire s'élevait à 27 heures. Enfin, la circonstance qu'il n'a perçu de la SARL ANPS qu'une somme de 2 440 euros, qu'il n'a pas utilisé la carte bancaire à son nom et que des achats ont été effectués dans l'Oise alors qu'il réside en Seine-et-Marne ne permettent pas davantage de démontrer qu'il n'a pas exercé la gérance tant en droit qu'en fait de cette société. Il suit de là que c'est à bon droit que l'administration comme le tribunal ont estimé que M. F... devait être présumé avoir, au cours de la période en cause, appréhendé les distributions de bénéfices en provenance de la SARL ANPS.
8. En second lieu, il résulte de l'instruction que la SARL ANPS, qui n'a souscrit aucune déclaration à l'impôt sur les sociétés au titre des années en litige, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, au cours de laquelle aucune comptabilité n'a été présentée, qui a donné lieu à un procès-verbal d'opposition à contrôle fiscal. Pour reconstituer les bénéfices de la société, imposés selon la procédure de taxation d'office, l'administration a retenu ses encaissements bancaires, desquels elle a défalqué un taux de charges forfaitaires de 70 %, qui correspond à celui d'une société exerçant la même activité. Si M. F... soutient que cette méthode ne reflèterait pas la réalité de l'activité économique de la SARL ANPS en raison de la sous-estimation par l'administration du taux de charges forfaitaires retenu, il n'en justifie pas. Ainsi que l'a estimé à bon droit le tribunal au point 7 du jugement attaqué, les relevés de comptes bancaires de la société, qui mentionnent des paiements par chèque et par carte bancaire, sans indication du bénéficiaire de ces sommes ne suffisent pas à justifier que l'ensemble de ces sommes correspondent à des charges de la société. Dans ces conditions, M. F... ne peut être regardé comme établissant que les montants des revenus distribués en litige auraient été exagérés par l'administration.
Sur les pénalités :
9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ". Il incombe à l'administration, en application des dispositions de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, d'établir l'absence de bonne foi du contribuable pour justifier de l'application de la majoration de 40 % en cas de manquement délibéré prévue à l'article 1729 du code général des impôts.
10. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a assorti les rehaussements litigieux de la pénalité de 40 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts aux motifs que M. F..., gérant de la SARL ANPS, laquelle n'avait pas rempli ses obligations fiscales au cours de la période en litige, et ce malgré les mises en demeure adressées par le service au titre des exercices litigieux, n'a présenté aucun document comptable pour la période soumise à vérification, ne pouvait ignorer les manquements fiscaux de la société au titre des exercices concernés, et le caractère imposable des distributions opérées à son profit par celle-ci. Dans ces conditions, l'administration fiscale établit la volonté délibérée du contribuable d'éluder l'impôt. Il suit de là que M. F... n'est pas fondé à demander la décharge de la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts appliquée aux impositions supplémentaires auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 et 2012.
11. M. F... n'est en tout état de cause pas fondé à demander la décharge de l'intérêt de retard qui s'applique indépendamment du comportement du contribuable.
12. Il résulte de ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande concernant les impositions et pénalités demeurant à sa charge. Il y a lieu, par voie de conséquence, après avoir constaté qu'il n'y a plus lieu pour la Cour de statuer à hauteur du dégrèvement partiel prononcé par l'administration, de rejeter le surplus de la requête, ensemble les conclusions à fin d'injonction et celles présentées par le requérant, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. F... à concurrence du dégrèvement de 7 612 euros prononcé en cours d'instance.
Article 2 : Le surplus de la requête de M. F... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... F... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 27 mai 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Appèche, président,
- M. Magnard, premier conseiller,
- Mme G..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juin 2020.
Le président de la formation de jugement,
S. APPECHE
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA02327