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26/05/2020 | FRANCE | N°19PA02002

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 26 mai 2020, 19PA02002


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du

3 août 2018 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement pour faute.

Par un jugement n° 1817510 du 23 avril 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 juin 2019, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1817510 du 23 avril 2019 du tribunal admin

istratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 3 août 2018 de l'inspecteur du travail autorisant son li...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du

3 août 2018 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement pour faute.

Par un jugement n° 1817510 du 23 avril 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 juin 2019, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1817510 du 23 avril 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 3 août 2018 de l'inspecteur du travail autorisant son licenciement ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- ni la lettre de convocation à l'entretien préalable à licenciement, ni ce qui a été dit ou communiqué à la personne qu'il avait mandatée lors de celui-ci, ne lui ont permis de connaitre les motifs de la mesure envisagée à son encontre ;

- la décision de l'inspecteur du travail est insuffisamment motivée ; elle ne précise pas l'intégralité des mandats qu'il détient;

- la délégation unique du personnel et la commission paritaire siégeant en conseil de discipline n'ont pas été suffisamment informées avant de donner leur avis sur la mesure envisagée ;

- les poursuites disciplinaires sont prescrites ;

- la matérialité des faits reprochés n'est pas établie par la seule production d'un rapport d'expertise non contradictoire, réalisé sans que son auteur ne se soit rendu sur place et par lequel l'inspecteur du travail s'est cru lié ;

- ces faits ne sont pas d'une gravité suffisante et sont pour partie imputables au comportement de l'employeur ;

- la mesure est discriminatoire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2019, l'école nationale supérieure des métiers de l'image et du son (FEMIS), représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 janvier 2020, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 15 janvier 2020 la clôture de l'instruction a été fixée au

14 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant l'école nationale supérieure des métiers de l'image et du son.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a été recruté le 2 mai 2006 en qualité de responsable du service informatique de l'école nationale supérieure des métiers de l'image et du son ( la FEMIS ) par un contrat à durée indéterminée. A la date de la décision contestée, il bénéficiait du statut de salarié protégé en sa qualité de délégué du personnel et de membre titulaire du comité d'entreprise dont il était le trésorier adjoint et le secrétaire. Par ailleurs, il est adjoint au maire de Villepinte. Par une demande reçue le 27 juin 2018, son employeur a sollicité de l'inspecteur du travail l'autorisation de procéder à son licenciement. Cette autorisation ayant été accordée le 3 août 2018, M. A... a formé un recours hiérarchique, reçu le 4 octobre 2018 par la ministre du travail, et rejeté le

4 février 2019. M. A... relève appel du jugement du 23 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. M. A... n'apporte aucun élément nouveau à l'appui du moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée, déjà soulevé devant le tribunal administratif de Paris. Il y a dès lors lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

En ce qui concerne la légalité interne :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1232-2 du code du travail : " L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation. ". En application de l'article L. 1232-3 du même code : " Au cours de l'entretien préalable, l'employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié. ". Enfin, en vertu de l'article R. 1232-1 de ce code : " La lettre de convocation prévue à l'article L. 1232-2 indique l'objet de l'entretien entre le salarié et l'employeur. Elle précise la date, l'heure et le lieu de cet entretien. Elle rappelle que le salarié peut se faire assister pour cet entretien par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise ou, en l'absence d'institutions représentatives dans l'entreprise, par un conseiller du salarié ".

4. Aucune disposition du code du travail n'oblige l'employeur à mentionner les motifs du licenciement envisagé dans la lettre de convocation du salarié à l'entretien préalable, ces motifs étant exposés au cours de cet entretien.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été convoqué à un entretien préalable à licenciement qui s'est tenu le 27 avril 2018, auquel il n'a pas personnellement assisté et dont il n'a pas demandé le report. Par ailleurs, il n'est pas établi que l'employeur n'aurait pas indiqué au collègue que M. A... avait désigné pour le représenter les griefs qui lui étaient reprochés. La circonstance qu'aucun document ne lui aurait été remis à ce stade est, à cet égard, sans incidence. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure aurait été entachée d'irrégularité doit être écarté.

6. En deuxième lieu, les moyens tirés de l'insuffisance de l'information donnée à la délégation unique du personnel et à la commission paritaire siégeant en conseil de discipline doivent être écartés par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail : " Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance (...) ". L'employeur ne peut fonder une demande d'autorisation de licenciement sur des faits prescrits en application de ces dispositions, sauf si ces faits procèdent d'un comportement fautif de même nature que celui dont relèvent les faits non prescrits donnant lieu à l'engagement des poursuites disciplinaires. Le délai de deux mois commence à courir lorsque l'employeur a une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié protégé. Lorsque le salarié invoque à l'appui de son recours que son employeur a méconnu le délai de prescription, il doit établir, en raison des règles particulières qui régissent le contentieux administratif, le bien-fondé de son affirmation.

8. Il ressort des pièces du dossier que les faits reprochés ont trait à un comportement fautif répété du salarié et que l'employeur, qui pouvait s'interroger sur leur réalité et l'implication de M. A..., n'a eu connaissance de leur nature et de leur ampleur qu'au vu des conclusions de l'expert en informatique qu'il a consulté et mandaté, remises le 16 avril 2018. Dès lors, ces faits n'étaient pas prescrits lorsque la procédure disciplinaire a été engagée, à la même date.

9. En quatrième lieu, ainsi que l'on jugé à bon droit les premiers juges, il ne ressort pas des termes de la décision attaquée que l'inspecteur du travail, qui s'est prononcé au vu de la totalité des pièces soumises par l'employeur et le salarié, après avoir recueilli leurs explications, se serait cru lié par le rapport commandé par l'employeur. Le recours à un expert informaticien pour établir la matérialité des faits reprochés, compte tenu notamment de leur caractère technique, ne présente pas le caractère d'une manoeuvre déloyale et n'est pas illicite. L'expert pouvait rendre ses conclusions sur pièces sans recueillir les observations de M. A... qui a été mis à même de contester utilement son rapport.

10. En cinquième lieu, en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

11. Il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport produit par la FEMIS, lequel est circonstancié, probant et non utilement contredit, que M. A..., qui disposait d'une délégation de signature à l'effet de signer dans la limite de ses attributions et des crédits placés sous sa responsabilité, tous courriers, documents, marchés et bons de commande engageant l'établissement public pour les dépenses courantes de fonctionnement et d'investissement du service intérieur dans la limite maximale de 3 000 euros hors taxes, a volontairement et de manière systématique morcelé les commandes en vue de s'exonérer de l'obligation de mettre en concurrence les prestataires. Par sa méconnaissance délibérée des procédures internes en vigueur au sein de l'établissement, ainsi qu'à compter du 31 mars 2016 du code des marchés publics,

M. A... a privé son employeur de tout contrôle effectif sur sa gestion des achats de matériel informatique ainsi que de la possibilité d'acquérir des fournitures dans les conditions plus avantageuses qu'aurait permises une mise en concurrence. Le morcellement opéré a également permis à M. A..., qui a passé des commandes pour un montant de 312 361,80 euros auprès des trois sociétés appartenant à un ancien collègue, de favoriser les entreprises de son choix en l'absence de tout critère objectif. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que certaines prestations étaient inutiles ou disproportionnées au regard des besoins du service, ou encore surfacturées. La matérialité des faits reprochés est ainsi établie sans que M. A... n'apporte d'éléments convaincants dont il ressortirait que les conclusions du rapport de l'expert seraient erronées.

12. Le comportement de M. A..., alors que la FEMIS lui avait dans le passé demandé de respecter les règles budgétaires et comptables de l'établissement et les procédures de mise en concurrence, a causé un préjudice financier à l'employeur et présente, eu égard à son ampleur, à son caractère répété, et à l'intention de favoriser un prestataire extérieur le caractère d'une faute de gravité suffisante pour justifier le licenciement.

13. En dernier lieu, dans les circonstances de l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... aurait été victime d'un traitement discriminatoire. Le lien entre les résultats obtenus par son syndicat lors des élections de décembre 2017 et la dénonciation d'un projet de regroupement par son syndicat n'est par ailleurs pas établi. Enfin, les autres faits invoqués par M. A..., soit ne sont pas imputables à l'employeur, soit ne sont pas établis ou sont encore dépourvus de précisions qui permettraient à la Cour d'en apprécier la portée. Le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que la demande d'autorisation de licenciement présentée par la FEMIS serait en lien avec son activité syndicale.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 3 août 2018 de l'inspecteur du travail portant autorisation de licenciement.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la FEMIS, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros à verser à la FEMIS au titre de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera à l'Ecole nationale supérieure des métiers de l'image et du son la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à la ministre du travail et à l'Ecole nationale supérieure des métiers de l'image et du son.

Délibéré après l'audience publique du 3 mars 2020 à laquelle siégeaient :

- M. Bernier, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme B..., premier conseiller,

- Mme Mornet, premier conseiller.

Lu en audience publique le 26 mai 2020.

Le rapporteur,

M-F... B... Le président de la formation de jugement,

Ch. BERNIER

Le greffier,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

2

N° 19PA02002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02002
Date de la décision : 26/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-01-045 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Bénéfice de la protection. Représentants du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.


Composition du Tribunal
Président : M. BERNIER
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : VRILLAC

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-05-26;19pa02002 ?
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