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26/05/2020 | FRANCE | N°19PA01590

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 26 mai 2020, 19PA01590


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Paris, par deux requêtes distinctes, de déclarer l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), ou à titre subsidiaire l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), responsables des conséquences dommageables de l'infection qu'il a contractée, de condamner l'AP-HP à lui verser la somme de 50 000 euros à titre provisionnel et de surseoir à statuer, dans l'attente de la cons

olidation de son état de santé, sur le montant de l'indemnisation définiti...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Paris, par deux requêtes distinctes, de déclarer l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), ou à titre subsidiaire l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), responsables des conséquences dommageables de l'infection qu'il a contractée, de condamner l'AP-HP à lui verser la somme de 50 000 euros à titre provisionnel et de surseoir à statuer, dans l'attente de la consolidation de son état de santé, sur le montant de l'indemnisation définitive.

Par une autre requête, la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'AP-HP à lui verser la somme de 197 525,80 euros en remboursement des prestations qu'elle a versées du fait des conséquences dommageables de l'intervention subie par M. E....

Par un jugement n° 1703573-1705531-1718649 du 8 mars 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté les demandes de M. E... et de la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 mai 2019, M. E..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'AP-HP à lui verser la somme de 50 000 euros à titre provisionnel ;

3°) de déclarer l'AP-HP ou, subsidiairement, l'ONIAM, responsable des conséquences dommageables de l'infection qu'il a contractée ;

4°) de sursoir à statuer, dans l'attente de la consolidation de son état de santé, sur le montant de l'indemnisation définitive des préjudices résultant de cette infection ;

5°) de mettre à la charge de la partie perdante la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il a contracté en avril 2008 une infection nosocomiale, lors de la pose de sa prothèse de genou droit à l'hôpital de La Pitié-Salpêtrière ; si cette infection est restée " muette " entre 2008 et juillet 2011, elle est néanmoins à l'origine des préjudices qu'il a subis à compter de cette dernière date ;

- dès lors que son état de santé n'est pas encore consolidé, il n'est pas possible de déterminer si son taux d'incapacité permanente est ou non supérieur à 25 % ; dans ces conditions, l'AP-HP doit être condamnée à lui verser la somme de 50 000 euros à titre provisionnel, eu égard à l'évaluation déjà réalisée par les experts de ses préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux temporaires.

Par un mémoire enregistré le 23 juillet 2019, la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis s'en rapporte à la cour quant aux mérites de l'appel de M. E... et lui demande, dans l'hypothèse où elle ferait droit aux conclusions de ce dernier :

1°) de condamner l'AP-HP à lui verser, à titre de provision, la somme de 197 525,80 euros en remboursement des prestations qu'elle a versées du fait de l'infection subie par le requérant ;

2°) de réserver ses droits dans l'attente de la consolidation de l'état de santé de M. E... ;

3°) de condamner l'AP-HP à lui verser la somme de 1 080 euros, sous réserve d'actualisation, au titre des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

4°) de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'elle a exposé la somme provisoire de 197 525,80 euros du fait des conséquences dommageables de l'infection subie par M. E..., et émet toutes réserves quant au montant des prestations qui pourraient être versées ultérieurement.

Par un mémoire enregistré le 19 décembre 2019, l'ONIAM, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête en tant qu'elle est dirigée contre l'office.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés et qu'en tout état de cause, l'incapacité permanente de M. E... n'est pas supérieure à 25 %.

Par un mémoire enregistré le 24 janvier 2020, l'AP-HP, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis en tant qu'elles sont dirigées contre elle.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés, et qu'en tout état de cause, son incapacité permanente partielle est au moins égale à 25 %.

Vu les autres pièces du dossier.

La clôture de l'instruction a été fixée au 29 janvier 2020.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant M. E....

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., né en 1949, a subi le 2 avril 2008 une intervention chirurgicale en vue de la pose d'une prothèse totale du genou droit, au sein de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, qui relève de l'AP-HP. Le 26 juillet 2011, alors qu'il se trouvait au Portugal, le requérant a présenté les signes d'une infection au niveau de son genou droit. Il a été hospitalisé pour ce motif à plusieurs reprises entre 2012 et 2017, et a subi durant cette période de nouvelles interventions chirurgicales en vue du changement de sa prothèse. Estimant que ces dernières résultent d'une infection nosocomiale contractée le 2 avril 2008 à La Pitié-Salpêtrière, lors de la pose initiale de la prothèse de genou droit, M. E... a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation d'Ile-de-France le 1er octobre 2012. Après réalisation d'une expertise, la commission a, par avis du 4 octobre 2016, considéré que l'opération du 2 avril 2008 était à l'origine des infections survenues à partir de juillet 2011 et que la réparation des préjudices devait être assurée par l'AP-HP. Cette dernière a rejeté la demande indemnitaire de M. E... par courriers des 12 janvier 2017 et 8 novembre 2017. Sollicité, l'ONIAM a également refusé, par courrier du 9 octobre 2017, de se substituer à l'AP-HP au titre des dispositions de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique.

2. Les 2 mars 2017 et 6 décembre 2017, M. E... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'AP-HP à lui verser la somme de 50 000 euros à titre provisionnel, de reconnaître la responsabilité de l'AP-HP, ou à titre subsidiaire de l'ONIAM, du fait de la survenue d'une infection nosocomiale, et de surseoir à statuer sur l'évaluation de ses préjudices définitifs, dans l'attente de la consolidation de son état de santé. Le 30 mars 2017, la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis a demandé au même tribunal la condamnation de l'AP-HP à lui verser une somme de 197 525,80 euros en remboursement des prestations qu'elle a servies en raison des conséquences dommageables de l'intervention subie par M. E..., avec intérêts au taux légal à compter de sa demande. Par le jugement du 8 mars 2019 dont M. E... relève appel, le tribunal a joint ces trois demandes et les a rejetées. M. E... demande à la cour d'annuler ce jugement et de faire droit à ses demandes de première instance.

3. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " (...) les professionnels de santé (...) ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins (...) sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 1142-1-1 du même code : " Sans préjudice des dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : 1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales ". Doit être regardée, au sens de ces dispositions, comme présentant un caractère nosocomial, une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge.

4. Il résulte de l'instruction que M. E..., victime en novembre 1994 d'un accident du travail à l'occasion duquel il s'est fracturé la rotule droite, a subi entre 1995 et 2000 plusieurs interventions chirurgicales, dont deux ont généré des complications infectieuses. Il a de nouveau été victime, dans les suites de l'opération de pose d'une prothèse totale du genou droit le 2 avril 2008 à l'hôpital de La Pitié-Salpêtrière, d'une infection de la cicatrice de cette intervention par des Pseudomonas aeruginosa et des staphylocoques à coagulase négative. Il a été placé sous traitement antibiotique et, au mois d'août 2008, les prélèvements effectués n'ont révélé la présence d'aucun germe. Durant les trois années qui ont suivi, aucun phénomène infectieux n'est apparu au niveau du genou droit de M. E..., ce qui tend à confirmer que l'infection était guérie dès aout 2008. Dans ces conditions, la survenue à partir de juillet 2011, trois années après la pose de la prothèse, d'une infection à Pseudomonas aeruginosa, puis à partir de 2012 à Staphylococcus epidermidis, ne peut être regardée, eu égard à ce long délai, comme ayant eu lieu au cours ou au décours de cette intervention. Par ailleurs, il résulte également de l'instruction que l'apparition des signes infectieux à l'été 2011 est concomitante d'une " notion traumatique en hyper flexion " forcée de son genou, ayant conduit à une ouverture de la cicatrice au cours des vacances qu'il passait au Portugal. L'expert indique ainsi que " l'hypothèse la plus probable est celle [de] contaminations secondaires de la prothèse survenue en juillet 2011, sur une plaie traumatique dans un contexte de peau multi opérée, avec une lésion de l'appareil extenseur ne protégeant plus le genou ". Les infections à l'origine des dommages dont M. E... demande réparation ne peuvent dès lors être qualifiées d'infections nosocomiales.

5. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes. Les conclusions de la requête, ainsi que celles présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis, doivent donc être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions indemnitaires de la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis, ainsi que celles qu'elle a présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E..., à la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis, à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l'audience du 3 mars 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Bernier, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Jayer, premier conseiller,

- Mme A..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 26 mai 2020.

Le rapporteur,

G. A...Le président de la formation de jugement,

Ch. BERNIER

Le greffier,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA01590


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01590
Date de la décision : 26/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. BERNIER
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : CHRISTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-05-26;19pa01590 ?
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