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26/05/2020 | FRANCE | N°19PA00097

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 26 mai 2020, 19PA00097


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser la somme de 25 302,70 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 août 2017, en remboursement de l'indemnité transactionnelle accordée à Mme F... D... C... en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait d'une intervention à l'hôpital Bicha

t, ainsi que la somme de 1 050 euros au titre des frais d'expertise.

Par jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser la somme de 25 302,70 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 août 2017, en remboursement de l'indemnité transactionnelle accordée à Mme F... D... C... en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait d'une intervention à l'hôpital Bichat, ainsi que la somme de 1 050 euros au titre des frais d'expertise.

Par jugement n° 1716809/3-2 du 8 novembre 2018, le tribunal administratif de Paris a condamné l'AP-HP à verser à l'ONIAM la somme de 24 540 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 août 2017, ainsi que la somme de 1 050 euros, et rejeté le surplus des conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 janvier 2019, l'AP-HP, représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les demandes de première instance de l'ONIAM ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'il n'est pas établi qu'une faute médicale aurait été commise dans la prise en charge de Mme C... le 6 décembre 2013 et que la complication n'est pas liée au geste opératoire.

Par un mémoire enregistré le 15 octobre 2019, l'ONIAM, représenté par Me B..., demande à la cour, par la voie de l'appel incident :

1°) de rejeter la requête de l'AP-HP ;

2°) d'annuler le jugement du 8 novembre 2018 en tant qu'il a limité la condamnation de l'AP-HP à la somme de 24 540 euros ;

3°) de condamner l'AP-HP à lui verser la somme de 25 302,70 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 août 2017 ;

4°) de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les troubles présentés par Mme D... C... après son opération ne sont pas la conséquence d'un aléa thérapeutique mais d'une faute, comme l'ont relevé les experts ;

- c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande de remboursement de l'indemnité versée à la victime au titre de l'incidence professionnelle.

La clôture de l'instruction est intervenue le 19 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme Pena, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F... D... C..., née le 5 août 1980, souffrait de cervicalgies, de douleurs dans le bras gauche et de paresthésies au niveau d'un doigt depuis juin 2007. Un syndrome du défilé thoraco-brachial ayant été diagnostiqué, une résection de la première côte a été pratiquée à l'hôpital Bichat, qui relève de l'AP-HP le 6 décembre 2013. Toutefois, après cette intervention, les symptômes de Mme D... C... se sont aggravés durant plus d'un an ; elle a souffert d'un déficit moteur de son bras gauche et d'une paralysie de sa main gauche. La commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) d'Ile-de-France a estimé, par avis des 20 mai 2015 et 17 mars 2016, que la patiente avait été victime d'un aléa thérapeutique et que la réparation de ses préjudices incombait à l'ONIAM. Ce dernier a versé la somme de 25 302,70 euros à Mme D... C.... Subrogé dans les droits de cette dernière, il a demandé à l'AP-HP, par courrier du 4 août 2017, de lui rembourser les indemnités versées ainsi que les frais d'expertise. En l'absence de réponse, il a saisi le tribunal administratif de Paris qui, par un jugement du 8 novembre 2018, a notamment condamné l'AP-HP à verser à l'ONIAM la somme de 24 540 euros en remboursement de l'indemnité versée et la somme de 1 050 euros au titre des frais d'expertise. L'AP-HP demande à la cour d'infirmer ce jugement et de rejeter les demandes de l'ONIAM. Par la voie de l'appel incident, l'office demande à la Cour de faire droit à l'intégralité de ses demandes.

Sur la responsabilité :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels (...) de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes (...) de soins qu'en cas de faute. / (...) / II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I (...) n'est pas engagée, un accident médical (...) ouvre droit à la réparation des préjudices du patient (...) au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 1142-17 du code de la santé publique : " Lorsque la commission régionale estime que le dommage est indemnisable au titre du II de l'article L. 1142-1 (...) l'office adresse à la victime (...) une offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis. / (...) L'acceptation de l'offre de l'office vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil. / (...) / Si l'office qui a transigé avec la victime estime que la responsabilité d'un professionnel, établissement, service, organisme ou producteur de produits de santé (...) est engagée, il dispose d'une action subrogatoire contre celui-ci. (...) ".

4. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise produit devant la CRCI d'Ile-de-France, qu'une " traction trop importante " sur la racine C8-D1 lors de l'intervention du 6 décembre 2013 a été la cause directe de l'aggravation de l'état antérieur de Mme D... C... ; le chirurgien a d'ailleurs lui-même reconnu la " forte probabilité " de cette maladresse. Les experts ont ainsi conclu que la réalisation de l'acte opératoire n'avait pas été conforme aux règles de l'art et aux données acquises de la science. Par suite, l'AP-HP qui ne fournit aucun élément probant susceptible d'infirmer cette analyse, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a estimé que sa responsabilité était engagée.

Sur les préjudices :

5. L'AP-HP, qui se borne à contester le principe de sa responsabilité, ne remet pas en cause les sommes accordées par les premiers juges. L'ONIAM sollicite, par la voie de l'appel incident, la réformation du jugement en tant qu'il a rejeté sa demande au titre de l'incidence professionnelle et, par suite, n'a pas fait droit à l'intégralité de ses demandes.

6. L'ONIAM a versé la somme de 2 500 euros à Mme D... C... au titre de l'incidence professionnelle des séquelles de l'intervention chirurgicale, et demande à la cour de faire droit à sa demande de remboursement à ce titre. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que si la victime était en congé parental lorsqu'elle a été opérée, et si elle a ensuite trouvé un emploi à temps partiel comme auxiliaire de vie, elle conserve un handicap résiduel et que le taux de l'incapacité permanente partielle peut être fixé à 10%. Eu égard aux exigences de l'emploi de Mme D... C... qui impliquent un plein usage de ses mains, l'ONIAM est fondé à soutenir que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la pénibilité accrue de l'activité professionnelle justifiait l'octroi d'une réparation indemnitaire, dont il sera fait une juste appréciation en la fixant à la somme de 2 500 euros.

7. Si le montant total de l'évaluation des préjudices subis par Mme D... C... s'élève, du fait des sommes allouées en première instance et de celle allouée au point 6 du présent arrêt, à 27 040 euros, la Cour ne peut accorder à l'ONIAM une indemnisation supérieure au montant de ses demandes, qui s'établissent à 25 302,70 euros. En conséquence, il y a lieu de condamner l'AP-HP à lui verser cette dernière somme, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 août 2017, date de réception de sa demande préalable, et donc de réformer en ce sens le jugement attaqué.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés par l'AP-HP et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le versement de la somme de 1 500 euros à l'ONIAM au titre de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'AP-HP est rejetée.

Article 2 : La somme à laquelle l'AP-HP a été condamnée à verser à l'ONIAM par l'article 1er du jugement du 8 novembre 2018 du tribunal administratif de Paris est portée à 25 302,70 euros.

Article 3 : Le jugement du 8 novembre 2018 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'AP-HP versera la somme de 1 500 euros à l'ONIAM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-et-Marne et à la société AG2R Prévoyance.

Délibéré après l'audience du 3 mars 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Bernier, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Jayer, premier conseiller,

- Mme A..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 26 mai 2020.

Le rapporteur,

G. A...Le président de la formation de jugement,

Ch. BERNIER

Le greffier,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 19PA00097


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00097
Date de la décision : 26/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. BERNIER
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : TSOUDEROS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-05-26;19pa00097 ?
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