Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... J... ont demandé au tribunal administratif de Melun de condamner le centre hospitalier de Marne-la-Vallée à leur verser la somme totale de 1 236 134,41 euros avec les intérêts et les intérêts des intérêts en réparation des préjudices subis par leur fille H..., de leurs préjudices propres et de ceux de leurs enfants E..., C..., Sara et Salma du fait de la faute du centre hospitalier dans la prise en charge de Mme A... J... lors de son intervention de sleeve gastrectomie, et de mettre à la charge de ce centre hospitalier de Marne-la-Vallée les dépens, notamment les frais d'expertise.
Par un jugement n° 1703062 du 28 juin 2019, le tribunal administratif de Melun, d'une part, a condamné le Grand hôpital de l'Est francilien à verser aux consorts A... J... la somme
de 75 072,15 euros, avec les intérêts à compter du 6 décembre 2016, et avec la capitalisation des intérêts échus à la date du 6 décembre 2017 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, d'autre part, a condamné le Grand hôpital de l'Est francilien à leur verser une rente, versée par trimestres échus dont le montant annuel, fixé à 10 000 euros à la date de la présente décision, sera revalorisé par la suite par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, et dont les arrérages porteront intérêts légaux à compter de leur échéance respective jusqu'au jour du paiement à partir du 6 décembre 2016, date de réception par le centre hospitalier de la réclamation préalable de M. et Mme A... J..., avec la capitalisation des intérêts à compter du 6 décembre 2017, tant à cette date qu'à échéance annuelle à compter de cette date, en outre a condamné le Grand hôpital de l'Est francilien à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne la somme de 81 065,61 euros, ainsi que la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, de plus a mis à la charge définitive de l'Etat, au titre de l'aide juridictionnelle, les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 3 855 euros, et enfin a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la Cour :
I°/ Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2019 sous le n° 19PA02430, et un mémoire en réplique, enregistré le 20 décembre 2019, M. et Mme A... J..., agissant en leurs noms propres et en leur qualité de représentants légaux de leur fille mineure H... A... J... et de leurs autres enfants mineurs E..., C..., Sara et Salma El J..., représentés par Me G..., demandent à la Cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) de confirmer le jugement n° 1703062 du 28 juin 2019 du tribunal administratif de Melun en ce qu'il a retenu la responsabilité du Grand hôpital de l'Est francilien, venant aux droits et obligations du centre hospitalier de Marne-la-Vallée en raison des fautes commises par le Dr Algava, médecin salarié de cet hôpital, et de réformer le jugement attaqué en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de leurs conclusions indemnitaires ;
2°) de juger que la responsabilité du Grand hôpital de l'Est francilien, venant aux droits et obligations du centre hospitalier de Marne-la-Vallée, est également engagée en raison des fautes commises par le Dr Dufour, médecin salarié de cet hôpital ;
3°) de condamner le Grand hôpital de l'Est francilien, venant aux droits et obligations du centre hospitalier de Marne-la-Vallée, à verser, à titre provisionnel, au titre des préjudices subis par Mlle H... A... J... et ses proches, les indemnités suivantes, qui devront porter intérêts au taux légal à compter de la demande préalable, les intérêts échus devant être capitalisés :
- au titre des dépenses de santé : cf. la créance de l'organisme social ;
- au titre des frais divers (frais de déplacement) : 20 456,56 euros ;
- au titre des frais de déplacements futurs : pour mémoire ;
- au titre de la perte de gains professionnels actuels de Mme M... A... J..., jusqu'à avril 2017, une somme de 42 986,40 euros, outre les congés payés y afférents représentant 10 % de cette somme, soit 4 298 euros au titre des congés payés ;
- au titre de la perte de gains professionnels futurs de Mme M... A... J..., calculés depuis avril 2017 jusqu'à l'entrée en cours préparatoire de sa fille H... (prévue au mois de septembre 2019), une somme de 44 061,06 euros, outre les congés payés y afférents représentant 10 % de cette somme, soit 4 406 euros au titre des congés payés ;
- au titre de la perte de gains professionnels actuels de M. P... A... J..., jusqu'à l'entrée en cours préparatoire de sa fille H... (prévue au mois de septembre 2019), une somme de 160 160 euros, outre les congés payés y afférents représentant 10 % de cette somme, soit 16 016 euros au titre des congés payés ;
- au titre du déficit fonctionnel temporaire jusqu'à avril 2017, une somme de 36 800 euros ;
- au titre du déficit fonctionnel temporaire d'avril 2017 jusqu'à l'entrée en cours préparatoire de Mlle H... A... J... prévue au mois de septembre 2019, une somme de 23 200 euros ;
- au titre de l'assistance par une tierce personne jusqu'à décembre 2019, une somme provisionnelle de 94 800 euros ;
- au titre de l'aide apportée par une tierce personne future, une rente annuelle provisionnelle de 14 600 euros, versée mensuellement à terme échu ;
- au titre des souffrances endurées, une somme provisionnelle de 30 000 euros ;
- au titre du préjudice esthétique temporaire, une somme provisionnelle de 30 000 euros ;
- au titre des préjudices des proches, une indemnité provisionnelle de 100 000 euros pour M. et Mme A... J... et une indemnité provisionnelle pour E..., C..., Sara et Salma
El J... de 40 000 euros ;
- au titre du préjudice fonctionnel permanent, une indemnité provisionnelle de 650 000 euros, à valoir sur l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent de Mlle H...
A... J....
4°) " de renvoyer la liquidation définitive des préjudices de Mlle H... A... J... et de ses représentants légaux, M. et Mme A... J..., à une audience ultérieure, à charge pour eux de faire réinscrire l'affaire au rôle de la Cour une fois le rapport d'expertise rendu " ;
5°) de mettre à la charge du Grand hôpital de l'Est francilien, venant aux droits et obligations du centre hospitalier de Marne-la-Vallée, le versement de la somme de 15 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, étant précisé que Me G..., avocate des requérants, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;
6°) de condamner le Grand hôpital de l'Est francilien, venant aux droits et obligations du centre hospitalier de Marne-la-Vallée, aux entiers dépens, incluant le coût des opérations d'expertise.
Ils soutiennent que :
- c'est à tort que le jugement attaqué n'a pas retenu la responsabilité du chirurgien ayant pratiqué la sleeve gastrectomie au sein du centre hospitalier de Marne-la-Vallée, qui a commis une faute par imprudence ;
- c'est à tort que le jugement attaqué n'a retenu, au titre de l'indemnisation des préjudices de Mlle H... A... J..., de ses parents et de ses frères et soeurs, qu'une perte de chance dont le taux a été fixé à 50 % ;
- compte tenu des nombreux déplacements médicaux depuis la naissance de Mlle H...
A... J... nécessités par son état de santé, à raison de 180 km par semaine, soit 720 km par mois, les frais de transport doivent être estimés, de juin 2013 à septembre 2018, soit 64 mois, à la somme de 16 817 euros ;
- d'une part, Mme M... L... épouse A... J... a subi une perte de revenus de 42 986,40 euros pour la période actuelle arrêtée au mois d'avril 2017, en tenant compte d'une période de franchise de sept mois sans travail après l'accouchement, et de 31 165,14 euros pour la période future jusqu'à l'entrée en cours préparatoire de Mlle H... A... J... prévue en septembre 2019, soit 29 mois, outre les congés payés correspondant à 10 % de cette somme. D'autre part, M. P... A... J..., en raison de la nécessité d'assurer le suivi médical et paramédical de Mlle H... A... J..., a subi une perte de chance de pouvoir travailler dans son domaine, ce qui représente une perte de salaire qui doit être évaluée, depuis la naissance de Mlle H... A... J... jusqu'à son entrée en cours préparatoire prévue en septembre 2019, à 138 320 euros, outre les congés payés correspondant à 10 % de cette somme ;
- le déficit fonctionnel temporaire, dont les experts indiquent qu'il ne sera pas inférieur à 85 %, doit être évalué, jusqu'à avril 2017, à 36 800 euros et, pour la période future, jusqu'à l'entrée en cours préparatoire de Mlle H... A... J... prévue en septembre 2019, à 23 200 euros ;
- les experts indiquant que Mlle H... A... J... a besoin, depuis sa naissance, de l'aide d'une tierce personne non spécialisée à hauteur de 2 heures par jour, sept jours sur sept, celle-ci doit être indemnisée, à titre provisionnel, à hauteur de 77 800 euros, outre une rente annuelle de 14 600 euros au titre de l'assistance à tierce personne future, versée mensuellement à terme échu ;
- les souffrances endurées, dont les experts indiquent qu'elles ne seront pas inférieures à 5 sur une échelle de 7, doivent être indemnisées par l'allocation provisionnelle à valoir sur l'indemnisation de ce poste de préjudice ;
- le préjudice esthétique temporaire, évalué par les experts à 5 sur une échelle de 7, du fait des troubles comportementaux et de l'aspect physique présenté " au regard des autres ", doivent être indemnisées par l'allocation provisionnelle d'une somme de 30 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ce poste de préjudice ;
- Mme M... L... épouse A... J... et M. P... A... J... ont subi un préjudice personnel, direct et moral important du fait du lourd handicap de leur enfant H..., qui doit être indemnisé par l'allocation d'une indemnité provisionnelle de 50 000 euros pour chacun des parents, soit un total de 100 000 euros ;
- une indemnité provisionnelle de 10 000 euros doit être allouée à chacun des quatre autres enfants, E..., C..., Sara et Salma, qui souffriront nécessairement de l'attention qui sera portée préférentiellement à l'enfant H..., soit 40 000 euros.
Par un mémoire, enregistré le 18 octobre 2019, la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne, représentée par Me N..., conclut, d'une part, à ce que le jugement attaqué du 28 juin 2019 du tribunal administratif de Melun soit confirmé en ce qu'il a reconnu la responsabilité du Grand hôpital de l'Est francilien et, d'autre part, à ce que ce jugement soit réformé en ce qu'il a limité le droit à réparation, à ce que le Grand hôpital de l'Est francilien soit ainsi condamné à lui verser la somme provisoire de 162 131,02 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 27 septembre 2017, et enfin à ce que le versement de la somme de 2 500 euros soit mise à la charge du Grand hôpital de l'Est francilien, venant aux droits et obligations du centre hospitalier de Marne-la-Vallée sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement doit être confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité du centre hospitalier de Marne-la-Vallée, aux droits duquel vient le Grand hôpital de l'Est francilien (GHEF) ; toutefois, c'est à tort que le tribunal administratif n'a pas retenu que la responsabilité de l'hôpital soit engagée à raison d'une faute du Dr Dufour, alors que cette dernière devait, au même titre que le Dr Algava, prendre des précautions en vérifiant si Mme A... J... n'était pas enceinte au moment de l'intervention de sleeve gastrectomie ; cette double vérification était d'autant plus justifiée que les experts mentionnent à plusieurs reprises que la pose de stérilet n'écarte pas l'éventualité d'une grossesse ;
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, le préjudice réparable n'est pas la perte d'une chance mais le dommage survenu.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2019, et un nouveau mémoire, enregistré le 24 janvier 2020, le Grand hôpital de l'Est francilien, venant aux droits et obligations du centre hospitalier de Marne-la-Vallée, représenté par Me K..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme A... J... ne sont pas fondés.
M. et Mme A... J... ont produit un mémoire le 6 février 2020.
II°/ Par une requête, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés respectivement le 28 août 2019, le 30 septembre 2019 et le 24 janvier 2020 sous le n° 19PA02835, le Grand hôpital de l'Est francilien, venant aux droits et obligations du Groupe hospitalier de Marne-la-Vallée, représenté par Me K... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1703062 du 28 juin 2019 du tribunal administratif de Melun ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme A... J... devant le tribunal administratif de Melun.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé au regard des conclusions dont le tribunal a été saisi ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a écarté l'exception d'incompétence qu'il avait soulevé en première instance ;
- à supposer même que la faute retenue ait été commise dans le secteur public, c'est à tort que le tribunal administratif a retenu une perte de chance de 50 % ; en effet, la seule faute retenue résulte de l'absence de test de grossesse, alors que les causes de la naissance prématurée de l'enfant F... sont plurifactorielles ;
- également à titre subsidiaire, c'est à tort que le tribunal administratif a fixé la rente allouée au titre des préjudices personnels de l'enfant à 10 000 euros par an, cette somme étant excessive au regard de la jurisprudence ;
- le jugement attaqué ne précise pas à partir de quelle date cette rente doit être servie et jusqu'à quelle date elle doit l'être et n'est pas suffisamment précis quant aux préjudices que cette rente indemnise ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a alloué une indemnité de 4 000 euros au frère et à la soeur de Mlle H... A... J..., M. C... et Mlle O... A... J..., qui sont nés après sa naissance ;
- s'agissant de l'assistance par une tierce personne, c'est à tort que le tribunal administratif a indemnisé ce besoin à compter des deux ans de Mlle H... A... J....
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2019, M. et Mme A... J... agissant en leurs noms propres et en leur qualité de représentants légaux de leur fille mineure H... A... J... et de leurs autres enfants mineurs E..., C..., Sara et Salma El J..., représentés par Me G..., concluent, d'une part, au rejet de la requête ; à cette fin, ils soutiennent que c'est à bon droit que le jugement attaqué a retenu la responsabilité du Grand hôpital de l'Est francilien, venant aux droits du centre hospitalier de Marne-la-Vallée en raison des fautes commises par le Dr Algava, médecin salarié de cet hôpital. D'autre part, par la voie de l'appel incident, ils demandent à la Cour :
1°) de réformer le jugement attaqué en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de leurs conclusions indemnitaires ;
2°) de juger que la responsabilité du Grand hôpital de l'Est francilien, venant aux droits et obligations du centre hospitalier de Marne-la-Vallée, est également engagée en raison des fautes commises par le Dr Dufour, médecin salarié de cet hôpital ;
3°) de condamner le Grand hôpital de l'Est francilien, venant aux droits et obligations du centre hospitalier de Marne-la-Vallée, à verser, à titre provisionnel, au titre des préjudices subis par Mlle H... A... J... et ses proches, les indemnités suivantes, qui devront porter intérêts au taux légal à compter de la demande préalable, les intérêts échus devant être capitalisés :
- au titre des dépenses de santé : cf. la créance de l'organisme social ;
- au titre des frais divers (frais de déplacement) : 20 456,56 euros ;
- au titre des frais de déplacements futurs : pour mémoire ;
- au titre de la perte de gains professionnels actuels de Mme M... A... J..., jusqu'à avril 2017, une somme de 42 986,40 euros, outre les congés payés y afférents représentant 10% de cette somme, soit 4 298 euros au titre des congés payés ;
- au titre de la perte de gains professionnels futurs de Mme M... A... J..., calculés depuis avril 2017 jusqu'à l'entrée en cours préparatoire de sa fille H... (prévue au mois de septembre 2019), une somme de 44 061,06 euros, outre les congés payés y afférents représentant 10% de cette somme, soit 4 406 euros au titre des congés payés ;
- au titre de la perte de gains professionnels actuels de M. P... A... J..., jusqu'à l'entrée en cours préparatoire de sa fille H... (prévue au mois de septembre 2019), une somme de 160 160 euros, outre les congés payés y afférents représentant 10% de cette somme, soit 16 016 euros au titre des congés payés ;
- au titre du déficit fonctionnel temporaire jusqu'à avril 2017, une somme de 36 800 euros ;
- au titre du déficit fonctionnel temporaire d'avril 2017 jusqu'à l'entrée en cours préparatoire de Mlle H... A... J... prévue au mois de septembre 2019, une somme de 23 200 euros ;
- au titre de l'assistance par une tierce personne jusqu'à décembre 2019, une somme provisionnelle de 94 800 euros ;
- au titre de l'aide apportée par une tierce personne future, une rente annuelle provisionnelle de 14 600 euros, versée mensuellement à terme échu ;
- au titre des souffrances endurées, une somme provisionnelle de 30 000 euros ;
- au titre du préjudice esthétique temporaire, une somme provisionnelle de 30 000 euros ;
- au titre des préjudices des proches, une indemnité provisionnelle de 100 000 euros pour M. et Mme A... J... et une indemnité provisionnelle pour E..., C..., Sara et Salma El J... de 40 000 euros ;
- au titre du préjudice fonctionnel permanent, une indemnité provisionnelle de 650 000 euros, à valoir sur l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent de Mlle H... A... J....
4°) " de renvoyer la liquidation définitive des préjudices de Mlle H... A... J... et de ses représentants légaux, M. et Mme A... J..., à une audience ultérieure, à charge pour eux de faire réinscrire l'affaire au rôle de la Cour une fois le rapport d'expertise rendu " ;
5°) de mettre à la charge du Grand hôpital de l'Est francilien, venant aux droits et obligations du centre hospitalier de Marne-la-Vallée, le versement de la somme de 15 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, étant précisé que Me G..., avocate des requérants, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;
6°) de condamner le Grand hôpital de l'Est francilien, venant aux droits et obligations du centre hospitalier de Marne-la-Vallée, aux entiers dépens, incluant le coût des opérations d'expertise ;
7°) de condamner le Grand hôpital de l'Est francilien, venant aux droits et obligations du centre hospitalier de Marne-la-Vallée, aux entiers dépens, incluant le coût des opérations d'expertise.
Ils soutiennent que les moyens soulevés par le Grand hôpital de l'Est francilien ne sont pas fondés.
Vu les décisions du 9 septembre 2019 et du 12 décembre 2019 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris accordant l'aide juridictionnelle totale à M. et Mme A... J....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2018 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,
- et les observations de Me B... substituant Me G..., avocat des consorts A... J..., et de Me I... substituant Me K..., avocat du Grand hôpital de l'Est francilien.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes susvisées présentées par M. et Mme A... J... sous le n° 19PA02430 et par le Grand hôpital de l'Est francilien sous le n° 19PA02835 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. Mme M... L... épouse A... J..., âgée de 31 ans au moment des faits, présentait une obésité importante pour laquelle elle était médicalement suivie. Une intervention de chirurgie bariatrique (sleeve gastrectomie) a été envisagée, pour laquelle un bilan médical complet a été réalisé, dont une consultation gynécologique. L'opération a été pratiquée le 11 février 2013 au sein du groupe hospitalier de Marne-la-Vallée ; les suites opératoires ont été simples et la perte de poids a été très significative. Le 3 juin 2013, Mme A... J..., alors qu'elle ignorait être enceinte, a donné naissance à un enfant très prématuré, pesant 930 grammes, prénommé H.... Celle-ci, dont l'état n'était pas consolidé à la date de rédaction du rapport d'expertise médical le 7 mars 2016, présente des troubles moteurs prédominant au niveau des membres inférieurs, des troubles relationnels, des troubles neuro sensoriels (troubles visuels), des troubles du développement et des troubles cognitifs évocateurs d'une paralysie cérébrale, dont il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise médical, qu'elle est en lien direct et certain avec la très grande prématurité de sa naissance. Par le jugement du 28 juin 2019 dont relèvent appel les consorts A... J... et le Grand hôpital de l'Est francilien, venant aux droits et obligations du Groupe hospitalier de Marne-la-Vallée, le tribunal administratif de Melun a retenu la responsabilité du Grand hôpital de l'Est francilien et l'a condamné à indemniser les consorts A... J... et la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne.
Sur la compétence de la juridiction administrative :
3. Les actes accomplis par les médecins, chirurgiens et spécialistes au profit des malades hospitalisés dans le service privé d'un hôpital public le sont en dehors de l'exercice des fonctions hospitalières et les rapports qui s'établissent entre les malades admis dans ces conditions et les praticiens relèvent du droit privé. Si l'hôpital peut être rendu responsable des dommages subis par de tels malades lorsqu'ils ont pour cause un mauvais fonctionnement résultant soit d'une mauvaise installation des locaux, soit d'un matériel défectueux, soit d'une faute commise par un membre du personnel auxiliaire de l'hôpital mis à la disposition des médecins, chirurgiens et spécialistes, ceux-ci doivent répondre des dommages causés par leurs propres manquements dans les conditions du droit et il n'appartient qu'à la juridiction judiciaire de connaître d'une action dirigée à leur encontre.
4. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise médical, que la paralysie cérébrale dont est atteinte Mlle H... A... J... est en lien direct et exclusif avec la très grande prématurité de sa naissance, comme il a été dit ci-dessus. Celle-ci est due à la circonstance que l'état de grossesse de Mme A... J... n'a pas été diagnostiqué préalablement à la réalisation, le 11 février 2013, de l'intervention de chirurgie bariatrique (sleeve gastrectomie), qui contre-indiquait une grossesse pendant un long délai. Si le constat d'une grossesse en cours avait été fait, soit Mme A... J... aurait eu recours à une interruption volontaire de grossesse, soit cette intervention chirurgicale aurait été différée, et ainsi le stérilet n'aurait pas été posé le 17 janvier 2013 alors que Mme A... J... était déjà enceinte et elle n'aurait pas été soumise, comme elle l'a été après son opération, à un entraînement sportif intensif et à un régime alimentaire strict. De surcroît, ce défaut de diagnostic de l'état de grossesse de Mme A... J... ne lui a pas permis de bénéficier d'un suivi obstétrical alors même que, du fait de son obésité, elle présentait un risque sensiblement plus élevé de prématurité que la population générale. L'ensemble de ces éléments, découlant de la méconnaissance de l'état de grossesse de sa mère, sont à l'origine de la naissance très prématurée de Mlle H... A... J..., elle-même à l'origine de son état actuel.
5. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise médical, que, préalablement à l'intervention de chirurgie bariatrique envisagée, Mme A... J... avait été adressée par le chirurgien qui devait réaliser l'intervention au service de gynécologie du même centre hospitalier afin d'instaurer une contraception durable par la pose d'un stérilet au cuivre (une contraception orale pouvant n'être pas efficace du fait des suites de l'intervention). Le chef du service de gynécologie l'a reçue le 14 janvier 2013 et lui a posé un stérilet trois jours plus tard, le 17 janvier. Lors de la consultation gynécologique du 14 janvier 2013, il s'est borné, après avoir interrogé Mme A... J..., à considérer qu'elle avait eu ses dernières règles le 15 décembre 2012, à réaliser un frottis du col confirmant l'absence de saignement et à lui prescrire l'achat en pharmacie d'un stérilet au cuivre TT380, comme il ressort de son ordonnance, bien que Mme A... J..., qui ne bénéficiait d'aucun dispositif contraceptif bien qu'elle ait un nouveau compagnon, présentait selon son calcul un retard de règles de cinq à sept jours alors que ses cycles étaient réguliers, et était en deuxième partie de cycle. Il convenait donc, pour s'assurer que la patiente n'était pas alors enceinte, ce qui, dans ce contexte, était plausible, de lui prescrire la réalisation d'un test bêtahCG sanguin (ou au minimum d'un test urinaire, bien qu'il soit moins fiable), ou même d'une échographie, par laquelle la grossesse en cours aurait peut-être pu être visualisée, préalablement à la pose du stérilet. Le groupe hospitalier de Marne-la-Vallée, à l'époque des faits, étant parfaitement en mesure de permettre la réalisation d'un test de grossesse sanguin ou urinaire sur place et équipé en appareils d'échographie, les résultats du test auraient pu être connus dans la journée et auraient été positifs de façon certaine (depuis les derniers jours de décembre 2012). Ainsi, en ne procédant pas à la vérification que Mme A... J... n'était pas enceinte avant de lui poser un stérilet, le gynécologue a commis une faute, de laquelle découle l'état actuel de Mlle H... A... J....
6. Il résulte de l'instruction que, d'une part, le 14 janvier 2013, lorsqu'il a examiné
Mme A... J... et qu'il a omis de manière fautive de s'assurer qu'elle n'était pas en état de grossesse, le chef du service de gynécologie du groupe hospitalier de Marne-la-Vallée exerçait à titre libéral. Par suite, les rapports entre lui et sa patiente, Mme A... J..., relèvent du droit privé, la circonstance, à la supposée établie, que Mme A... J... n'aurait pas été informée de la possibilité, au sein du groupe hospitalier de Marne-la-Vallée, d'être examinée dans le cadre de l'activité libérale du chef du service de gynécologie, et a fortiori ne l'aurait pas acceptée, en méconnaissance tant de l'article 4 du contrat d'activité libérale signé entre le centre hospitalier et ce médecin, qui stipulait qu'il devait " recueillir le choix du patient d'être traité sans ambiguïté au titre de l'activité libérale ", que des dispositions de l'article R. 6154-7 du code de la santé publique, qui disposent que " pour tout acte ou consultation, le patient qui choisit d'être traité au titre de l'activité libérale d'un praticien reçoit, au préalable, toutes indications quant aux règles qui lui seront applicables du fait de son choix ", étant sans incidence sur l'appréciation de la nature juridique de ces rapports. En outre, la faute ayant été commise par le gynécologue le 14 janvier 2013, comme il a été dit ci-dessus, la circonstance qu'il aurait pu, lorsqu'il a procédé à la pose du stérilet le 17 janvier 2013, alors qu'il exerçait à un titre juridique incertain, effectuer à ce moment un test de grossesse et ainsi réparer la faute de diagnostic faite trois jours auparavant est sans incidence sur la détermination de la compétence juridictionnelle. D'autre part, le praticien du groupe hospitalier de Marne-la-Vallée qui suivait Mme A... J... et qui l'avait adressée pour une consultation et la mise en place d'une contraception durable au service de gynécologie du même centre hospitalier a vérifié, préalablement à l'intervention de chirurgie bariatrique pratiquée le 11 février 2013, que cette consultation gynécologique avait été effectuée et le stérilet était réputé mis en place ; par suite, aucune négligence fautive ne saurait être reprochée à ce praticien, qui n'avait pas d'autres précautions à prendre à ce titre dans la phase préopératoire, et par voie de conséquence au service public hospitalier. Ainsi, les demandes indemnitaires présentées par les consorts A... J... ne ressortissent pas à la compétence de la juridiction administrative et il n'appartient qu'à la juridiction judiciaire de connaître de l'action dirigée par eux à l'encontre du gynécologue. Il suit de là que le jugement attaqué du 28 juin 2019 par lequel les premiers juges ont estimé " que la prise en charge au plan gynécologique de Mme A... J... s'est inscrite dans le cadre d'une prise en charge globale afférente à la sleeve gastrectomie subie par la patiente dont il est constant qu'elle a eu lieu dans le secteur public " et que, " par suite, la juridiction administrative est compétente pour connaître du litige né des conséquences dommageables de cette prise en charge " doit être annulé.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du Grand hôpital de l'Est francilien, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demandent les consorts A... J... et la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne au titre des frais liés à l'instance et exposés par eux.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1703062 du 28 juin 2019 du tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : La demande présentée par les consorts A... J... devant le tribunal administratif de Melun est rejetée comme portée devant un ordre de juridictions incompétent pour en connaître.
Article 3 : Les conclusions présentées par les consorts A... J... et la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne, tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. P... A... J..., à Mme M... L... épouse A... J..., au Grand hôpital de l'Est francilien et à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 30 janvier 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président,
- M. D..., président assesseur,
- Mme Larsonnier, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 mai 2020.
Le président de la 8ème chambre,
J. LAPOUZADE
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°s 19PA02430, 19PA02835