La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/05/2020 | FRANCE | N°19PA00447

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 22 mai 2020, 19PA00447


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'union départementale des associations familiales de la Dordogne agissant au nom de Mme D... A... en sa qualité de curatrice a demandé à la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne d'annuler la décision du 1er septembre 2015 par laquelle le conseil départemental de la Dordogne a refusé l'admission de Mme A... au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement.

Par un jugement du 18 janvier 2018, la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne a rejeté sa demande s'agissant

de la période allant du 1er mars 2015 au 30 avril 2016 et a admis la prise en cha...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'union départementale des associations familiales de la Dordogne agissant au nom de Mme D... A... en sa qualité de curatrice a demandé à la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne d'annuler la décision du 1er septembre 2015 par laquelle le conseil départemental de la Dordogne a refusé l'admission de Mme A... au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement.

Par un jugement du 18 janvier 2018, la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne a rejeté sa demande s'agissant de la période allant du 1er mars 2015 au 30 avril 2016 et a admis la prise en charge du 1er mai 2016 au 31 mars 2020 des frais d'hébergement et des frais de dépendances non couverts par l'allocation personnalisée d'autonomie sous réserve du reversement des 9/10ème de ses ressources, y compris les intérêts de ses capitaux placés, sans que le minimum du reste à vivre soit inférieur à 30 % du montant mensuel de l'allocation adulte handicapé et du reversement de l'intégralité de l'allocation logement.

Procédure devant la Cour :

I°/ Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 février et 2 mai 2018 sous le n° 19PA00447, l'union départementale des associations familiales de la Dordogne agissant au nom de Mme A... en sa qualité de curatrice, représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler la décision du 18 janvier 2018 de la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne rejetant le recours formé contre la décision du 1er septembre 2015 du conseil départemental de la Dordogne refusant l'admission de Mme A... au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement pour la période du 1er mars 2015 au 30 avril 2016 ;

2°) d'annuler la décision du 1er septembre 2015 du conseil départemental de la Dordogne refusant l'admission de Mme A... au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement pour la période du 1er mars 2015 au 30 avril 2016 ;

3°) de prononcer la prise en charge des frais d'hébergement au titre de l'aide sociale à compter du 1er mars 2015 sans interruption des droits, déduction faite des frais de cotisations d'assurance maladie complémentaire, de responsabilité civile et des frais de gestion de la mesure de protection ;

4°) de condamner le département de la Dordogne à lui verser la somme de 700 euros au titre des frais liés à l'instance.

Elle soutient que :

- la composition de la commission départementale d'aide sociale est contraire aux dispositions de l'article L. 134-6 du code de l'action sociale et des familles tel qu'il ressort de la décision du Conseil constitutionnel du 25 mars 2011 n° 2010-110 QPC ;

- il ne peut être opposé au demandeur de l'aide sociale à l'hébergement la possession de capitaux placés dès lors que les intérêts encaissés, ajoutés aux ressources courantes du bénéficiaire, ne couvrent pas les frais liés à l'hébergement, or Mme A... ne recevait que 99,99 euros par mois d'intérêts au titre de ses capitaux placés et cette somme ne permettait donc pas de couvrir ses frais d'hébergement de sorte que le principe de subsidiarité de l'aide sociale ne pouvait être retenue ;

- dès lors qu'aucun élément nouveau n'est intervenu depuis les décisions rendues en 2009 et 2011 lui accordant le bénéfice de l'aide sociale au titre de l'hébergement, la décision du président du conseil départemental de la Dordogne du 1er septembre 2015 est entachée d'une erreur de droit.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 octobre 2018, le département de la Dordogne, représenté par son président, conclut au rejet de la requête et à la confirmation de la décision de la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne du 18 janvier 2018.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

En application de l'article 12 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 et du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, le dossier de la requête susvisée a été transféré à la Cour administrative d'appel de Paris, où elle a été enregistrée le 2 janvier 2019 sous le n° 19PA00447.

II°/ Par une requête, enregistrée le 19 février 2018, sous le n° 20PA00370, l'union départementale des associations familiales de la Dordogne agissant au nom de Mme A... en sa qualité de curatrice, représentée par Me C..., conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que la requête enregistrée sous le n° 19PA00447.

Par une ordonnance du 3 décembre 2019, le président de la Chambre sociale de la cour d'appel de Bordeaux, en application de l'article 12 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 et de l'article 32 du décret n° 2015-2033 du 27 février 2015, a transféré le dossier de la requête susvisée à la Cour administrative d'appel de Paris, où elle a été enregistrée le 2 janvier 2020 sous le n° 20PA00370.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ;

- le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 28 octobre 2014, l'union départementale des associations familiales de la Dordogne agissant au nom de Mme A... en sa qualité de curatrice a déposé un dossier de demande de renouvellement d'aide sociale à l'hébergement à compter du 1er mars 2015. Mme A... est hébergée au sein de l'EHPAD " la Meynardie " de Saint-Privat-en-Périgord. Par décision du 1er septembre 2015, le conseil départemental de la Dordogne a refusé l'admission de Mme A... au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement. L'union départementale des associations familiales de la Dordogne agissant au nom de Mme A... a formé un recours contre cette décision le 29 septembre 2015 devant la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne qui a, le 18 janvier 2018, rejeté sa demande s'agissant de la période allant du 1er mars 2015 au 30 avril 2016 et a admis la prise en charge du 1er mai 2016 au 31 mars 2020 des frais d'hébergement et des frais de dépendances non couverts par l'allocation personnalisée d'autonomie sous réserve du reversement des 9/10ème de ses ressources, y compris les intérêts de ses capitaux placés, sans que le minimum du reste à vivre soit inférieur à 30 % du montant mensuel de l'allocation adulte handicapé et du reversement de l'intégralité de l'allocation logement. L'union départementale des associations familiales de la Dordogne demande à la Cour d'annuler cette décision du 18 janvier 2018 de la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne en tant que le bénéfice de l'aide sociale a été refusé à Mme A... pour la période du 1er mars 2015 au 30 avril 2016.

Sur la jonction :

2. Les deux requêtes n°19PA00447 et 20PA00370 de Mme A... sont dirigées contre un même jugement du 18 janvier 2018 de la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 18 janvier 2018 de la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne et de la décision du 1er septembre 2015 du conseil départemental de la Dordogne et d'admission à l'aide sociale :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité de la décision de la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne :

3. Aux termes de l'article L. 132-1 du code de l'action sociale et des familles : " Il est tenu compte, pour l'appréciation des ressources des postulants à l'aide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu, qui est évaluée dans les conditions fixées par voie réglementaire ". Selon l'article R. 132-1 du même code : " Pour l'appréciation des ressources des postulants prévue à l'article L. 132-1, les biens non productifs de revenu, à l'exclusion de ceux constituant l'habitation principale du demandeur, sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à 50 % de leur valeur locative s'il s'agit d'immeubles bâtis, à 80 % de cette valeur s'il s'agit de terrains non bâtis et à 3 % du montant des capitaux ".

4. Il résulte de ces dispositions que les ressources à prendre en compte pour accorder ou refuser le bénéfice de l'aide sociale comprennent les revenus perçus par le demandeur, notamment ceux tirés du placement des capitaux qu'il détient. A défaut pour lui de faire fructifier ces derniers, l'administration calcule un revenu fictif qui s'ajoute à ceux effectivement perçus. En revanche, n'a pas à être pris en compte le montant des capitaux eux-mêmes, tant mobiliers qu'immobiliers, pour décider de l'admission ou non à l'aide sociale.

5. Il résulte de l'instruction, notamment des énonciations de la décision attaquée, que Mme A... a des ressources totales qui s'élèvent à 1 015,23 euros par mois, dont 99,99 euros d'intérêts sur des placements sous différentes formes (livret d'épargne, livret d'épargne populaire, livret de développement durable, plan d'épargne logement et livret A) d'un capital de 39 997,88 euros. Elle est fondée à conserver sur ses ressources mensuelles une somme de 240,14 euros. Le solde disponible, soit 775,09 euros ne suffit pas à couvrir ses frais d'entretien et d'hébergement à l'EHPAD " la Meynardie " de Saint-Privat-en-Périgord, qui s'élevent à 1 837,24 euros par mois. Or, il résulte de ce qui a été indiqué au point 4 ci-dessus qu'en soutenant que conformément au principe de subsidiarité de l'aide sociale, il doit être laissé à disposition des personnes hébergées un montant minimum de capitaux à hauteur de 25 000 euros pour que ceux-ci puissent faire face à diverses dépenses incluant notamment leurs frais d'obsèques et que Mme A... dispose de capitaux placés pour un montant total de 39 997,88 euros lui permettant de faire face à ses frais de séjour pendant 14 mois soit du 1er mars 2000 15 au 30 avril 2016, le président du conseil départemental de la Dordogne a entaché sa décision du 1er septembre 2015 d'une erreur de droit. L'union départementale des associations familiales de la Dordogne agissant au nom de Mme A... en sa qualité de curatrice, est donc fondée à soutenir que c'est à tort que par son jugement du 18 janvier 2018, la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 1er septembre 2015 du conseil départemental de la Dordogne refusant l'admission de Mme A... au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement pour la période du 1er mars 2015 au 30 avril 2016. En conséquence, le jugement de la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne et la décision du 1er septembre 2015 du conseil départemental de la Dordogne refusant l'admission de Mme A... au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement pour la période du 1er mars 2015 au 30 avril 2016 doivent être annulés et Mme A... doit être admise au bénéfice de l'aide sociale pour la prise en charge de ses frais d'hébergement à compter du 1er mars 2015 sans interruption des droits, déduction faite des frais de cotisations d'assurance maladie complémentaire, de responsabilité civile et des frais de gestion de la mesure de protection. L'union départementale des associations familiales de la Dordogne agissant au nom de Mme A... en qualité de curatrice est renvoyée devant le département de la Dordogne qui déterminera le montant qui lui est alloué à ce titre.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de la Dordogne le versement de la somme de 700 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à l'union départementale des associations familiales de la Dordogne agissant en sa qualité de curatrice de Mme A....

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 18 janvier 2018 de la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne et la décision du 1er septembre 2015 du conseil départemental de la Dordogne en tant qu'elles refusent d'admettre Mme A... au bénéfice de l'aide sociale pour la période du 1er mars 2015 au 30 avril 2016 sont annulées.

Article 2 : Mme A... est admise au bénéfice de l'aide sociale pour la prise en charge de ses frais d'hébergement à compter du 1er mars 2015 sans interruption des droits, déduction faite des frais de cotisations d'assurance maladie complémentaire, de responsabilité civile et des frais de gestion de la mesure de protection. L'union départementale des associations familiales de la Dordogne agissant, en sa qualité de curatrice, au nom de Mme A..., est renvoyée devant le département de la Dordogne qui déterminera le montant qui lui est alloué à ce titre.

Article 3 : Le département de la Dordogne versera à l'union départementale des associations familiales de la Dordogne agissant, en sa qualité de curatrice, au nom de Mme A... la somme de 700 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'union départementale des associations familiales de la Dordogne en sa qualité de curatrice de Mme D... A..., à Mme D... A..., au président du conseil départemental de la Dordogne et au ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré après l'audience du 27 février 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 mai 2020.

Le président de la 8ème chambre,

J. LAPOUZADE

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N°s 19PA00447, 20PA00370


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00447
Date de la décision : 22/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

04-02-04-02 Aide sociale. Différentes formes d'aide sociale. Aide sociale aux personnes handicapées. Accueil et hébergement.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS DE LAPOYADE-DEGLANE-JEAUNAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-05-22;19pa00447 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award