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19/05/2020 | FRANCE | N°19PA00580

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 19 mai 2020, 19PA00580


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société L'ancien Trocadéro a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler le titre exécutoire n° 253996/2017 émis le 27 septembre 2017 à son encontre par la Ville de Paris et de la décharger du paiement de la somme de 38 444,96 euros mise à sa charge par ce titre exécutoire au titre des droits de voirie additionnels concernant les dispositifs de chauffage et les écrans de protection de ses terrasses pour l'année 2017.

Par un jugement n° 1800920 du 29 novembre 2018, le tribunal admin

istratif de Paris a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requê...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société L'ancien Trocadéro a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler le titre exécutoire n° 253996/2017 émis le 27 septembre 2017 à son encontre par la Ville de Paris et de la décharger du paiement de la somme de 38 444,96 euros mise à sa charge par ce titre exécutoire au titre des droits de voirie additionnels concernant les dispositifs de chauffage et les écrans de protection de ses terrasses pour l'année 2017.

Par un jugement n° 1800920 du 29 novembre 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 30 janvier 2019, 17 janvier 2020 et 22 janvier 2020, la société L'ancien Trocadéro, représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1800920 du 29 novembre 2018 du tribunal administratif de Paris ;

2°) avant dire-droit, d'ordonner à la Ville de Paris de produire les études auxquelles elle aurait fait procéder en 2011 pour l'établissement de droits de voirie ou, le cas échéant, ordonner une expertise ou une enquête ;

3°) d'annuler le titre exécutoire et de la décharger du paiement de la somme de 21 855,24 euros réclamée par la Ville de Paris au titre des écrans rigides et de la somme de 16 589,72 euros réclamée au titre des dispositifs de chauffage ;

4°) subsidiairement, de la décharger de la somme de 19 345,17 euros correspondant à une erreur de taxation des écrans rigides protégeant sa terrasse ;

5°) de mettre à la charge de la Ville de Paris une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, dès lors qu'il n'a répondu qu'à deux des quatre branches du moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques, qu'il n'identifie pas qu'il s'agit d'écrans de protection " parallèles " et non perpendiculaires à sa terrasse et qu'il écarte de façon insuffisante le moyen tiré de l'erreur de fait ;

- le titre exécutoire attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation pour défaut de mention précise des bases de liquidation, notamment en ce qui concerne le calcul des surfaces taxées ;

- la Ville de Paris n'a pas justifié que, conformément aux dispositions des articles L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration et de l'article L. 1617-5 du code général de la propriété des personnes publiques, le titre de recettes individuel ou le bordereau y afférent a bien été signé par la personne mentionnée par l'avis des sommes à payer ;

- les droits additionnels réclamés n'ont pas été fixés dans le respect des dispositions de l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques ; la Ville de Paris, à qui cette preuve incombe, n'apporte aucun élément permettant de montrer que les droits demandés ont été déterminés en fonction de l'avantage spécifique offert par les dispositifs spéciaux que sont les chauffages et les écrans parallèles ; il n'est pas possible de déterminer de façon comptable cet avantage ; il fallait nécessairement tenir compte de la période d'utilisation des dispositifs et donc d'occupation du domaine public, qui est restreinte ;

- la comparaison des tarifs applicables aux terrasses équipées d'écrans et de chauffage avec ceux des terrasses non protégées et des terrasses fermées démontre leur caractère excessif, alors que ces dispositifs ne sont utilisés que de façon saisonnière ;

- la ville a commis une erreur de droit en voulant dissuader par des tarifs élevés le chauffage des terrasses ; le motif écologique ne peut légalement être pris en compte et il n'est pas prouvé que le chauffage des terrasses participe à la pollution atmosphérique ; en outre une terrasse chauffée et non protégée est moins taxée qu'une terrasse chauffée et protégée ;

- s'agissant des écrans parallèles rigides, les terrasses autorisées à en être équipées en permanence font l'objet de tarifs spécifiques, ce qui peut amener à une double taxation ;

- la comparaison des tarifs spécifiques et des droits de voirie supplémentaires exigés du fait de l'installation temporaire d'écrans parallèles démontre le caractère excessif de ces derniers ;

- le titre exécutoire est entaché d'erreur de fait car l'autorisation qui lui a été accordée prévoit que sa terrasse est entourée par des écrans de moins de 1,30 m, ce qui justifiait l'application du tarif spécifique mais non l'application du tarif des dispositifs additionnels ;

- elle doit être au moins déchargée de la différence entre les deux tarifs.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 et 21 janvier 2020, la Ville de Paris, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- la délibération 2011 DU 54 des 28, 29 et 30 mars 2011 du Conseil de Paris portant réforme des droits de voirie ;

- l'arrêté du maire de Paris du 6 mai 2011 portant règlement des étalages et terrasses applicable, à compter du 1er juin 2011, sur l'ensemble du territoire de la Ville de Paris ;

- l'arrêté du maire de Paris du 13 janvier 2017 portant nouveaux tarifs applicables aux droits de voirie à compter du 1er janvier 2017 ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Diémert, président assesseur,

- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., avocat de la société L'ancien Trocadéro, et de Me A..., avocat de la Ville de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. La société L'ancien Trocadéro exploite un fonds de commerce de restauration au 4 place du Trocadéro à l'angle de l'avenue Kléber. Elle dispose d'un titre d'occupation du domaine public viaire pour l'installation d'une terrasse fermée et d'une terrasse ouverte de 18 m² au 120 avenue Kléber, d'une terrasse fermée et d'une terrasse ouverte de 33 m² entourée d'écrans au 4 place du Trocadéro et d'une terrasse ouverte de 8 m² sur le pan coupé à l'angle de ces deux voies. La mairie de Paris a émis le 27 septembre 2017 un titre exécutoire correspondant aux droits de voirie dus pour l'année 2017, d'un montant total de 66 331,49 euros dont la somme de 38 444,96 euros afférente à des droits de voirie additionnels concernant l'installation de dispositifs de chauffage et d'écrans de protection sur les terrasses ouvertes. La société requérante demande l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce titre exécutoire et à la décharge de la somme de 38 444,96 euros au titre des droits de voirie additionnels pour l'année 2017.

Sur la régularité du jugement :

2. L'article L. 9 du code de justice administrative dispose : " Les jugements sont motivés ".

3. D'une part, les premiers juges ont considéré, au point 5 de leur jugement, que la Ville de Paris avait régulièrement fixé les droits de voirie additionnels en tenant compte de la superficie de la terrasse, plus rentable lorsqu'elle est protégée, alors que la société requérante, qui ne produisait pas de pièce comptable, n'apportait aucun élément au soutien de son affirmation selon laquelle ces droits de voirie excèderaient les avantages de toute nature que lui procurent les installations en cause. Ils ont ainsi répondu aux arguments soulevés à l'appui du moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques et suffisamment motivé leur jugement, la question de la charge de la preuve ne constituant notamment pas un moyen autonome devant le juge du fond.

4. D'autre part, si le jugement ne précise pas que les " écrans de protection " pour lesquels la Ville de Paris réclame à la société requérante un droit de voirie additionnel sont des écrans parallèles à la façade de son commerce et non des écrans perpendiculaires à celle-ci, une telle absence de précision est sans incidence sur le caractère suffisant de la motivation du jugement, qui ne comportait, comme l'argumentation des parties, aucune ambiguïté à cet égard.

5. Enfin, le tribunal a suffisamment répondu au moyen concernant l'erreur de fait commise par la Ville quant à la présence d'écrans parallèles à la façade du commerce. L'éventuelle erreur d'appréciation commise est sans influence sur le caractère suffisant de la motivation du jugement et sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité externe de l'acte attaqué :

6. En premier lieu, le 4° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales dispose : " Quelle que soit sa forme, une ampliation du titre de recettes individuel ou de l'extrait du titre de recettes collectif est adressé aux redevables (...) / En application de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration, le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif mentionne les nom, prénoms et qualité de la personne qui l'a émis ainsi que les voies et délais de recours. / Seul le bordereau de titres de recettes est signé pour être produit en cas de contestation ". Il résulte de ces dispositions, d'une part, que le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif adressé au redevable doit mentionner les nom, prénoms et qualité de la personne qui l'a émis et, d'autre part, qu'il appartient à l'autorité administrative, en cas de contestation, de justifier que le bordereau de titre de recettes comporte la signature de l'émetteur. En l'espèce, d'une part, le titre adressé à la requérante mentionne qu'il est émis par M. D... B..., adjoint au chef du service de l'expertise comptable, et, d'autre part, le bordereau dématérialisé de titres de recettes comporte la signature électronique de M. B..., ainsi qu'il ressort d'une attestation en date du 8 janvier 2020 de la société Docapost Fast, prestataire de la Ville de Paris, produite par celle-ci en appel.

7. En deuxième lieu, l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique dispose : " (...) Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrement indique les bases de la liquidation (...) ". Pour satisfaire à ces dispositions, un état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur. En l'espèce, l'avis des sommes à payer, valant ampliation du titre exécutoire, comporte un tableau récapitulatif qui vise l'article L. 2213-6 du code général des collectivités territoriales et l'arrêté municipal du 13 janvier 2017, précise l'adresse des terrasses considérées ainsi que la catégorie de la rue dans laquelle elles se situent et calcule, par référence aux différentes rubriques de l'arrêté municipal du 13 janvier 2017 fixant les droits de voirie, chacun des droits à percevoir pour la période " 01/01/2017-31/12/2017 ", en détaillant le prix au mètre carré et le nombre de mètres carrés pour lesquels le droit est dû, en distinguant les différentes installations taxées et si elle sont situées dans le tiers du trottoir ou " hors tiers ". Cet avis permet ainsi au redevable de connaitre précisément le mode d'établissement des redevances mises à sa charge et le met à même de contester une éventuelle erreur, qu'elle concerne l'existence des dispositifs taxés ou la mesure de la superficie concernée, notamment de la partie de celle-ci située " hors tiers " du trottoir. Le moyen tiré de ce que l'avis des sommes à payer ne mentionne pas de façon suffisamment précise les bases de liquidation manque en fait et doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne de l'acte attaqué :

S'agissant de la légalité des tarifs appliqués :

8. L'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques dispose : " Toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 donne lieu au paiement d'une redevance (...) ". Aux termes de l'article L. 2125-3 du même code : " La redevance due pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation ".

9. Par délibération 2011 DU 54 des 28, 29 et 30 mars 2011 portant réforme des droits de voirie, le Conseil de Paris, siégeant en formation de conseil municipal, a pris acte de nouveaux modes d'occupation du domaine public et notamment de l'installation sur les terrasses exploitées commercialement de divers équipements destinés à atténuer les aléas climatiques, qui prolongent et facilitent ainsi l'usage privé du domaine public. Il a décidé de soumettre ces installations à des droits de voirie additionnels, fixés selon la catégorie de la voie et calculés de façon annuelle et forfaitaire proportionnellement à la surface de la terrasse exploitée, et de taxer plus fortement les installations de chauffage situées sur une terrasse non protégée. L'annexe de l'arrêté du 13 janvier 2017 du maire de Paris portant nouveaux tarifs applicables aux droits de voirie à compter du 1er janvier 2017 prévoit ainsi, s'agissant des " prescriptions applicables aux étalages et terrasses " : " Selon les cas, un droit de voirie additionnel, s'ajoutant à celui prévu pour diverses emprises (étalage, terrasse ouverte, terrasse fermée, prolongement intermittent de terrasse ou d'étalage, contre-étalage ou contre-terrasse, contre-terrasse sur chaussée) est perçu pour : / (...) - l'installation de tout type de protection, notamment sous forme d'écrans parallèles, sur tout type de terrasse ouverte (...) /

- l'installation de tout mode de chauffage (...) sur tout type de terrasse ouverte (bâchée ou non, dotée ou non de tout type de protection, notamment sous forme d'écrans parallèles). Ces droits de voirie additionnels sont appréciés annuellement, de façon forfaitaire et indivisible. Ils s'appliquent quelles que soient les dates de pose ou dépose de ces dispositifs et leur temps de présence effectif au cours de l'exercice considéré. Il n'est procédé à aucun abattement mensuel ou calcul au " prorata temporis " lors de la première année d'installation ou dans les cas de cessation d'activité ou de démontage (...) / Le cas échéant, les droits de voirie additionnels précités se cumulent en fonction de la présence de différentes installations sur un même emplacement. Les étalages et terrasses sont taxés au mètre carré et pour l'exercice en cours (...) ". S'agissant de tout mode de chauffage ou de climatisation dans tout type de terrasse ouverte, cet arrêté précise que " (...) le droit de voirie additionnel s'apprécie exclusivement sur la totalité de la surface occupée par la terrasse de tout type et non en fonction des surfaces des dispositifs à usage de chauffage ou de climatisation ".

10. En premier lieu, la requérante, tout en admettant que la protection d'une terrasse par des écrans et son chauffage sont de nature à en améliorer l'attractivité, soutient que la Ville de Paris n'a pas indiqué comment elle avait fixé le montant des droits additionnels réclamés et qu'il n'est pas possible de déterminer comptablement le gain spécifique procuré par chacune des installations. Toutefois, en l'absence précisément d'individualisation comptable permettant de soumettre l'occupation du domaine public à une redevance proportionnelle au chiffre d'affaires ou au bénéfice généré par chaque installation, la Ville de Paris pouvait légalement fixer un tarif au mètre carré, variable en fonction de la nature du dispositif et de son association ou non avec d'autres dispositifs, ainsi que de l'attractivité de la voie publique sur laquelle il est installé et du positionnement de la terrasse hors tiers ou dans le tiers du trottoir, critères qui ne sont pas étrangers aux " avantages de toute nature " procurés à l'occupant privatif du domaine public par chaque installation. Elle n'avait pas, pour la détermination des tarifs, à faire procéder à des études. La circonstance que les dispositifs litigieux ne sont utilisés ou maintenus en place qu'une partie de l'année ne fait pas en soi obstacle à ce que la redevance soit calculée au titre d'une année entière. De même, dès lors qu'il n'est pas possible de déterminer la surface chauffée ou protégée par chaque dispositif, la Ville de Paris est fondée à appliquer le tarif additionnel en proportion de la surface totale de chacune des terrasses chauffées ou protégées de chaque commerce.

11. En deuxième lieu, s'il est soutenu que la Ville de Paris aurait fixé un tarif élevé pour les chauffages afin de dissuader, pour des motifs écologiques, les exploitants d'en installer, cette motivation ne ressort pas de l'instruction ni des textes fixant les tarifs, et notamment de la délibération 2011 DU 54. Le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut en tout état de cause qu'être écarté. La circonstance qu'une terrasse chauffée non protégée est moins taxée qu'une terrasse chauffée et protégée, laquelle est plus attractive pour le public, n'est pas de nature à démontrer que les tarifs n'auraient pas été fixés en proportion des avantages procurés aux commerçants.

12. En troisième lieu, la délibération 2011 DU 54 et l'arrêté du 13 janvier 2017 prévoient un tarif spécifique (codes 440, 441 et 443) pour les terrasses ouvertes " délimitées par des écrans parallèles de hauteur inférieure à 1,30 m " que les commerçants peuvent être autorisés à installer dans le respect des spécifications du point 3.3.3 du titre II du règlement des terrasses de la Ville de Paris. Ces tarifs ne se confondent pas avec ceux, codés 580, 581 et 582, intitulés " supplément pour l'installation d'écrans parallèles rigides protégeant une terrasse ouverte " mis à la charge, comme en l'espèce, des commerçants qui installent, sans autorisation préalable, de tels dispositifs, quelle qu'en soit la hauteur. D'une part, il ne résulte pas de l'instruction que les écrans parallèles ici en cause auraient fait l'objet d'une double taxation. D'autre part, la circonstance que le tarif applicable aux écrans installés sans autorisation préalable, dont la hauteur n'est pas limitée, est nettement supérieur à celui prévu pour une terrasse dont la délimitation par des écrans d'une hauteur inférieure à 1,30 m répondant à certaines spécifications a été autorisée n'est pas de nature à démontrer que le " supplément " demandé pour l'installation, même temporaire, d'écrans parallèles à la façade du commerce n'aurait pas été fixé en fonction de l'avantage que retire le commerçant de la pose de ceux-ci ou serait manifestement excessif par rapport aux avantages procurés par cette protection de la terrasse.

13. En quatrième lieu, la société requérante fait valoir que l'arrêté du 13 janvier 2017 retient pour l'installation d'écrans parallèles et de chauffages des tarifs additionnels élevés, nettement supérieurs à ceux appliqués à la terrasse elle-même, et qu'une terrasse ouverte protégée et chauffée donne lieu, lorsqu'elle est située hors du tiers du trottoir, à la perception d'une redevance plus élevée que celle perçue pour une terrasse fermée. Toutefois, si les droits de voirie doivent tenir compte des avantages de toute nature que procure l'occupation privative du domaine public, il n'est pas interdit à la collectivité d'orienter, par des tarifs différenciés, les modes d'occupation du domaine public qu'elle souhaite favoriser. La circonstance qu'une terrasse ouverte non chauffée serait, proportionnellement au chiffre d'affaires susceptible d'être généré par son installation, nettement moins taxée qu'une terrasse protégée et chauffée, ne crée pas de discrimination illégale et ne saurait en soi démontrer que la redevance exigée pour une terrasse chauffée et protégée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation. De même, alors justement qu'une terrasse ouverte peut n'être protégée qu'une partie de l'année selon les aléas climatiques, il n'est pas établi qu'une terrasse fermée soit plus attractive et plus rentable qu'une terrasse ouverte protégée et chauffée, ni en tout état de cause que la redevance réclamée par la Ville de Paris pour l'installation de cette dernière soit manifestement excessive par rapport aux avantages que procure son installation sur le domaine public.

14. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de procéder aux mesures d'instruction demandées, que la société appelante n'est pas fondée à soutenir que le maire de Paris aurait méconnu les dispositions de l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques en faisant application des tarifs adoptés par la délibération 2011 DU 54 des 28, 29 et 30 mars 2011 et fixés pour l'année 2017 par l'arrêté du 13 janvier 2017.

S'agissant des moyens tirés de l'erreur de fait :

15. D'une part, si la société requérante fait valoir que la surface totale des terrasses taxées, 64 m², excède celle des terrasses autorisées, soit 59 m², il est constant que n'ont été taxés au titre des droits additionnels, seuls ici en cause, qu'une surface de 56 m² au titre du chauffage et 36 m² au titre des écrans rigides, soit des surfaces inférieures à celle des terrasses autorisées. La présence de dispositifs de chauffage sous les bannes de l'ensemble des terrasses ouvertes tant avenue Kléber que place du Trocadéro et sur le pan coupé est suffisamment démontrée par les pièces du dossier, et notamment par les photographies produites par la Ville de Paris en première instance, qui ne sont pas sérieusement contestées.

16. D'autre part, la société L'ancien Trocadéro fait valoir qu'aucun écran parallèle sinon ceux qui entourent sa terrasse fermée n'apparait sur la photographie du 17 novembre 2017 produite par la ville de Paris en première instance et soutient que si la terrasse ouverte de la place du Trocadéro est bien entourée d'écrans parallèles, c'est en vertu d'une autorisation du 14 mai 2012, que ces écrans sont d'une hauteur de 1,30 m et qu'elle ne devrait donc, au maximum, que supporter les droits de voirie correspondant au code 441 (terrasses délimitées par des écrans parallèles de hauteur inférieure à 1,30 m au-delà du tiers du trottoir) et non ceux correspondant au cumul des codes 431 (terrasses ouvertes au-delà du tiers du trottoir) et 581 (suppléments pour l'installation d'écrans parallèles rigides protégeant une terrasse ouverte, au-delà du tiers du trottoir). Elle produit à l'appui de ces affirmations une facture du 22 septembre 2014 correspondant à une structure en inox poli et vitrages et des factures de " démontage de la terrasse " du 17 mars 2017 et de " remontage de la terrasse " du 16 novembre 2017, dont elle soutient qu'elles correspondent à cette terrasse ouverte entourée d'écrans parallèles de 1,30 m de haut, montée et démontée chaque année. Toutefois, d'une part ces trois factures établissent la présence, pendant quatre mois de l'année 2017 au moins, d'écrans rigides parallèles bordant la terrasse ouverte, et, d'autre part, tendent à démontrer, dans la mesure où la facture de 2014 porte également sur l'achat de " sur-écrans " de 1,20 m de hauteur destinés à surmonter une structure de base de 1,30 m de hauteur, que la terrasse en litige est protégée par des écrans pouvant atteindre 2,50 m et rejoindre la banne. Dans ces conditions, et en l'absence de tout plan, photographie ou procès-verbal d'huissier décrivant la terrasse ouverte de la place du Trocadéro, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la Ville de Paris a commis une erreur de fait en mettant à sa charge, au titre de l'année 2017, les droits de voirie dus pour l'installation d'écrans parallèles rigides en sus de ceux dus pour une terrasse ouverte non bordée d'écrans parallèles. Elle n'est fondée à demander ni la décharge totale de ces sommes, ni leur décharge partielle pour n'acquitter que les droits dus pour une terrasse ouverte délimitée par des écrans parallèles de hauteur inférieure à 1,30 m.

17. Il résulte de tout ce qui précède que la société L'ancien Trocadéro n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.

Sur les frais liés au litige :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Ville de Paris, qui n'est pas partie perdante, verse à la société requérante la somme qu'elle demande au titre des frais de procédure qu'elle a exposés. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société L'ancien Trocadéro une somme de 1 000 euros à verser à la Ville de Paris sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société L'ancien Trocadéro est rejetée.

Article 2 : La société L'ancien Trocadéro versera à la Ville de Paris une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société L'ancien Trocadéro, à la Ville de Paris et au directeur général des finances publiques de Paris.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme E..., présidente de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Legeai, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 mai 2020.

La présidente de la 1ère chambre,

S. E...

La République mande et ordonne au préfet de la région Ile de France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA00580


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00580
Date de la décision : 19/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

24-01-02-01-01-04 Domaine. Domaine public. Régime. Occupation. Utilisations privatives du domaine. Redevances.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : MEILHAC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-05-19;19pa00580 ?
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