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19/05/2020 | FRANCE | N°18PA03599

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 19 mai 2020, 18PA03599


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté en date du 27 septembre 2017 par lequel le préfet du Val-de-Marne a rejeté sa demande de délivrance de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1709820 du 28 juin 2018 le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa d

emande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 novembre 201...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté en date du 27 septembre 2017 par lequel le préfet du Val-de-Marne a rejeté sa demande de délivrance de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1709820 du 28 juin 2018 le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 novembre 2018, M. B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1709820 du 28 juin 2018 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté en date du 27 septembre 2017 du préfet du

Val-de-Marne ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour mention " salarié ", dans un délai de trente jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, Me D... renonçant à percevoir la somme allouée au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- le préfet n'a pas procédé à l'examen complet de sa situation ;

- l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et au regard de la circulaire du ministre de l'intérieur en date du 28 novembre 2012, ainsi que de la circulaire interministérielle du

11 février 2013 n° NOR INTK1300188C relative à la mise en oeuvre du plan national de lutte contre le travail illégal 2013-2015 ;

- il méconnaît l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

La requête de M. B... a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du

28 septembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 ;

- la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif modifiée ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les observations de Me D..., avocat de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant malien, né le 5 février 1988, serait entré en France, selon ses déclarations, en 2011. Il a sollicité, le 15 juillet 2016, son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté en date du 27 septembre 2017, le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. B... relève appel du jugement du 28 juin 2018 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Val-de-Marne n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation du requérant avant de prendre la décision attaquée.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir (...) ".

4. A l'appui de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, M. B... a produit une promesse d'embauche en qualité d'électricien établie par la société Kiso. Si le requérant fait valoir que le préfet du Val de Marne n'a pas suffisamment tenu compte de ses qualifications et des spécificités du poste, il ne justifie d'aucune qualification dans le métier d'électricien, et il n'est pas établi que la société Kiso aurait rencontré des difficultés de recrutement. S'il se prévaut également de l'exercice d'une activité professionnelle depuis 2013 en qualité de manutentionnaire, les emplois occupés par le requérant, et son ancienneté dans ceux-ci ne peuvent dans les circonstances de l'espèce être regardés comme constitutifs d'un motif exceptionnel au sens des dispositions de l'article L. 313-14 précité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

6. M. B... fait valoir qu'il est entré en France en 2011, qu'il a travaillé en qualité de manutentionnaire plusieurs mois par an depuis 2013, qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche établie par la société Kiso, et qu'il est bien intégré dans la société française où il a entrepris une démarche d'alphabétisation en 2015. Il est cependant constant que M. B... est célibataire, sans charge de famille et n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Mali où réside sa famille. Par ailleurs, la production d'un avis d'imposition sur le revenu des années 2012 à 2017 ne mentionnant aucun revenu, et de la copie de un à deux relevés de compte bancaire pour chacune de ces années, complétés par quelques documents tels qu'un accusé de réception d'un courrier en 2013, une attestation navigo en 2014, une attestation d'inscription à une association d'alphabétisation et un certificat de solidarité transport en 2015, ainsi qu'un relevé d'assurance maladie en 2017 ne sont pas suffisamment nombreux et diversifiés pour établir la présence effective de M. B... en France durant les années 2012 à 2017, et sont insuffisants à justifier sa présence continue sur le territoire français durant cette période. Enfin, il ne justifie pas d'une intégration particulière dans la société française. Dans ces conditions et alors que l'ancienneté de la résidence du requérant en France depuis plus de dix ans n'est pas établie, le préfet du Val-de-Marne, en lui refusant la délivrance du titre de séjour sollicité, n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée en vue des buts dans lesquels elle a été prise. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations et des dispositions susmentionnées doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, M. B... n'est pas fondé à soutenir que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

7. M. B... ne peut, par ailleurs, utilement se prévaloir des orientations générales que le ministre de l'intérieur a pu adresser aux préfets pour les éclairer dans la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation, dans sa circulaire du 28 novembre 2012, dont les dispositions sont dépourvues de tout caractère impératif et ne constituent pas des lignes directrices. Le requérant ne saurait davantage se prévaloir de la circulaire interministérielle du 11 février 2013 relative à la mise en oeuvre du plan national de lutte contre le travail illégal 2013-2015, laquelle est dépourvue de caractère réglementaire.

8. Eu égard à la situation personnelle de M. B... analysée aux points précédents,

la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

9. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué, en tant qu'il fixe à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français, serait entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 5 mars 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Poupineau, président assesseur,

- Mme A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 mai 2020.

Le président de la 5ème chambre,

S.-L. FORMERY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA03599


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03599
Date de la décision : 19/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Christine LESCAUT
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : GALINDO SOTO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-05-19;18pa03599 ?
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