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14/05/2020 | FRANCE | N°19PA01907

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 14 mai 2020, 19PA01907


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2018 par lequel le préfet de Seine-et-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1809095 du 20 mars 2019, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant l

a Cour :

Par une requête enregistrée le 13 juin 2019, M. A..., représenté par Me B..., d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2018 par lequel le préfet de Seine-et-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1809095 du 20 mars 2019, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 13 juin 2019, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1809095 du 20 mars 2019 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2018 du préfet de Seine-et-Marne ;

3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer une carte de séjour mention " salarié " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale et méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision lui refusant un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;

- il ne se trouvait pas dans un des cas prévus au II de l'article L. 511-1 où le délai de départ peut être refusé ;

- l'interdiction de retour est insuffisamment motivée ;

- elle doit être annulée en conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;

- il ne se trouvait pas dans un des cas prévus au III de l'article L. 511-1 où une interdiction de retour pouvait être prise ;

- le préfet n'a pas pris en compte la durée de sa présence en France et a commis une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 août 2019, le préfet de Seine-et-Marne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant application des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant turc né en mars 1972, est entré sur le territoire français en août 2012 selon ses déclarations. Il a déposé trois demandes d'asile qui ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides les 18 octobre 2013, 25 juin 2014 et 27 novembre 2015, décisions confirmées par la Cour nationale du droit d'asile les 7 mars et 19 novembre 2014, puis le 7 septembre 2016. Il a fait l'objet, le 30 septembre 2016, d'un arrêté du préfet de Seine-et-Marne rejetant sa demande de titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, qu'il n'a pas exécuté. Le 16 octobre 2018, un contrôle d'identité a fait apparaitre qu'il était dépourvu de papiers l'autorisant à séjourner en France. Par un arrêté du même jour, le préfet de Seine-et-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. A... fait appel du jugement du 20 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

2. L'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger (...) ".

3. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise le I 1°, 2° et 6°de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et énonce que M. A..., ressortissant turc, ne peut justifier être entré régulièrement en France, n'ayant pas été en mesure de présenter son passeport lors de son interpellation, qu'il se maintient sur le territoire depuis août 2012 sans être en possession des documents exigés par l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Il mentionne en outre les dates de rejet des trois demandes d'asile de l'intéressé et indique que celui-ci a fait l'objet à la suite de ces rejets de deux obligations de quitter le territoire français qu'il n'a pas exécutées. L'arrêté comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui le fondent et est suffisamment motivé.

4. En deuxième lieu, si M. A... fait valoir qu'il était titulaire depuis le 14 octobre 2018 d'un passeport valide, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il l'aurait présenté lors de son interpellation, ni que ce passeport lui aurait permis d'entrer régulièrement en France en 2012. L'erreur de fait et le défaut d'examen allégués ne sont pas démontrés.

5. En troisième lieu, l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. M. A... fait valoir la longue durée de sa présence en France, le fait qu'il aurait tenté de régulariser sa situation " courant 2017 et 2018 ", la présence d'un frère français et d'un frère en situation régulière ainsi que de son oncle paternel alors que son père est décédé. Toutefois, il n'est entré en France qu'à l'âge de quarante ans et s'y est maintenu malgré le rejet de ses demandes d'asile et deux obligations de quitter le territoire français, il y est sans charge de famille alors que son épouse et ses enfants résident en Turquie et il ne justifie pas d'une insertion professionnelle ou sociale particulière. Dès lors, l'obligation de quitter le territoire français contestée n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

Sur le refus de délai de départ volontaire :

7. L'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " II. L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français (...). Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) ".

8. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et énonce que M. A... n'a déféré à aucune des deux obligations de quitter le territoire français prises à son encontre. Il comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui fondent la décision de lui refuser un délai de départ volontaire et est suffisamment motivé.

9. En deuxième lieu, la circonstance que M. A... s'est soustrait à l'exécution de deux mesures d'éloignement suffit à justifier, sur le fondement des dispositions précitées du d) du 3° du II de l'article L. 511-1, qu'il ne lui soit pas accordé de délai de départ volontaire. Les circonstances qu'il ne représente pas de menace pour l'ordre public, qu'il dispose de garanties de représentation suffisantes, d'un domicile et d'un passeport et qu'il aurait entrepris des démarches pour régulariser sa situation sont sans influence sur la légalité de cette décision qui, contrairement à ce qui est allégué, n'est pas fondée sur le 1° ou le a) et le f) du 3° de ce même texte.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

10. L'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " III. L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...). La durée de l'interdiction de retour (...) sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

11. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai étant infondés, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'interdiction de retour devrait être annulée en conséquence de l'illégalité de ces décisions.

12. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué vise le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique que la durée de l'interdiction de retour a été fixée au regard des dispositions du huitième alinéa de ce III. Il fait état tant de la durée et des conditions du séjour en France de l'intéressé que de sa situation personnelle et familiale et notamment du fait qu'il exerce une activité professionnelle sans autorisation. Il mentionne également les deux obligations de quitter le territoire français non exécutées. L'interdiction de retour est ainsi suffisamment motivée en droit et en fait tant dans son principe que dans sa durée.

13. En troisième lieu, M. A... ne fait état d'aucune circonstance humanitaire faisant obstacle au prononcé d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Compte tenu de la durée et des conditions de son séjour en France, rappelées ci-dessus, comme de l'absence d'exécution des mesures l'obligeant à quitter le territoire français, et nonobstant le fait qu'il ne troublerait pas l'ordre public, le préfet de Seine-et-Marne a pu, sans entacher sa décision d'erreur d'appréciation, prendre à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Sa requête d'appel doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'étant pas partie perdante.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 13 février 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme E..., présidente de chambre,

- M. C..., premier conseiller,

- M. Platillero, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 mai 2020.

La présidente de la 1ère chambre,

S. E...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°19PA01907 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01907
Date de la décision : 14/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : NETRY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-05-14;19pa01907 ?
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