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10/04/2020 | FRANCE | N°18PA02431

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 10 avril 2020, 18PA02431


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Syndicat de la fonction publique (SFP) et M. B... D... ont demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française, d'une part, d'annuler la décision du 21 juin 2017 par laquelle la ministre chargée de la fonction publique a refusé de faire bénéficier M. D..., secrétaire général du Syndicat de la fonction publique (SFP), du régime applicable aux travaux supplémentaires, ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux présenté le 10 août 2017, d'autre part, d'enjoindre à la Poly

nésie française d'attribuer à M. D... 40 heures supplémentaires dans un délai de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Syndicat de la fonction publique (SFP) et M. B... D... ont demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française, d'une part, d'annuler la décision du 21 juin 2017 par laquelle la ministre chargée de la fonction publique a refusé de faire bénéficier M. D..., secrétaire général du Syndicat de la fonction publique (SFP), du régime applicable aux travaux supplémentaires, ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux présenté le 10 août 2017, d'autre part, d'enjoindre à la Polynésie française d'attribuer à M. D... 40 heures supplémentaires dans un délai de 2 semaines à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 000 F CFP par jour de retard, et, enfin, de condamner la Polynésie française à verser au SFP une indemnité de 50 000 000 F CFP en réparation du préjudice subi.

Par un jugement n° 1700425 du 15 mai 2018, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 juillet 2018 et le 9 avril 2019, le syndicat de la fonction publique (SFP) et M. B... D..., représentés par la SEP UCJ, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1700425 du 15 mai 2018 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) d'annuler la décision du 21 juin 2017 par laquelle la ministre chargée de la fonction publique a refusé de faire bénéficier M. D... du régime applicable aux travaux supplémentaires ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux présenté le 10 août 2017 ;

3°) d'enjoindre à la Polynésie française d'attribuer à M. D... 40 heures supplémentaires dans un délai de deux semaines à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de condamner la Polynésie française à verser au SFP une indemnité de 419 000 euros ;

5°) de mettre à la charge de la Polynésie française le versement de la somme de 3 000 euros au profit du SFP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur requête est recevable au regard des statuts du syndicat ;

- le contentieux indemnitaire a été lié par la défense au fond ;

- le Tribunal n'a pas statué sur le moyen tiré de ce que le secrétaire général du gouvernement n'a pas compétence pour défendre dans un litige relatif à la situation personnelle de M. D... ;

- d'autres syndicats se sont vus octroyer des mises à disposition de personnels et décharges horaires sur le fondement d'un arrêté 885/CM du 22 août 1991, qui contrevient à l'article 5 de la convention n° 135 concernant les représentants des travailleurs et au principe d'égalité de traitement entre les syndicats ;

- la décision du ministre méconnaît l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en privant M. D... d'une indemnité qui constitue un bien ;

- l'article 16 de la délibération n° 95-223 du 14 décembre 1995 dont il a été fait application méconnaît le principe constitutionnel de liberté syndicale, l'administration ne pouvant contraindre un agent à exercer son activité syndicale sur son temps de travail ;

- l'arrêté 885/CM du 22 août 1991, applicable au présent litige, a été illégalement modifié sans consultation du conseil supérieur de la fonction publique de la Polynésie française ;

- M. D... occupe un poste lui ouvrant droit à une indemnité pour travaux supplémentaires ;

- le SFP subit un préjudice du fait de ce refus, équivalent au coût de la mise à disposition des agents dont bénéficient les syndicats concurrents.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2018, la Polynésie française, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 2 000 euros soit mis à la charge du SFT et de M. D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable faute de mandat donné par le conseil d'administration aux fins d'introduire une requête en appel ;

- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- la délibération n° 95-223 AT du 14 décembre 1995 ;

- la délibération n° 2000-69 APF du 22 juin 2000 ;

- l'arrêté n° 885 CM du 22 août 1991 ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier daté du 4 juin 2017, le Syndicat de la fonction publique (SFP) a demandé à la ministre chargée de la fonction publique de faire bénéficier son secrétaire général, M. B... D..., du régime applicable aux travaux supplémentaires prévu par la délibération n° 2000-69 APF du 22 juin 2000 à hauteur de 40 heures supplémentaires par mois, au motif que celui-ci réalisait une partie de ses tâches syndicales au-delà des horaires de service, du fait de l'absence de candidat à l'utilisation du surcroît de 210 heures de décharge d'activité de service attribuées à son syndicat. La décision de refus opposée le 21 juin 2017 a été contestée le 10 août 2017 par un recours gracieux qui a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. Le SFP et M. D... font appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Polynésie française a rejeté leur demande tendant, d'une part, à l'annulation de ces deux décisions, d'autre part à ce qu'il soit enjoint sous astreinte à la Polynésie française d'attribuer à M. D... 40 heures supplémentaires, et enfin à la condamnation de la Polynésie française à verser au SFP une indemnité de 50 000 000 F CFP en réparation du préjudice subi du fait de ce refus.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Aux termes de l'article 23 des statuts du SFP : " Le conseil d'administration représente légalement le syndicat. (...) Il décide des actions en justice à entreprendre en relation avec le secrétaire général, représentant du syndicat en justice (...) ", le 1° de l'article 25 de ces statuts, relatif aux pouvoirs du secrétaire général du syndicat, précisant que : " Après décision du conseil d'administration des actions en justice à entreprendre, il a qualité pour ester en justice au nom du syndicat, tant en demande qu'en défense, former tous appels et pourvois. (...) En cas d'absence ou de maladie, il est remplacé par le secrétaire général adjoint ". Par une délibération du 18 octobre 2017, le conseil d'administration du SFP a décidé d'attaquer en justice le refus d'octroyer des heures supplémentaires à M. D... " par tout moyen juridique à sa disposition " et donné pour ce faire mandat à son secrétaire général adjoint. Ainsi, et contrairement à ce que soutient la Polynésie française, le SFP justifie que son secrétaire général adjoint a été autorisé à introduire la requête d'appel.

Sur la régularité du jugement :

3. Il résulte des termes du jugement attaqué que celui-ci n'a ni visé, ni statué sur le moyen, soulevé par le SFP dans un mémoire en réplique enregistré le 27 avril 2018 et communiqué, tiré de ce que les écritures en défense signées par le secrétaire général du gouvernement de la Polynésie française étaient irrecevables compte tenu de la portée de la délégation consentie à ce dernier. Il appartenait aux premiers juges de se prononcer sur cette contestation de la recevabilité des écritures produites par le défendeur. Par suite, le jugement est irrégulier et doit être annulé. Il y a lieu de statuer par voie d'évocation sur la demande présentée par le SFP devant le Tribunal administratif de la Polynésie française.

Sur la représentation du défendeur :

4. Au cas d'espèce, si le présent litige est relatif à la situation individuelle de M. D..., agent de la Polynésie française, et si en conséquence le secrétaire général du gouvernement de la Polynésie française ne dispose pas, en application de l'article 2 de l'arrêté n° 0686/PR du 19 septembre 2014, d'une délégation pour signer au nom de la Polynésie française les mémoires en défense dans les litiges de cette nature, les écritures en défense ont été régularisées en appel par la production d'un mémoire présenté pour le président de la Polynésie française par un avocat.

Sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction :

5. Aux termes de l'article 1er de la délibération du 22 juin 2000 relative aux travaux supplémentaires susceptibles d'être effectués par les agents relevant du statut général de la fonction publique de la Polynésie française : " La présente délibération fixe le régime applicable aux travaux supplémentaires susceptibles d'être effectués, par nécessité de service, par les agents relevant des dispositions du statut général de la fonction publique de la Polynésie française et les fonctionnaires de l'Etat ou des collectivités territoriales en position de détachement, servant au sein des services du territoire ou de ses établissements publics à caractère administratif. (...). " L'article 3 de la même délibération précise que : " Pour l'application de la présente délibération, on entend par "travaux supplémentaires" toutes heures de travail autorisées et effectuées, à la demande du chef de service ou du directeur de l'établissement compétent, au-delà de la durée hebdomadaire de travail dans la fonction publique de la Polynésie française. ".

6. Aux termes de l'article 16 de la délibération du l4 décembre 1995 relative à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique de la Polynésie française : " Les décharges d'activité de service peuvent être définies comme étant l'autorisation donnée à un agent public d'exercer, pendant ses heures de service, une activité syndicale aux lieu et place de son activité administrative normale. (...). ".

7. En premier lieu, le SFP ne peut utilement invoquer la méconnaissance, par la décision de refus attaquée, du principe constitutionnel de liberté syndicale dès lors que, contrairement à ce qu'il soutient, cette décision n'a en aucune manière pour objet ou pour effet de contraindre M. D... à exercer ses activités syndicales pendant ses heures de service mais se borne à refuser de lui verser une indemnité destinée à compenser des travaux supplémentaires.

8. En deuxième lieu, il résulte des dispositions précitées de la délibération du 22 juin 2000 que les agents relevant du statut général de la fonction publique de la Polynésie française ne sont susceptibles de bénéficier du régime des travaux supplémentaires qu'au titre de l'activité qu'ils exercent, à la demande de leur hiérarchie, au sein des services de la Polynésie française ou de ses établissements publics à caractère administratif. Par suite, M. D... ne réalisant aucune activité de cette nature au-delà de la durée hebdomadaire de travail lui étant applicable, la décision de refus attaquée n'est entachée d'aucune erreur de fait, de droit ou d'appréciation.

9. En troisième lieu, dès lors que la décision attaquée n'a pas été prise en application de l'arrêté n° 885 CM du 22 août 1991 relatif à la mise à disposition d'agents de l'administration au profit d'organisations syndicales représentatives, mais uniquement en application de la délibération précitée du 22 juin 2000, les requérants ne sont pas fondés à exciper, à l'appui de leurs conclusions aux fins d'annulation, de l'illégalité qui entacherait cet arrêté.

10. En quatrième lieu, la décision attaquée se bornant à refuser l'octroi d'indemnités pour travaux supplémentaires à un agent de la Polynésie française, les requérants ne sont en tout état de cause pas fondés à invoquer une rupture d'égalité à raison de la mise à disposition d'agents au profit d'autres syndicats.

11. Enfin, dès lors qu'il résulte de ce qui précède que M. D... ne pouvait se prévaloir d'aucun droit à bénéficier du régime des travaux supplémentaires prévu par la délibération du 22 juin 2000, la décision attaquée lui refusant ce bénéfice ne l'a privé d'aucun bien au sens des stipulations de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs le moyen tiré de ce que cette décision méconnaît l'article 5 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen selon lesquelles ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être interdit n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.

12. Il résulte de ce qui précède que le SFP et M. D... ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision du 21 juin 2017 par laquelle la ministre chargée de la fonction publique a refusé de faire bénéficier M. D... du régime applicable aux travaux supplémentaires, ainsi que de la décision implicite de rejet du recours gracieux présenté le 10 août 2017. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions indemnitaires :

13. En l'absence de toute illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de la Polynésie française, les conclusions indemnitaires des requérants ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre des frais de justice :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le SFP demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du SFP et de M. D... le versement de la somme globale de 1 000 euros à la Polynésie française.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1700425 du 15 mai 2018 du Tribunal administratif de Polynésie française est annulé.

Article 2 : La demande présentée par le SFP et M. D... devant le Tribunal administratif de Polynésie française ainsi que leurs conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le SFP et M. D... verseront la somme globale de 1 000 euros à la Polynésie française sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au Syndicat de la fonction publique, à M. B... D... et à la Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme A..., président assesseur,

- Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 avril 2020.

Le président de la 7ème chambre,

C. JARDIN

La République mande et ordonne à la ministre des outre-mer en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA02431


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02431
Date de la décision : 10/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération - Indemnités et avantages divers.

Outre-mer - Droit applicable - Lois et règlements (hors statuts des collectivités) - Collectivités d'outre-mer et Nouvelle-Calédonie - Polynésie française.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : SELARL PIRIOU QUINQUIS BAMBRIDGE-BABIN

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-04-10;18pa02431 ?
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