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19/03/2020 | FRANCE | N°18PA02756

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 19 mars 2020, 18PA02756


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... I... a demandé au tribunal administratif de Melun de condamner le centre hospitalier Marc Jacquet à lui verser la somme totale de 762 172,22 euros en réparation des préjudices subis par lui et sa fille A... I... du fait du décès de Mme C..., et d'ordonner une mesure d'expertise complémentaire en vue de permettre l'évaluation de certains postes de préjudice.

Par un jugement n° 1407417 du 25 mai 2018, le tribunal administratif de Melun a condamné le centre hospitalier Marc Jacquet à lui ver

ser la somme de 30 506,85 euros au titre de ses préjudices propres, la somme de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... I... a demandé au tribunal administratif de Melun de condamner le centre hospitalier Marc Jacquet à lui verser la somme totale de 762 172,22 euros en réparation des préjudices subis par lui et sa fille A... I... du fait du décès de Mme C..., et d'ordonner une mesure d'expertise complémentaire en vue de permettre l'évaluation de certains postes de préjudice.

Par un jugement n° 1407417 du 25 mai 2018, le tribunal administratif de Melun a condamné le centre hospitalier Marc Jacquet à lui verser la somme de 30 506,85 euros au titre de ses préjudices propres, la somme de 30 126,71 euros au titre des préjudices subis par sa fille mineure A..., et a rejeté le surplus des demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 août 2018, M. I..., représenté par Me G..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Melun du 25 mai 2018 en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes de première instance ;

2°) de condamner le centre hospitalier Marc Jacquet à lui verser la somme totale de 463 471,33 euros au titre des préjudices économique et d'affection subis par lui et sa fille A... I... du fait du décès de Mme C... ;

3°) d'ordonner une mesure d'expertise en vue de permettre l'évaluation d'autres postes de préjudice ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier Marc Jacquet la somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a fait une appréciation inexacte des éléments qui lui étaient soumis et a violé le principe du droit à réparation intégrale des préjudices subis par une victime ;

- le préjudice économique ne pouvait être évalué en tenant compte de l'augmentation de sa rémunération après le décès de sa compagne, de la constitution d'un nouveau foyer et des revenus de sa nouvelle compagne ; il y a lieu de calculer ce préjudice au regard des perspectives d'avancement de Mme C..., qui aurait consacré 30 % de son traitement à l'entretien de sa fille ; la part dont il bénéficiait au titre du traitement annuel de Mme C... doit en outre être fixée à 55 %, et la part d'autoconsommation de la défunte à 15 % ;

- son préjudice d'affection doit être évalué à la somme de 50 000 euros, compte tenu des circonstances du décès ; le préjudice subi au même titre par sa fille, alors âgée de trois ans, doit être évalué à la même somme ;

- eu égard à l'impact psychologique du décès de Mme C... pour lui et sa fille, un complément d'expertise doit être ordonné en vue de l'évaluation des préjudices résultant de l'évènement traumatique.

Par un mémoire enregistré le 8 octobre 2019, le centre hospitalier Marc Jacquet de Melun, représenté par Me H..., demande à la cour de rejeter la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 4 novembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,

- et les observations de Me F..., représentant M. I....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., souffrant de troubles dépressifs depuis 2008, a été hospitalisée le 15 octobre 2010 au centre hospitalier Marc Jacquet de Melun, sous le régime de l'hospitalisation libre, après avoir tenté de mettre fin à ses jours au cours de la nuit précédente. Dans la nuit du 15 au 16 octobre 2010, elle se suicide en se pendant au robinet de sa chambre avec ses lacets de chaussures. Par un jugement du 25 mai 2018, le tribunal administratif de Melun a condamné le centre hospitalier Marc Jacquet à verser à M. I..., compagnon de la victime et père de leur fille, la somme de 30 506,86 euros au titre de ses préjudices propres, et la somme de 30 126,71 euros au titre des préjudices subis par sa fille mineure A... I.... Par la requête susvisée, il relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes de première instance. Le centre hospitalier, qui conclut au rejet de la requête, ne conteste ni le principe de sa responsabilité pour fautes dans le choix de la méthode thérapeutique et dans la surveillance de la patiente, ni sa condamnation à réparer l'intégralité des préjudices subis par les victimes indirectes. La cause de l'obligation de l'AP-HP n'étant pas contestable, le présent litige porte donc uniquement sur l'évaluation de ces préjudices.

Sur les préjudices :

S'agissant du préjudice économique :

En ce qui concerne le préjudice économique d'A... I... :

2. Le préjudice économique subi par Mme A... I... du fait du décès de sa mère tient à la perte du soutien financier dont elle pouvait raisonnablement espérer que celle-ci le lui prodiguerait jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans. Eu égard à la nature de ce préjudice, le mariage ultérieur de son père de même qu'une éventuelle adoption par l'épouse de celui-ci sont sans conséquence quant à l'appréciation de son droit à réparation de ce chef. Dans les circonstances de l'espèce, compte tenu des revenus de Mme C... avant son décès et des hypothèses que l'on peut faire quant à la part qu'elle aurait annuellement consacré à l'entretien de sa fille, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en condamnant le centre hospitalier Marc Jacquet à verser à ce titre la somme de 45 000 euros à M. I..., pris en qualité d'administrateur des biens de sa fille mineure.

En ce qui concerne le préjudice économique de M. I... :

3. Eu égard au niveau des revenus du foyer, 45 797 euros avec un enfant à charge, pour l'année qui a précédé le décès de Mme C..., et au sensible écart de revenus entre les deux conjoints, la participation de M. I... aux revenus du ménage étant supérieure à 58 %, il n'y a pas lieu de considérer que Mme C... contribuait spécifiquement à l'entretien de M. I.... Dans ces conditions, le préjudice proprement économique subi par M. I... du fait du décès de Mme C... résulte seulement des dépenses supplémentaires tenant à l'obligation dans laquelle il s'est trouvé de prendre intégralement en charge des dépenses communes auparavant partagées et aux conditions dans lesquelles est intervenu ce surcroît de charges. Dans les circonstances de l'espèce, et compte tenu de l'indemnisation du préjudice économique propre d'A... I... tenant à la perte de la contribution de sa mère à son entretien, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en condamnant le centre hospitalier Marc Jacquet à lui verser à ce titre la somme de 15 000 euros.

4. Il résulte de ce qui précède que M. I... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a limité à 506,85 euros et 126,71 euros l'évaluation du préjudice économique subi respectivement par lui et sa fille du fait du décès de Mme C....

S'agissant du préjudice d'affection :

5. Eu égard notamment aux circonstances dans lesquelles est survenu le suicide de Mme C... et à l'âge de sa fille à la date du décès de sa mère, le tribunal n'a fait une appréciation ni insuffisante ni excessive du préjudice d'affection, qui comprend les souffrances psychologiques endurées par les victimes indirectes, en évaluant à 30 000 euros chacun la somme due à ce titre par le centre hospitalier Marc Jacquet.

S'agissant des autres préjudices invoqués :

6. Il ne résulte pas de l'instruction, notamment du rapport d'expertise et des deux certificats médicaux produits par le requérant, que M. I... et sa fille A... auraient subi des préjudices distincts du préjudice d'affection du fait d'un retentissement pathologique du décès de Mme C.... La demande du requérant tendant à ce qu'un complément d'expertise soit ordonné en vue d'évaluer de tels postes de préjudice doit donc être rejetée.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la somme à laquelle le centre hospitalier Marc Jacquet a été condamné par le tribunal administratif de Melun doit être portée à 45 000 euros au titre des préjudices subis par M. I..., et à 75 000 euros au titre des préjudices subis par A... I....

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier Marc Jacquet le versement de la somme de 2 000 euros à M. I... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Les sommes que le centre hospitalier Marc Jacquet a été condamné à verser à M. I... par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Melun du 25 mai 2018 sont portées à 45 000 euros, au titre de ses préjudices propres, et à 75 000 euros au titre des préjudices subis par sa fille mineure A... I....

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Melun du 25 mai 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le centre hospitalier Marc Jacquet versera à M. I... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... I..., au centre hospitalier Marc Jacquet de Melun et à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- M. D..., premier vice-président,

- M. Bernier, président-assesseur,

- Mme B..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 19 mars 2020.

Le rapporteur,

G. B...Le président,

M. D...

Le greffier,

A. DUCHER

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA02756


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02756
Date de la décision : 19/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-03 Responsabilité de la puissance publique. Réparation. Évaluation du préjudice.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : GUERREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-03-19;18pa02756 ?
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