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05/03/2020 | FRANCE | N°19PA01236

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 05 mars 2020, 19PA01236


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Les Halles de l'Aveyron a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2016 par lequel le maire de la commune de Saint-Thibault-des-Vignes a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de l'aménagement d'un bâtiment commercial existant situé au 7 rue Lamartine.

Par un jugement n° 1607974 du 7 décembre 2018, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 29 juillet 2016 du maire de la commune de Saint-Thibault-des-Vignes.

Pro

cédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 5 avri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Les Halles de l'Aveyron a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2016 par lequel le maire de la commune de Saint-Thibault-des-Vignes a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de l'aménagement d'un bâtiment commercial existant situé au 7 rue Lamartine.

Par un jugement n° 1607974 du 7 décembre 2018, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 29 juillet 2016 du maire de la commune de Saint-Thibault-des-Vignes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 5 avril 2019 et le 6 août 2019, la commune de Saint-Thibault-des-Vignes, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1607974 du 7 décembre 2018 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'enjoindre à la société Les Halles de l'Aveyron de communiquer l'annexe n° 7 du contrat de bail commercial conclu le 7 janvier 2016 avec la société Vert Saint-Denis - Saint Thibault des Vignes - Beauvais ;

3°) de rejeter la demande de la société Les Halles de l'Aveyron tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 juillet 2016 ;

4°) de mettre à la charge de la société Les Halles de l'Aveyron la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Saint-Thibault-des-Vignes soutient que :

- le jugement est irrégulier, dès lors que les premiers juges ont commis une série d'erreurs de droit et de fait et ont dénaturé les pièces du dossier ;

- la société Les Halles de l'Aveyron n'a pas intérêt à agir, dès lors qu'elle n'est pas propriétaire du terrain et qu'à la date de l'arrêté attaqué, les conditions suspensives dans le contrat de bail ne s'étant pas réalisées, ce contrat était frappé de caducité ;

- le signataire de l'arrêté attaqué disposait d'une délégation de fonction et de signature ;

- l'arrêté du 29 juillet 2016 est suffisamment motivé ;

- cet arrêté n'est pas entaché d'erreur d'appréciation au regard de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ni de détournement de pouvoir ;

- une substitution de motifs peut être prononcée, le pétitionnaire n'ayant pas justifié qu'il satisfaisait aux conditions prévues à l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme ;

- les conclusions à fin d'injonction de première instance ne sont pas fondées.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 mai 2019, la société Les Halles de l'Aveyron conclut au rejet de la requête, à la réformation du jugement par la voie de l'appel incident en tant qu'il n'a pas retenu que le projet était entaché de détournement de pouvoir et à ce que la somme de 4 500 euros soit mise à la charge de la commune de Saint-Thibault-des-Vignes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Les Halles de l'Aveyron soutient que :

- sa demande était recevable ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'erreur d'appréciation quant à son intégration dans le site ;

- la substitution de motifs demandée par la commune est infondée ;

- l'arrêté est également entaché détournement de pouvoir ; il est demandé à la Cour de réformer le jugement en tant qu'il n'a pas retenu ce moyen.

La commune de Saint-Thibault-des-Vignes a présenté un mémoire enregistré le 29 octobre 2019, après clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D... ;

- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public ;

- et les observations de Me B... pour la commune de Saint-Thibault-des-Vignes.

Considérant ce qui suit :

1. La société Les Halles de l'Aveyron a déposé une demande de permis de construire, en vue de l'aménagement d'un bâtiment commercial existant situé au 7 rue Lamartine à Saint-Thibault-des-Vignes, en qualité de bénéficiaire d'un contrat de bail commercial signé le 7 janvier 2016 avec la société Vert Saint-Denis - Saint Thibault des Vignes - Beauvais, crédit-preneur de l'immeuble. Par un arrêté du 29 juillet 2016, le maire de la commune de Saint-Thibault-des-Vignes a refusé ce permis de construire, sur le fondement de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, au motif que " l'aspect extérieur du projet présente un contraste d'importance, de style et de couleurs avec son environnement qui est différent de l'unité architecturale de la zone d'activités " au sein de laquelle il est situé. Par un jugement du 7 décembre 2018, le tribunal administratif de Melun a annulé cet arrêté, en retenant que le motif de refus du permis de construire était entaché d'erreur d'appréciation. La commune de Saint-Thibault-des-Vignes fait appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il appartient au juge d'appel de statuer sur les moyens invoqués par les parties dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Ainsi, contrairement à ce que soutient la commune de Saint-Thibault-des-Vignes, les erreurs de droit et de fait et la dénaturation du dossier qu'auraient commises les premiers juges n'entachent pas le jugement attaqué d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :

3. Dès lors qu'est en litige un refus de permis de construire opposé à un pétitionnaire, celui-ci a intérêt à contester ce refus, la circonstance qu'il n'aurait pas ou plus disposé, à la date de l'arrêté attaqué, d'une qualité pour se voir accorder le permis de construire ne le privant pas d'intérêt pour agir contre ce refus. De même la circonstance que, postérieurement à l'arrêté refusant le permis de construire, le contrat de bail commercial entre la société Les Halles de l'Aveyron et le propriétaire du terrain serait devenu caduc, faute de réalisation des conditions suspensives du fait du refus de permis de construire, ne privait pas plus cette société d'intérêt à agir. Par suite, le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient fait droit à une demande irrecevable doit être écarté.

En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par les premiers juges :

4. Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".

5. Il ressort des pièces du dossier que le bâtiment en litige est situé dans une zone d'activités composée de bâtiments commerciaux sans unité ni aucun intérêt architectural ou patrimonial particulier. Ainsi qu'il ressort de la notice descriptive et des documents d'insertion joints à la demande de permis de construire, le projet, qui a pour objet principal de modifier les façades d'un hangar existant sans intérêt particulier, suggère une sorte de halle en l'habillant d'arches en serrureries noires, de panneaux en terre cuite ou stratifié ocre, d'un appareillage de petites pierres naturelles et d'une miroiterie réfléchissante, et prévoit l'installation d'une enseigne portant le logo de la société Les Halles de l'Aveyron. Dans ces conditions, compte tenu des caractéristiques du site d'implantation du projet et de l'absence d'impact de ce projet, du fait de sa nature et de ses effets, sur ce site, il ne peut être regardé comme étant de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites et aux paysages naturels ou urbains. Par suite, la commune de Saint-Thibault-des-Vignes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Melun a, pour annuler le refus de permis de construire contesté, retenu le moyen tiré de l'erreur d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.

En ce qui concerne la demande de substitution de motif :

6. La commune de Saint-Thibault-des-Vignes sollicite toutefois comme devant le tribunal administratif une substitution de motifs, au motif que la société Les Halles de l'Aveyron n'aurait pas eu qualité pour déposer la demande de permis de construire, le bail commercial du 7 janvier 2016 conclu avec la société Vert Saint-Denis - Saint Thibault des Vignes - Beauvais étant devenu caduc faute de réalisation des conditions suspensives qui y sont stipulées.

7. Aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire (...) sont adressées (...) ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux (...) ". Aux termes de l'article R. 431-5 du même code : " La demande de permis de construire précise : a) L'identité du ou des demandeurs (...) La demande comporte également l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une demande de permis ".

8. Il résulte de ces dispositions que les demandes de permis de construire doivent seulement comporter l'attestation du pétitionnaire qu'il remplit les conditions définies à l'article R. 423-1 cité ci-dessus. Les autorisations d'utilisation du sol, qui ont pour seul objet de s'assurer de la conformité des travaux qu'elles autorisent avec la législation et la réglementation d'urbanisme, étant accordées sous réserve du droit des tiers, il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l'instruction d'une demande de permis, la validité de l'attestation établie par le demandeur. Ainsi, sous réserve de la fraude, le pétitionnaire qui fournit l'attestation prévue à l'article R. 423-1 du code doit être regardé comme ayant qualité pour présenter sa demande. Lorsque l'autorité saisie d'une demande de permis de construire vient à disposer, au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une mesure d'instruction lui permettant de les recueillir, d'informations de nature à établir son caractère frauduleux, il lui revient de refuser la demande de permis pour ce motif. Enfin, si postérieurement à la délivrance du permis de construire, l'administration a connaissance de nouveaux éléments établissant l'existence d'une fraude à la date de sa décision, elle peut légalement procéder à son retrait sans condition de délai. La fraude est caractérisée lorsqu'il ressort des pièces du dossier que le pétitionnaire a eu l'intention de tromper l'administration sur sa qualité pour présenter la demande d'autorisation d'urbanisme.

9. La commune de Saint-Thibault-des-Vignes soutient, d'une part, que la société Les Halles de l'Aveyron n'a pas déposé sa demande de permis de construire dans le délai d'un mois à compter de la signature du bail commercial, ce qui constituait au demeurant, selon les termes du contrat de bail du 7 janvier 2016, un engagement de cette société et non une condition suspensive à la réalisation du bail, et qu'il n'est pas établi que le projet déposé était conforme au projet de principe constitué de l'annexe 7 au contrat de bail, et, d'autre part, que l'accord du crédit-bailleur pour la signature du bail, délivré le 5 février 2016, n'a pas été donné avec accusé de réception justifiant le respect du délai d'un mois prévu au contrat de bail et comportait des réserves mettant en cause sa validité au regard de ce contrat. Toutefois, ces seuls éléments ne sauraient permettre à la commune de Saint-Thibault-des-Vignes d'affirmer que son maire disposait, au moment où il a statué, et sans avoir à procéder à une mesure d'instruction lui permettant de les recueillir, d'informations de nature à établir le caractère frauduleux de la demande de permis de construire ou faisant apparaître, sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, que le pétitionnaire ne disposait d'aucun droit à la déposer, du fait de la caducité du bail connue par le demandeur. Par ailleurs, la commune de Saint-Thibault-des-Vignes ne saurait sérieusement se prévaloir de la caducité du bail commercial du fait de l'absence de réalisation de la condition suspensive tenant à l'obtention du permis de construire dans un délai de sept mois à compter de la signature du bail commercial le 7 janvier 2016, dès lors que le permis de construire a été refusé dès le 29 juillet 2016. Dans ces conditions, la demande de substitution de motifs présentée par la commune de Saint-Thibault-des-Vignes doit être rejetée.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner la production des documents demandés, que la commune de Saint-Thibault-des-Vignes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 29 juillet 2016 par lequel le maire de la commune a refusé de délivrer un permis de construire à la société Les Halles de l'Aveyron. Ses conclusions à fin d'annulation du jugement et de rejet de la demande de première instance doivent dès lors être rejetées.

Sur la demande incidente de la société Les Halles de l'Aveyron :

11. Les appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs ne peuvent tendre qu'à l'annulation ou à la réformation du dispositif du jugement attaqué. Le jugement du 7 décembre 2018 du tribunal administratif de Melun fait entièrement droit aux conclusions de la demande dont la société Les Halles de l'Aveyron l'avait saisi. Dès lors, les conclusions de cette société, qui sont en réalité dirigées non contre le dispositif de ce jugement mais contre l'un de ses motifs, ne sont pas recevables.

Sur les frais liés au litige :

12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

13. Les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Les Halles de l'Aveyron, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Saint-Thibault-des-Vignes demande au titre des frais qu'elle a exposés. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Saint-Thibault-des-Vignes, qui est la partie perdante, la somme de 1 500 euros au titre des frais que la société Les Halles de l'Aveyron a exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Saint-Thibault-des-Vignes est rejetée.

Article 2 : La commune de Saint-Thibault-des-Vignes versera à la société Les Halles de l'Aveyron la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la société " Les Halles de l'Aveyron " est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Thibault-des-Vignes et à la société Les Halles de l'Aveyron.

Délibéré après l'audience du 13 février 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme C..., présidente de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 mars 2020.

Le rapporteur,

F. D...La présidente,

S. C...Le greffier,

M. A...La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA01236


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01236
Date de la décision : 05/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Nature de la décision. Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : LARGO AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-03-05;19pa01236 ?
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