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03/03/2020 | FRANCE | N°19PA00703

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 03 mars 2020, 19PA00703


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme J... H... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 9 avril 2018 par laquelle la ministre du travail :

- a retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé par la société du Figaro contre la décision de l'inspecteur du travail du 19 juin 2017 refusant d'autoriser sa mise à la retraite ;

- a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 19 juin 2017 ;

- a autorisé sa mise à la retraite.

Par jugement n° 1809764/3-3 du 11

décembre 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme J... H... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 9 avril 2018 par laquelle la ministre du travail :

- a retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé par la société du Figaro contre la décision de l'inspecteur du travail du 19 juin 2017 refusant d'autoriser sa mise à la retraite ;

- a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 19 juin 2017 ;

- a autorisé sa mise à la retraite.

Par jugement n° 1809764/3-3 du 11 décembre 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 février 2019, Mme H..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision de la ministre du travail du 9 avril 2018 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a pas eu communication du rapport complémentaire d'enquête concluant à la confirmation de la décision de refus de l'inspecteur du travail ;

- le principe d'impartialité a été méconnu dès lors, d'une part, que la ministre du travail, auteur de la décision litigieuse, était en situation de conflit d'intérêts du fait de précédentes fonctions au sein du groupe Dassault et, d'autre part, que le signataire de ladite décision est l'auteur d'un ouvrage de doctrine suivie par le contre-enquêteur ;

- il existe un lien entre la demande d'autorisation de mise à la retraite et les mandats qu'elle a exercés ou exerce encore.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 septembre 2019, la société du Figaro, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 novembre 2019, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle s'en rapporte à ses écritures de première instance.

La clôture de l'instruction est intervenue le 28 novembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant la société du Figaro.

Considérant ce qui suit :

1. Mme H..., née le 31 mars 1947, a été recrutée en qualité de journaliste par la société France Soir le 1er février 1977. En 1984, son contrat de travail est repris par la société AGPI, devenue société de gestion du Figaro puis société du Figaro. Chef du service Etudes politiques depuis 2002, elle a exercé les mandats de déléguée syndicale et représentante syndicale au comité d'entreprise entre 1988 et 2009, et était conseiller du salarié depuis 2009. Le 19 avril 2017, la société du Figaro a sollicité l'autorisation de mettre Mme H... à la retraite. Par décision du 19 juin 2017, l'inspectrice du travail a refusé de délivrer cette autorisation. L'employeur a formé un recours hiérarchique, qui a été implicitement rejeté par la ministre du travail le 9 décembre 2017. Par décision du 9 avril 2018, la ministre a retiré cette décision implicite, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 19 juin 2017 et a autorisé la mise à la retraite de Mme H.... La requérante a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler cette décision et par un jugement du 11 décembre 2018 dont elle relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes des dispositions de l'article L. 1237-5 du code du travail : " La mise à la retraite s'entend de la possibilité donnée à l'employeur de rompre le contrat de travail d'un salarié ayant atteint l'âge mentionné au 1° de l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale (...) ". En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Par suite, dans le cas où la demande de rupture du contrat de travail d'un salarié protégé est présentée, par l'employeur, au titre des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 1237-5 du code du travail, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de vérifier sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'une part, que la mesure envisagée n'est pas en rapport avec les fonctions représentatives exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé, d'autre part, que les conditions légales de mise à la retraite sont remplies et, enfin, qu'aucun motif d'intérêt général ne s'oppose à ce que l'autorisation soit accordée. Il incombe également à l'inspecteur du travail d'apprécier la régularité de la procédure de mise à la retraite de ce salarié au regard de l'ensemble des règles applicables, au nombre desquelles figurent, d'une part, les garanties de procédure prévues par le code du travail en cas de licenciement d'un salarié protégé, lesquelles s'appliquent aussi à la mise à la retraite d'un salarié protégé et, d'autre part, le cas échéant, les stipulations d'accords collectifs de travail applicables à la mise à la retraite des salariés.

3. Mme H... soutient en premier lieu que le principe du contradictoire a été méconnu par la ministre du travail, dès lors que le second rapport d'enquête établi dans le cadre de l'instruction du recours hiérarchique de la société du Figaro ne lui a pas été communiqué avant l'édiction de la décision du 9 avril 2018. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la ministre ne s'est pas fondée, pour autoriser la mise à la retraite de l'intéressée, sur ce rapport qui concluait à la confirmation de la décision de refus de l'inspection du travail. La circonstance qu'il ne lui a été communiqué qu'ultérieurement n'est donc pas susceptible d'entacher d'irrégularité la procédure suivie par la ministre du travail.

4. En deuxième lieu, Mme H... estime que la décision du 9 avril 2018 a été prise en méconnaissance du principe d'impartialité dans la mesure où son auteur, Mme I..., ministre du travail, a précédemment occupé les fonctions de directrice générale adjointe de la société Dassault Systèmes, filiale du groupe Dassault auquel appartient également la société du Figaro. La requérante ne saurait cependant remettre utilement en cause la mise en oeuvre par la ministre du travail de son pouvoir propre, qu'elle seule peut compétemment exercer, d'annulation de la décision prise par l'inspecteur du travail sur la demande de la société du Figaro. En tout état de cause, eu égard à l'ancienneté de l'emploi de Mme I... par une société du groupe Dassault, qui a pris fin en 2008, dix ans après l'édiction de la décision litigieuse, cette circonstance n'est pas de nature à faire naître un doute quant à l'impartialité de la ministre. Si Mme H... fait en outre valoir que la décision du 9 avril 2018 ne pouvait être signée, par délégation, par M. D... A..., chef du bureau du statut protecteur, dès lors qu'il est l'auteur d'un ouvrage de doctrine cité dans le premier rapport d'enquête produit dans le cadre du recours hiérarchique, l'exposé par un membre de l'administration des règles relatives au licenciement des salariés protégés et de la jurisprudence qui en fait application ne saurait sérieusement être regardé comme susceptible de faire naître un doute sur l'impartialité de cette personne lorsqu'elle met elle-même en oeuvre ladite réglementation.

5. Mme H... soutient en dernier lieu que la demande d'autorisation de mise à la retraite formée par la société du Figaro est en lien avec les mandats syndicaux qu'elle a exercés et celui dont elle était encore titulaire depuis 2009. Elle indique ainsi que d'autres journalistes, pourtant âgés de plus de 70 ans, sont employés au sein de la rédaction du journal. Il ressort toutefois des pièces du dossier que ces derniers, pour la plupart collaborateurs ponctuels dans des domaines spécifiques, ne sont pas titulaires d'un contrat de travail à durée indéterminée mais interviennent de manière occasionnelle en raison surtout de leur notoriété, et parfois dans le cadre d'un cumul emploi-retraite. Si l'un des journalistes en cause bénéficiait d'un contrat similaire à celui de la requérante, il y a été mis fin lorsqu'il a atteint l'âge de 70 ans. Il n'est pas établi par ailleurs que Mme H... aurait été isolée au sein d'un bureau excessivement distant de ceux de ses collègues de travail, ni qu'elle aurait fait l'objet de mesures discriminatoires ou de vexations en raison de ses mandats, la seule présence, notamment, d'un dessin humoristique dans son bureau, réalisé avant son occupation par la requérante, étant sans rapport avec cette dernière. La circonstance que les tâches qui lui étaient confiées s'avéraient peu prenantes ne peut en outre être attribuée à ses fonctions syndicales, et la cour d'appel de Paris a rejeté, le 21 janvier 2016, les demandes de la salariée relatives au niveau de sa rémunération, arrêt confirmé par la Cour de cassation le 15 juin 2017. Enfin, les éléments médicaux produits par Mme H..., dont il ressort qu'elle présentait certes des troubles anxieux en relation avec son activité professionnelle, ne sont pas de nature à révéler que la demande d'autorisation de mise à la retraite aurait été motivée par les mandats de l'intéressée. La ministre du travail n'a donc pas commis d'erreur d'appréciation en autorisant cette mise à la retraite.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme H... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par Mme H... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme H... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme J... H..., à la ministre du travail et à la société du Figaro.

Délibéré après l'audience du 6 février 2020, à laquelle siégeaient :

- M. G..., premier vice-président,

- Mme Jayer, premier conseiller,

- Mme F..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 3 mars 2020.

Le rapporteur,

G. F...Le président,

M. G...

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne à la ministre du travail, en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 19PA00703


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00703
Date de la décision : 03/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : SELARL MAUGER MESBAHI ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-03-03;19pa00703 ?
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